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Article scientifique sur l'histoire de l'olivier

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Par   •  17 Novembre 2018  •  Dissertation  •  2 742 Mots (11 Pages)  •  500 Vues

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La domestication et la diversification de la vigne (Vitis vinifera L.) : apport de l'archéobiologie

TERRAL Jean-Frédéric

BOUBY Laurent

Centre de BioèArchéologie et d’Ecologie (CBAE), UMR 5059 CNRS/Université Montpellier 2/EPHE, Institut de Botanique, 163 Rue Auguste Broussonet, F-34090 Montpellier

1. Introduction

La domestication de la vigne et les origines de la viticulture en Eurasie font l’objet d’un modèle globalement admis qui voit la plante initialement domestiquée au Moyen-Orient, après la domestication des céréales, puis sa culture diffusée en Europe et sur les pourtours de la Méditerranée par les sociétés de l’âge du Bronze et les cultures classiques (phéniciens, grecs puis romains)[1],[2], [3]. Cependant, en dépit de l’abondance de la littérature consacrée au sujet, en dépit de la multiplicité des sources sollicitées, relevant à la fois de la biologie, de la géographie, de l’histoire et de l’archéologie, de nombreuses questions restent ouvertes. La domestication représente-t elle un évènement bien circonscrit dans l’espace et dans le temps ou au contraire un processus aux dimensions multiples ? Les recherches actuelles en génétique montrent que les cépages connus aujourd’hui sont en grande partie d’origine orientale, mais intègrent pour certains une contribution de la vigne sauvage locale, notamment dans l’ouest de l’Europe, dans des proportions et avec des implications qui font encore débat[4], [5]. De fait, la chronologie de la domestication, de l’émergence et de la diffusion de la viticulture sont également sujets de discussion. Et quelles formes de viticulture faut-il envisager ? Dans quelle mesure les modèles de culture relativement intensifs mis en avant dans les textes antiques et perceptibles par l’archéologie suffisent-ils à éclairer l’histoire émergeante de la viticulture ou peuvent-ils ne constituer qu’une étape avancée ?

Ces questions sont illustrées dans cette contribution à partir d’exemples tirés des recherches récentes en archéologie et archéobiologie. Nous nous attardons davantage sur nos propres travaux, à la charnière entre biologie et archéologie, qui visent à caractériser et à quantifier les variations phénotypiques de graines de vigne archéologiques en les confrontant à des modèles établis à partir de populations sauvages et de variétés cultivées actuelles.

2. La vigne (Vitis vinifera)

L’espèce Vitis vinifera comprend deux sous espèces, la vigne cultivée (Vitis vinifera L. susbp. vinifera), qui regroupe l’ensemble des cépages traditionnels de l’Ancien monde, et son ancêtre sauvage, Vitis vinifera L. subsp. sylvestris (C.C.Gmel.) Hegi. La vigne sauvage est une liane héliophile dioïque (la vigne cultivée est en très grande majorité hermaphrodite) dont les individus femelles produisent généralement des baies noires[6],[7],[8]. Ses habitats de prédilection sont les lisières de forêts mésophiles décidues et semi-décidues, les zones alluviales (situation ripicole) et colluviales (zones caillouteuses et éboulis). Elle se distribue depuis l’Europe occidentale jusqu’à la zone trans-Caucasienne, voire à l’Himalaya. Elle couvre l’ensemble du Bassin méditerranéen, excepté les zones infra-méditerranéennes et non-méditerranéennes les plus méridionales. Son aire de répartition très fragmentée se limite à des populations disjointes dont l’effectif est souvent faible. Deux facteurs majeurs expliquent ce morcellement. Le maintien de la vigne sauvage dans son milieu est largement tributaire de la dynamique forestière et de la permanence de ses habitats naturels qui ont été, et sont plus que jamais, largement perturbés par les activités humaines. L’introduction au 19ème siècle du phylloxéra et d’autres ravageurs a probablement eu un impact considérable sur les populations sauvages.

La vigne cultivée comprend des milliers de cultivars (ou cépages), habituellement classés en fonction de leurs usages : variétés de cuve, de table, affectées à la production de raisin sec ou à utilisations mixtes8,[9]. Les cépages sont reproduits par voie végétative et présentent une structure clonale (il s’agit souvent d’une population de clones apparentés). Outre le passage à l’hermaphrodisme, la domestication de la vigne a surtout induit un accroissement de la taille des grappes et des baies, ainsi que de leur contenu en sucres. Il y a également eu sélection d’une diversité plus élevée au niveau de la couleur des baies[10]. Un des effets indirects de la domestication concerne la forme et la taille des pépins, plus allongés, à bec plus prononcé dans le compartiment domestique ; caractère important pour les études archéobiologiques.

Tant les données ampélographiques classiques6 qu’aujourd’hui génétiques5,[11] plaident pour l’existence d’une structuration géographique de la vigne domestique à l’échelle de l’Europe et du Bassin méditerranéen avec de grands groupes phylogéographiques.

3. Les débuts de la viticulture au Proche et au Moyen-Orient

Même si les chasseurs-cueilleurs de la fin du Paléolithique en consommaient occasionnellement les baies, la vigne ne semble pas concernée par les premières domestications qui résultent de la première agriculture du Proche-Orient, il y a quelques 10 000 ans[12],[13]. Les premières plantes domestiquées comprennent des céréales, des légumineuses et le lin. Cette agriculture va ensuite diffuser en Europe avec la Néolithisation[14]. Alors à quand faut-il faire remonter la domestication de la vigne et la viticulture ? Il est bien délicat à l’heure actuelle de proposer une réponse précise, ni même de dire dans quelle mesure les deux phénomènes sont concomitants. Depuis une quinzaine d’années, des analyses chimiques convergent avec le mobilier archéologique pour proposer des indices de vinification (ou pour le moins de production de jus de raisin) au Néolithique dans la zone du Caucase et du sud du Caucase. La première étude en ce sens, et la plus connue, concerne le site d’Hajji Firuz Tepe, dans le nord-ouest de l’Iran, où un dépôt d’acide tartrique a été mis en évidence à l’intérieur d’une jarre datée de la seconde moitié du VIème millénaire BC, trouvée en contexte domestique associée à d’autres vases du même type, pour une capacité totale avoisinant les 50 litres[15]. Un indice chimique du même type est rapporté sur le site géorgien de Shulaveri-Gora, à une date légèrement antérieure, vers le début du VIème millénaire BC[16]. Un autre type de marqueur chimique (malvidine), plus spécifique au raisin que l’acide tartrique, va dans le sens d’un stockage de vin en jarre dans la grotte d’Areni I, en Arménie, à une date plus récente, autour de 4000 BC[17]. Le contexte archéologique de cette analyse, malheureusement décrit très sommairement, semble être celui d’une petite unité de production associant structure de foulage et jarres de stockage, avec présence dans les couches de divers restes végétaux de vigne. Les témoignages de pressurage du raisin ont récemment été étendus hors de la zone caucasienne et moyen-orientale, par un assemblage archéobotanique trouvé dans le nord de la Grèce, à Dikili Tash, dans un niveau de la fin du Néolithique (vers 4450-4000 BC)[18]. L’association de nombreux pépins et de « peaux » de raisins (épicarpes) carbonisés, trouvés dans un sol de maison, montre directement que les hommes ont écrasé les baies pour en extraire le jus.

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