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La Poésie Comme Critique De La Société

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Par   •  11 Décembre 2013  •  2 083 Mots (9 Pages)  •  6 741 Vues

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Dissertation

Dans quelle mesure la poésie est-elle un genre efficace pour présenter une critique de la société ? Vous répondrez à cette question en vous appuyant sur les textes du corpus, sur ceux que vous avez étudiés en classe et sur vos lectures personnelles.

« As-tu oublié que ton libérateur, / C’est le Livre ? » (Hugo). Beaucoup d’écrivains ont mis leur plume au service de la libération de l’homme dans des luttes concrètes – politiques ou sociales. Cependant, parmi les genres littéraires, la poésie est plus souvent associée à l’épanchement des sentiments, aux jeux sur les mots, à l’évasion dans l’imaginaire qu’à l’expression des « idées ». Préjugé que dément pourtant l’existence de nombreux poèmes porteurs d’un message ou même engagés au point que le poète Gabriel Celaya définit la poésie comme « une arme chargée de futur ». [Problématique] La poésie est-elle une « arme » efficace pour défendre des idées et préparer un avenir meilleur que le présent qu’elle critique ? Quelles sont ses spécificités ? [Annonce du plan] Certes, l’écriture poétique a des atouts pour renforcer les idées. Mais ses qualités mêmes ne l’amènent-elles pas à parfois affaiblir les idées ? Sans doute plus propre à persuader qu’à convaincre, la poésie admet mal que l’idée prime et elle s’adresse à un public bien spécifique.

I. Force et atouts de la poésie pour critiquer

Aux heures noires de l’occupation nazie, un groupe de poètes fait entendre sa voix, pour appeler une nation à la dérive à se dresser contre l’oppresseur (certains poèmes seront même déversés par avion sur les populations civiles – bombes de papier, mots explosifs). Est-ce à dire que la poésie a une force particulière pour dénoncer les abus de la société et du monde ?

1. La fonction sociale du poète, être sensible 
et inspiré, pour « crier, accuser, espérer »

Homme parmi les hommes avant d’être poète, il ne peut se désintéresser du sort de ses semblables. Son talent lui donne d’autres responsabilités, que rappelle le philosophe Jean-Paul Sartre : « L’écrivain est en situation dans son époque : chaque parole a des retentissements. […] Nous écrivons pour nos contemporains, nous ne voulons pas regarder notre monde avec des yeux futurs, mais avec nos yeux de chair, avec nos vrais yeux périssables. »

Le poète doit agir sur le monde, au moins le faire réagir : « Et c’est assez pour le poète d’être la mauvaise conscience de son temps », dit Saint-John Perse. Hugo, dans « La Fonction du poète », explique pourquoi il est désigné pour critiquer la société : mage, sa mission est de « faire flamboyer l’avenir ».

Comme il est maître des mots, il sait « dire » mieux que le commun des mortels qui n’a du langage qu’une utilisation quotidienne, utilitaire ; il peut donc et doit prêter sa voix à ceux à qui on a confisqué la parole : enfants, peuples opprimés… Pour dénoncer les conditions inhumaines du travail des jeunes enfants au xixe siècle, Hugo « donne » – au sens littéral – la parole à ces pauvres victimes : « Ils semblent dire à Dieu : – Petits comme nous sommes, / Notre père, voyez ce que nous font les hommes » (« Melancholia »).

2. La poésie, un genre dense, frappant et divers

Arme, sans doute, mais légère et maniable, la poésie s’accommode très bien de la concision. Le « poème » n’a pas les dimensions d’un essai, et, dense, il n’en devient que plus frappant.

À la concision, la poésie allie la variété : vers réguliers, vers libres, prose, calligramme. C’est un genre protéiforme qui joue de tous les registres : souvent lyrique, la poésie peut être pathétique (« La nuit du 4 », Hugo), satirique (voir les textes du corpus) ; elle peut aussi être dramatique pour dénoncer la guerre (« Depuis six mille ans la guerre… », Hugo) ou épique (« Le Mal », Rimbaud).

II. Une magie qui dévoile : mots, images et musique

Mais ce sont surtout les « outils » dont le poète dispose qui donnent à la poésie son efficacité argumentative. « La poésie est à la fois Musique, Statuaire, Peinture, Éloquence… » (Théodore de Banville).

1. Les ressources du mot et de l’image

La poésie est en effet proche de la peinture et la capacité des deux arts à transmettre des idées est de même nature. La fresque Guernica de Picasso, protestation violente contre la guerre, a frappé les imaginations. Or « Le Mal » de Rimbaud, qui oppose l’image du champ de bataille au clair-obscur de l’église où se morfondent les mères, n’a rien à envier au tableau de Picasso.

C’est aussi par les images que la poésie touche et persuade le lecteur. Plus elles sont inattendues, plus la critique prend de force ; l’élégance, la nouveauté des mots ou le rapprochement inhabituel de réalités d’ordinaire étrangères l’une à l’autre, ravivent les couleurs de l’idée. Voici, par Boris Vian, la dénonciation, en couleur et en violence, du sort des enfants qu’on envoie à la guerre : « Voilà le monde parfumé / Plein de rires, plein d’oiseaux bleus / Soudain griffé d’un coup de feu / Un monde neuf où sur un corps / Qui va tomber / Grandit une tache de sang… » (« À tous les enfants… »).

En poésie, le rapport entre le mot, l’image et l’idée est spécifique : d’une vision et de son expression, de sa « traduction » en mots jaillit l’idée, qui n’est pas imposée didactiquement au lecteur. En lisant un poème nous voyons, nous partageons les sentiments ou les idées exprimées, nous les connaissons et les comprenons d’autant plus profondément.

Certains poètes poussent à l’extrême cette capacité de la poésie en inventant des mots qui, par leurs sons et par leur magie, créent réellement le sens : c’est encore Boris Vian qui rend sensible presque physiquement l’arrogance des puissants de la guerre qui « ventripotent dans la vie ».

2. L’envoûtement du rythme et des sons

Ce sont les sonorités et le rythme qui donnent leur forceà cet appel au ­combat de Desnos dans « Ce cœur qui haïssait la guerre » : « Car ces cœurs qui haïssaient la guerre battaient pour la liberté au rythme même des saisons et des marées, du jour et de la nuit. » Ou à ce cri de résistance héroïque de Marianne Cohn :

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