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Fais-toi cuire un oeuf

Analyse sectorielle : Fais-toi cuire un oeuf. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  13 Octobre 2020  •  Analyse sectorielle  •  2 846 Mots (12 Pages)  •  697 Vues

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1 . « Fais-toi cuire un oeuf »

Décrivez chaque étape de l ' attente de la petite fille et analysez le temps chronologique et psychologique qu ' elle passe à attendre sa mère .

Esther Croft(1945-

Québec

Fais-toi cuire un oeuf

Esther Croft

Née à Québec, Esther Croft y fait des études de lettres et, en 1978 et 1979, ellepoursuit sa formation en atelier d'écriture à Paris avec Elizabeth Bing. Elle obtient,en 1982, une maîtrise en littérature québécoise à l'université Laval où elle enseignele théâtre et la création littéraire depuis 1980, à titre de chargée de cours. Elle animeaussi des ateliers d écriture hors du cadre universitaire.

Auteure de manuels scolaires, Esther Croft a écrit également, entre 1970 et1980, cinq dramatiques radiophoniques diffusées à Radio-Canada. L 'une d'elles,Écrase, remporte en 1984 la palme de la meilleure production de l'année lors duconcours des radios francophones.

Dans son recueil de nouvelles La mémoire à deux faces (1988), l'auteure, dansun style dépouillé etpercutant, cerne avec la précision du scalpel ces petites tragédiesqui marquent l 'enfance.Ảtravers la narration des événements qui en sont la cause,cesnoeuds d 'emotion, cristallises dans la memoire enfantine, laissent voir le fonction-nement toujours vivace de leur mecanique implacable. L 'actualite dusujet caracterisele texte «Fais-toi cuire un oeuf». Sa richesse apparaît entre autres dans l'exploitationde la dimension temporelle du récit, en particulier du temps psychologique.

Bibliographie sélective

Un jugement comme les autres (1978), dramatique radiophonique. 

Tu rêves en rose pâle (1982), dramatique radiophonique

La mémoire à deux faces (1988), nouvelles

Quand je suis rentrée de l ' école , il n ' y avait personne à lamaison . Comme hier et comme avant-hier et comme le jour précédent . Lorsque je dis personne , cela veut dire ma mère , bien entendu . De qui d ' autre voudriez-vous que je vous parle ? Après elle , il n ' y a rien dans ma vie qui vaille la peine d ' être mentionné . Elle devrait bien le savoir .

Pourtant , aujourd ' hui elle m ' avait juré qu ' elle serait déjà là aumoment où j ' arriverais . Elle m ' avait même promis une surprise si je réussissais à améliorer mes résultats en français . Et j ' ai réussi . Pour elle, j ' ai accordé tous mes participes passés et je n ' ai pas oublié un seul« s » au pluriel . J ' ai soigné mon écriture et ma signature était presque aussi belle que la sienne .

Dès que la cloche a sonné , j ' ai bondi dans la cour et je ne me suis pas arrêtée une seule fois sur le chemin du retour . J ' avais tellement hâte d’arriver et de lui sauter au cou et de lui présenter mon cahier sans fautesque j ' ai même refusé d ' aller jouer chez Lucie Godbout . Je n’avais pas une minute à perdre , même avec ma meilleure amie , quand ma mère était là à m ' attendre , à avoir hâte que j ' arrive et même à s’inquiéter peut -être .

Mais ma mère n' était pas là à m' attendre, à avoir hâte que j' arrive et elle ne s'inquiétait pas non plus. Elle était partie, tout simplement. Comme la veille et comme le jour d' avant.

Quand j'ai ouvert la porte, dès que j'ai senti le froid de la poignée au creux de ma main, j'ai su tout de suite qu’elle n'y était pas, qu elle m'avait désertée et que mes trois pieds et six pouces et demi n’avaient pas pesé lourd dans sa balance. Ses promesses non plus. Je ne savais pas où elle était ni ce qu’elle faisait, mais elle était sûrement en train de me tromper puisqu’elle ne devinait même pas que son absence m’était tout à coup insupportable. Comme le grand silence qu’elle m’avait laissé entre les quatre murs de la maison et qui ne portait pas le moindre écho de son attachement à moi. Et j' ai eu beau crier, claquer mes talons sur son beau plancher de bois franc, m' asseoir à la fois sur ma chaise et sur la sienne, je ne suis pas parvenue à remplir le vide que le soleil d' après-midi rendait encore plus cru.

J’ai essayé, tant bien que mal, de l'excuser, de lui inventer des raisons de départ légitimes: sa soeur était malade, un de ses élèves s' était blessé, il ne restait plus de lait. Mais je n' ai pas pu me convaincre de son innocence: sa soeur unique vit en Chine depuis dix ans; aujourdhui,dans son école, c'était un congé flottant, et il y avait trois litres de lait au frigidaire.

De plus, si elle n'avait rien eu à se reprocher, elle m'aurait sûrement laissé un petit quelque chose, je ne sais pas moi, un morceau de gâteau, un pain au chocolat ou au moins une odeur. Oui, c'est ça, une odeur, une bonne odeur qui vous rappelle qu’on s' est déjà occupé de vous, que vous avez déjà été aimée. Pas cette vieille senteur de friture du poisson d'hier soir encore accrochée au rideau blanc, entre le poêle et la chambre de ma mère!

Je déteste le poisson. Et elle le sait très bien. Elle sait très bien que lorsque j'en vois un dans mon assiette, j’ai toujours l'impression qu'il va se mettre à ramper, à se tortiller, à se couler le long de mes patates et qu'il va finir par glisser sur moi. Et puis ça sent mauvais. Mon père aussi détestait le poisson. C'est peut-être pour cette raison qu’il est parti. Peut-être qu'il ne pouvait pas, lui non plus, en supporter l'odeur et la texture et la chair molle et la peau trop fine et les deux yeux qui continuent à vous fixer même quand le corps a disparu.

D'habitude, quand elle doit s'absenter longtemps, ma mère me laisse un message. Elle m’écrit un mot, de sa belle écriture de maîtresse d’école (celle que j’essaie souvent d' imiter) et elle signe toujours:

À tout de suite. Maman.

Quand je trouve ses mots, épinglés n'importe où dans la maison, je me sens un peu triste, bien

...

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