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Baudelaire Rimbaud

Commentaire de texte : Baudelaire Rimbaud. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  20 Juin 2022  •  Commentaire de texte  •  3 138 Mots (13 Pages)  •  255 Vues

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Introduction

C’est peut-être en pensant à ce poème, « recueillement », que Rimbaud écrit à propos de Baudelaire :

« Inspecter l’invisible et entendre l’inouï étant autre chose que reprendre l’esprit des choses mortes, Baudelaire est le premier voyant, roi des poètes, un vrai Dieu. »

Rimbaud, Lettre à Paul Demeny, 15 mai 1871.

« Recueillement » a été écrit par Baudelaire à la fin de sa vie, et semble marqué par une profonde méditation sur la mort. Il n’apparaît que dans la 3e édition (posthume) des Fleurs du Mal, à la fin de « Spleen et Idéal », où il annonce déjà la deuxième partie, « Tableaux parisiens » : déjà, la ville apparaît sous une successions de tableaux allégoriques.

Comme Virgile guidant Dante à travers les Enfers dans La Divine Comédie, le poète prend sa Douleur par la main, et lui montre l’envers du décor : sous le regard du poète, le monde apparaît comme un théâtre peuplé d’allégories. Seule cette contemplation à l’écart du monde semble permettre au poète de trouver une certaine sérénité.

Problématique

Comment ce parcours allégorique du poète accompagné par sa douleur le conduit de la désillusion à l’isolement final ?

Axes de lecture pour un commentaire composé :

> Des images fortes et originales, qui reprennent des thèmes traditionnels dans l’Histoire des Arts.

> Un dialogue intime du poète avec sa Douleur.

> Une mise en scène où le monde devient un théâtre.

> Une dimension allégorique qui envahit tout le texte.

> Une mélancolie douce et amère, proche du registre élégiaque. > L’isolement du poète qui cherche l’apaisement et l’innocence.

Premier mouvement :

La mise en scène d’un dialogue

Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille. Tu réclamais le Soir ; il descend ; le voici :

Une atmosphère obscure enveloppe la ville,

Aux uns portant la paix, aux autres le souci.

Le poète (à la première personne) s’adresse à sa Douleur, à la deuxième personne du singulier. Le dialogue est déjà commencé : c’est une réponse à une réplique précédente « tu réclamais » : le discours narrativisé rapporte un discours avec un simple verbe de parole, sans transcrire le contenu.

Le possessif, l’apostrophe, le mode impératif des deux verbes, tout cela montre une certaine proximité entre le poète et sa douleur. On peut penser au début de l’Invitation au Voyage :

« Mon enfant, ma sœur,

Songe à la douceur

D’aller là-bas vivre ensemble. »

Baudelaire, Les Fleurs du Mal, “L’Invitation au Voyage”, 1857.

La douleur est un peu comme une sœur ou un enfant qu’il faudrait apaiser. Ou encore peut-être, comme un chat qu’il faudrait caresser. Vous savez que Baudelaire a écrit 2 poèmes Le Chat, et 1 Les Chats au pluriel, dans ses Fleurs du Mal.

Le présentatif « voici » implique la présence des deux personnages dans un même lieu. C’est ce qu’on appelle un déictique, il renvoie à la situation d’énonciation, pour ainsi dire, il montre du doigt, c’est un procédé typique du théâtre. Le verbe « descendre » évoque en plus un deus ex machina : un dieu arrive sur la scène pour résoudre l’intrigue.

Le Soir coïncide souvent avec la fin d’une pièce de théâtre, qui se tient dans les bornes de la révolution du soleil recommandée par Aristote. La fin de la journée apporte donc souvent le dénouement de l’intrigue : la tranquillité et la paix aux amoureux dans la comédie, le souci aux Tartuffes et aux Dom Juan, et bien sûr, la mort aux Héros de tragédie.

« Le voici » construit ce qu’on appelle une hypotypose : donner à voir une description frappante et animée. Le cadre spatio-temporel est bien défini : la ville, le soir. Mais en plus, tout est en mouvement : descendre, vertical, envelopper, horizontal.

La Douleur, le Soir, avec des majuscules comme des noms propres, ce sont des allégories : des concepts personnifiés. Mais cela va plus loin ici car cette dimension symbolique contamine ensuite tout le discours :

l’atmosphère porte la paix et le souci comme si c’étaient des offrandes, elle enveloppe la ville, peut-être comme une mère enveloppe son enfant dans des couvertures.

Plusieurs tableaux se succèdent, regardez. D’abord le Soir est absent, on le réclamait à l’imparfait. Ensuite, il descend, au présent d’énonciation (l’action se déroule au moment où l’on parle) et enfin, le voici, c'est-à-dire qu’il a fini sa descente.

Les rimes croisées vont aussi dans ce sens : elles favorisent la progression, et représentent une situation qui évolue. Le rythme est donc très travaillé : « sois sage, ô ma Douleur, et tiens toi plus tranquille » 2, 4 et 6 syllabes : le mouvement s’allonge progressivement, avec une phrase courte puis une phrase longue.

L’émotion de ce poème est très ambiguë. Une douleur sage, c’est un oxymore : l’association de mots contradictoires. S’il lui demande d’être « plus tranquille », c’est qu’elle ne l’est pas tout à fait. « La paix » et « le souci » sont mis en parallèle. Contrairement au Spleen écrasant de certains poèmes, Baudelaire décrit ici une mélancolie à la fois douce et amère.

Le mot douleur contient lui-même à la fois la douceur et l’amertume. Les assonances (répétition de sons voyelles) proches du O sont du côté de la douceur. Les allitérations (répétition de sons consonnes) en

R sont du côté de l’amertume. On peut parler de registre lyrique : l’expression musicale d’une douleur personnelle.

Mais déjà, la mort est présente : le mot paix, c’est le repos des justes, requiescat in pace. Le mot souci a un sens étymologique beaucoup plus fort qu’aujourd’hui : le verbe sollicitare en latin désigne les tourments des Enfers. On bascule du côté de l’élégie : le lyrisme est au service d’un sentiment ancré dans la mélancolie, le deuil, la conscience de la mort.

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