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Un droit sans papiers d’identité

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Par   •  4 Février 2015  •  Commentaire d'oeuvre  •  5 273 Mots (22 Pages)  •  601 Vues

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[p. 181-190] G. LYON-CAENArch. phil. droit 41 (1997)

Un droit sans papiers d’identité 1

Gérard LYON-CAEN

Professeur émérite à l’Université Paris I

RÉSUMÉ. — L’entreprise, entre le marché et le néo-corporatisme (participation -

paritarisme). Le salarié de la subordination au collectif. L’État utilise le droit du travail

retourné en droit de l’emploi dans son action contre le chômage. L’échec de la méthode,

malgré la flexibilité de la réglementation et les aides.

Le Droit du travail est en pleine période d’introspection ; certains même le somment

de confesser ses péchés, dont le péché mortel par excellence : celui d’exister.

Le moment est donc propice pour réfléchir à son identité, à sa place au sein des

diverses branches du Droit, à son appartenance à la sphère publique ou à la sphère privée

–, bref à sa fonction.

S’il se retourne vers son passé, il ne se découvre aucun état civil avéré. Il est probablement

né, (en France du moins) de la fécondation du contrat de louage (d’ouvrage,

d’industrie, de services) – par la norme de police interdisant les coalitions ; de la cohabitation

d’un contrat privé et d’une règle administrative assortie de sanctions pénales ;

d’une rencontre fortuite d’un morceau de droit privé et d’un débris de droit public. Bâtard,

l’enfant était de toutes manières chétif. Le contrat de louage des gens de travail ne possédait

pas d’originalité notable dans l’immense famille des contrats civils ou commerciaux.

La prohibition des coalitions n’était qu’un aspect, bien secondaire, d’une conception

de la vie publique qui entendait laisser les citoyens, juridiquement égaux et libres,

seuls et sans médiation en face de l’État.

Même si les rapports de travail ont fait leur apparition dans l’histoire moderne sans

se soucier de savoir s’ils relevaient d’une branche du droit plutôt que d’une autre –, encore

n’est-il pas sans intérêt d’insister quelque peu sur leur nature réelle : nous plongent-

ils dans la partie de nous-mêmes, qui touche à notre intimité, à nos intérêts privés,

à notre liberté personnelle profonde ? Ou en sens inverse nous font-ils basculer du côté

du pouvoir ; intéressent-ils par leurs implications, la cité et la politique ?

Si un particulier (peu importe pour l’instant qu’il opère à son compte ou au compte

d’un autre) se livre à une activité professionnelle – qu’il élève des poulets ou tourne des

poteries – il semble bien que cette activité professionnelle se situe dans le prolongement

de sa vie privée. Il a exercé une liberté en choisissant le métier qui lui convenait et lui

permettait de vivre. L’intérêt collectif n’est pas concerné. Mais si on prend en considéra-

1 Un droit « clandestin » ? Opérant « au noir » ?

182 LE PRIVÉ ET LE PUBLIC

[p. 181-190] G. LYON-CAENArch. phil. droit 41 (1997)

tion les entreprises (petites, moyennes, grandes) qui fonctionnent à l’intérieur d’un système

économique, il apparaît bien difficile (en dehors de tout parti pris idéologique)

d’affirmer que l’État peut ou doit les ignorer : l’emploi (mot énorme et creux) est

devenu sa principale préoccupation (si elle ne l’a toujours été d’une manière ou d’une

autre). L’état de l’économie : voilà qui ne saurait être indifférent aux responsables

publics.

En sorte, qu’à mi-chemin entre le privé (la vie sexuelle et familiale, les opinions et

croyances, le patrimoine et sa gestion) et le public (la participation aux choix politiques

– le fonctionnement de l’État), une région grise, neutre, mal différenciée, (dont le substantif

: activités et le qualificatif : professionnelles, rendent mal compte) –, s’est

constituée en zone franche. D’autres institutions tout aussi inclassables sont plus nombreuses

qu’on ne le soupçonne. Exemple : la monnaie : symbole même de l’État et de

sa souveraineté ; mais aussi instrument des échanges entre personnes privées et

d’épargne individuelle, institution de droit public et de droit privé, de la vie publique et

de la vie privée.

De proche en proche on en arriverait sans doute à la conclusion que la « summa

divisio » n’a jamais eu de réelle pertinence, autre que pédagogique. L’homme, sujet de

droits, vit en société et cette société est organisée par un État ; il agit au sein de la

société comme propriétaire, contractant, père de famille, professionnel salarié ou

indépendant, chômeur ; il entretient des rapports avec l’État comme électeur, contribuable,

malversateur mis en examen ou condamné. Mais c’est par un artifice qu’on

distingue en lui le propriétaire du contribuable, car il tient compte de ses intérêts

constamment

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