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Zone D'incertitude

Mémoire : Zone D'incertitude. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  16 Janvier 2012  •  2 007 Mots (9 Pages)  •  1 483 Vues

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La zone d'incertitude par M.CROZIER

Toute organisation est soumise à des multitudes d'incertitudes, Les plus visibles sont les turbulences qui viennent de l'environnement comme par exemple le changement des techniques de production ou de communication, l'évolution des marchés, le recrutement de nouveau membres, etc. Ces incertitudes fortes ne sont toutefois à prendre en compte que comme des contraintes que le acteurs vont intégrer dans leur jeu. Elles ne peuvent en aucun cas être prises comme des données que les acteurs devraient passivement subir. Toute incertitude de ce type doit être regardée comme un élément qui sera intégré par les acteurs dans les stratégies de l'organisation. C'est le refus de cette intégration ou un mauvais calcul à son égard qui peuvent faire couler l'entreprise-organisation, non l'incertitude elle-même.

Tout système connaît donc des incertitudes, mai aucune ne contraint l'organisation de manière mécanique Toutes rentrent dans le jeu des acteurs dont elles renforcent ou diminuent l'autonomie et par là le pouvoir L'incertitude se situe donc toujours en relation au pouvoir. Dans l'analyse stratégique, l'incertitude est définie par rapport au renforcement du jeu de l'acteur, c'est-à-dire comme une autonomie. Celle-ci peut s'inscrire dans un cadre formel : un responsable hiérarchique dispose de pouvoirs formels dans la mesure où il a l'attribut de la décision ultime. Il peut, par exemple, engager la société à laquelle il appartient parce qu'il a reçu délégation de signature pour certains actes. A ce niveau, il possède donc une autonomie de décision. Même s'il doit, par la suite, rendre compte de l'usage fait de cette autonomie, celle-ci n'en existe pas moins. L'autonomie peut aussi être contenue implicitement dans la définition de la fonction : l'ouvrier a la charge de faire marcher une machine. Il dispose d'une certaine marge d'autonomie pour le faire, ou il s'en empare 9. Dans le premier cas, le pouvoir formel est lié au statut. Dans le second, il l'est au poste de travail, donc plus à la compétence de l'ouvrier qu'à son statut ; si les réglages sont mauvais, le régleur fera le travail à la place de l'ouvrier.

Ces deux exemples illustrent le poids de l'incertitude dans toute situation organisationnelle en s'appuyant sur l'autonomie de l'acteur et la possibilité pour lui de faire des choix. Ce point est capital. Si, en effet, il est récusé, l'analyse stratégique l'est aussi. Or une certaine expérience pédagogique montre que cette évidence possibilité des choix ne l'est pas pour tout le monde. Non plus pour des jeunes, débutant dans la vie active et qui sont avant tout sensibles au poids des contraintes et des hiérarchies pesant sur eux. Ils ne cessent d'affirmer qu'ils ne sont pas libres, qu'ils doivent faire ce qu'on leur demande sans pouvoir s'en écarter, même lorsqu'ils débutent avec un bon diplôme les plaçant dans une situation hiérarchique non négligeable en début de carrière.

L'autonomie de l'acteur est également souvent niée par ceux qui, en bas de l'échelle hiérarchique, font un travail déqualifié, sans beaucoup d'autonomie. Affirmer quel'OS des entreprises industrielles possède une autonomie dont il se sert, c'est se faire souvent qualifier au mieux de doux rêveur, au pire de falsificateur cherchant à peindre en couleurs joyeuses le bagne de l'OS. Car il y serait libre. Loin de nous l'idée de représenter le travail non qualifié, travail à la chaîne ou autre, sous un aspect serein et non aliénant. Mais enfin, si l'expression de"travail enchaîné"fait choc et rappelle, à juste titre, la réalité d'un travail déqualifié et ses contraintes, il serait tout aussi faux de passer sous silence les espaces de liberté que conquièrent en permanence les OS. L'appropriation du travail, faut-il le rappeler, a été observée par tous les témoins et observateurs au point que l'existence d'une qualification réelle du monde des OS commence à être reconnue. Il ne s'agit pas seulement de tours de main qui permettent d'exécuter mieux ou plus rapidement des opérations étudiées très rigoureusement et sérieusement par les bureaux des méthodes. Ceux-ci, même en faisant le plus consciencieusement leur travail de préparation, laissent toujours des domaines mal définis où s'engouffre l'initiative des OS. Les tours de main permettent d'aller plus vite et avec plus de précision. La qualification réelle mais non formellement reconnue des OS s'exerce aussi à travers des réglages de machine, par exemple, confiés de facto aux exécutants, ou par des"régulations","procédures d'ajustement"nécessaires parce qu'il y a toujours une variabilité des conditions de l'exécution du travail. Toute situation organisationnelle, quelle qu'elle soit, contient toujours une marge d'incertitude sur laquelle l'analyse stratégique braque le projecteur.

Elle le fait parce que la maîtrise de cette incertitude confère un pouvoir à celui qui la détient. L'OS à qui le régleur, suroccupé à certains moments de la journée, a confié de petits réglages non prévus dans la fonction peur refuser de les faire. Ce refus gêne le régleur. Pour obtenir les avantages qu'il peut souhaiter de la part de ce dernier l'OS a donc intérêt à faire les réglages, puis à laisser entendre qu'il pourrait à certains moments refuser de les faire. Ce jeu classique, traditionnel, donne un pouvoir certain à l'OS, qui s'en servira vis-à-vis du régleur, voire vis-à-vis du chef d'équipe qui, le plus souvent au courant, laisse faire ces ajustements nécessaires. Il faut insister sur la nécessité de ces jeux. Aucun responsable n'ignore que son service marche grâce à ces ajustements, on pourrait écrire ne marche que grâce à eux. Toute organisation, même celle où les fonctions sont définies avec le plus de précision, les connaît aussi. La ressource du pouvoir est donc cette marge de liberté des individus ou des groupes les uns vis-à-vis des autres. Concrètement, elle réside dans la possibilité qu'à l'individu de refuser ou de négocier ce que l'autre lui demande, ou de chercher à obtenir quelque chose de lui, ou encore de lui faire payer cher cette demande Or cette possibilité existe dans la mesure où l'un a réussi à se préserver une zone que l'autre ne maîtrise pas et où le premier peut rendre son comportement

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