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Les Conditions De Pertinence De L'action Publique : Le Cas De La Lutte Contre La Pauvreté

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Par   •  7 Février 2015  •  2 874 Mots (12 Pages)  •  1 016 Vues

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Les conditions de pertinence de l’action publique : le cas de la lutte contre la pauvreté

La conférence internationale de RECIFE sur les politiques de lutte contre la pauvreté urbaine montre que l’inadaption des politiques publiques actuelles est un révélateur de la crise plus large de la gouvernance

Par Pierre Calame

1996

Mot-clés : Modernisation administrative ; Lutte contre la pauvreté Afrique

En 1995, le programme des Nations-Unies pour l’Habitat a demandé à la Fondation Charles Léopold Mayer de l’aider à organiser une rencontre internationale qui s’est tenue à Recife (Brésil) en mars 1996. Cette note présente l’exposé de synthèse fait par Pierre Calame à la fin de la rencontre. Elle part de la description de la crise de l’action publique et par la description des défauts constants de l’action publique : usage trop systématique de normes qui ne sont que des obligations de moyens ; empilement des procédures ; segmentation des actions ; incapacité d’un véritable dialogue et d’un véritable partenariat ; clientélisme ; disjonction des rythmes administratifs et des rythmes sociaux réels ; incapacité à prendre en compte la diversité des situations ; difficultés à relier grande masse d’argent et petites initiatives ; sous estimation des investissements immatériels ; difficultés à articuler entre elles les actions menées à différents niveaux de gouvernance. En réponse à ces différents défauts, la note propose un certain nombre de perspectives nouvelles.

L’action publique est en crise partout dans le monde. La décennie 60 a connu le grand espoir dans l’Etat : redistribution des revenus, développement de l’habitat et des villes, mise en place des systèmes de santé, animation de l’économie nationale, conduite de la modernisation de la société, action sociale, l’Etat-nation était censé tout savoir et tout faire, assurer à la fois la prospérité, la justice et la sécurité.

Après le flux, le reflux. Echec de bien des politiques de développement, corruption, inefficacité, incompréhension ou mépris des individus, clientélisme, gaspillage, faible productivité, inadaptation des services publics… Voici maintenant l’action publique chargée de tous les maux. Chaque nation participe de plus en plus à un espace mondial. Là où, la recherche d’un équilibre entre équité sociale et efficacité économique avait été poussée le plus loin, en Europe de l’Ouest, les Etats providence subissent la double attaque de la concurrence mondiale et des critiques intérieures. « Les trente glorieuses » avaient permis le plein emploi, avaient fait regarder chômage et misère comme deux résidus d’une époque révolue, comme les ratés rapidement corrigés d’une société en constante adaptation. Maintenant, au sein même des sociétés européennes, le chômage est devenu une réalité structurelle, la misère réapparaît sous ses formes les plus crues, le tiers-monde est dans les murs.

Ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain. Oui, l’action publique est en crise. Oui, partout au monde, elle doit être repensée. Oui, nous devons réfléchir aux conditions de pertinence de l’action publique. Mais ne nous y trompons pas. Ne cédons pas à la nouvelle illusion du tout marché, du tout communautaire, du tout ONG, du tout initiatives habitants. Même au plan économique. L’Asie du Sud Est inflige un cinglant démenti aux illusions du tout marché : les pays se développent économiquement là où des Etats forts ont su mobiliser les énergies pour tirer parti de la mondialisation. Où a-t-on vu des initiatives communautaires suffire à gérer des métropoles dans la durée ? Où a-t-on vu des organisations non gouvernementales mobiliser des financements à long terme pour des infrastructures ? Où a-t-on vu des services économiques d’intérêt général entièrement gérés par des entreprises privées assurer une équité d’accès des citoyens les plus pauvres aux services publics élémentaires de la santé, de l’éducation, de l’eau, de l’assainissement ?

Non, décidément, ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain. L’action publique nous devons la réinventer, non plus comme une citadelle capable de tout penser, de tout comprendre et de tout faire mais comme l’acteur central d’un partenariat avec les entreprises, avec les citoyens, avec les organisations non gouvernementales. Ce sont ces modes de fonctionnement concrets de l’action publique en partenariat avec les autres qu’il faut inventer et ce sont les modalités d’articulation des pouvoirs publics de différents niveaux qu’il faut concevoir.

Je voudrais, pour commencer, insister sur la place des milieux locaux dans une société mondialisée. Il y a trente ans, les prospectivistes annonçaient la fin des villes. Le progrès des transports et des télécommunications, la dématérialisation des techniques, la mondialisation des marchés, tout contribuait selon eux à faire disparaître les avantages de la proximité immédiate entre les matières premières et leur transformation, entre les entreprises à l’amont et à l’aval de la production, entre les clients et les fournisseurs, toute chose qui, historiquement, avait justifié l’entassement des personnes dans des lieux exigus. La fin des villes. La disparition du local au profit de réseaux délocalisés. Et que voyons nous dans cette fin de siècle ? La métropolisation du monde. Jamais les grandes villes n’ont connu une telle croissance. Jamais la gestion de ces grandes métropoles n’a posé des problèmes aussi aigus. En effet, les anciens avantages de la proximité physique entre les êtres humains ont disparu mais bien d’autres, plus forts encore sont apparus. Au niveau des marchés de l’emploi. Au niveau de l’accès aux services. Au niveau des environnements porteurs des initiatives économiques. Au niveau du climat d’innovation, etc. Pour les plus puissants comme pour les plus pauvres, la ville est l’espace central où se joue notre avenir. C’est aussi à cette échelle que doivent se repenser les liens entre les diverses modalités de l’action publique, qu’elle soit fédérale, étatique, d’agglomération ou locale. Car c’est à cette échelle que les interdépendances sont à la fois les plus fortes et les plus concrètes. C’est à cette échelle qu’on peut les repenser dans leur ensemble. Mais prenons garde, en sens inverse, à une sorte d’intégrisme du local. Dire que la ville est l’espace où doit se réinventer en priorité l’action publique ne revient pas à dire que la gestion de la pauvreté urbaine relève des villes et d’elles seules. L’essentiel des causes de l’exclusion ne se situe pas,

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