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L'âge est-il une variable sociologique pertinente ?

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Par   •  15 Novembre 2020  •  Dissertation  •  3 576 Mots (15 Pages)  •  1 595 Vues

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Pauline Canal – Master MEEF

Préparation aux oraux du CAPES

L’âge est-il une variable sociologique pertinente ?

Travail préparatoire au brouillon :

  • Présentation du sujet : Le sujet nous invite à réfléchir à l’utilité et la pertinence de la variable « âge » en sociologie.
  • Terme(s) à définir/analyser : Age (à distinguer de la génération et de la cohorte), variable.  
  • Cadre spatio-temporel : Il n’est pas nécessaire de l’expliciter ici.  

Introduction :

  • Accroche. Lors du premier tour des élections présidentielles, un quart des Français de 18 à 34 ans ont voté en faveur de Marine Le Pen, juste devant Jean-Luc Mélenchon qui a recueilli 24,6 % des suffrages de cette tranche d'âge. Ces résultats montrent que l’âge est un critère pouvant expliquer les comportements politiques.
  • Discussion et définition des termes du sujet.
  • Intérêt du sujet.
  • Le critère de l’âge est d’un usage universel : toutes les sociétés recourent à lui pour établir des règles et tracer des frontières entre les différents groupes sociaux. L’intérêt des sociologues pour les catégories d’âge – qu’il s’agisse de la jeunesse ou de la vieillesse – a été croissant tout au long du XXème siècle. Cela s’explique en partie par le fait que la vision d’une société structurée en classes sociales s’est faite moins prégnante : les sociologues considèrent aujourd’hui que l’appartenance sociale n’est plus la seule caractéristique individuelle méritant d’être prise en compte. C’est pourquoi, au même titre que les PCS ou encore le genre, l’âge est une variable utilisée par le sociologue, permettant de rendre compte de faits sociaux divers.
  • Caractéristique biologique d’un corps en vieillissement, l’âge est aussi une caractéristique sociale pour l’homme vivant en société. Le terme « âge », malgré son apparente simplicité, recouvre en fait différentes acceptions : il convient de distinguer l’âge chronologique (temps écoulé depuis la naissance), de l’âge biologique ou fonctionnel (état de vieillissement du corps humain), de l’âge légal (âge limite fixé par l’Etat). Enfin, l’âge social permet de montrer que les individus du même âge, en fonction de leur milieu social, ne partagent pas les mêmes occupations. Nous nous centrerons ici principalement sur deux moments clés de l’existence : la jeunesse et la vieillesse.
  • Réflexions autour du terme « âge » et définition.
  • L’âge se distingue de la génération et de la cohorte : alors que l’âge situe une personne à un moment donné, par rapport au nombre d’années qu’elle a vécues, la génération situe la personne par rapport à une année de naissance. Enfin, une cohorte correspond à des individus qui ont connu un même évènement au cours d’une période.
  • La définition des âges s’est profondément transformée au cours de l’histoire : pour prendre l’exemple de la jeunesse, avant le XVIIIème siècle, la condition juvénile ne signifiait rien encore. L’histoire nous montre de quelle manière s’est progressivement défini cet âge de la vie sous l’effet de facteurs ayant contribué à l’existence sociale de la jeunesse. De la même manière, au cours du XXème siècle, la vieillesse s’est profondément transformée, pour devenir de nos jours une étape normale de l’existence.
  • Réflexions autour du terme « variable sociologie pertinente » et définition.
  • Dès la constitution de la sociologie au XIXème siècle, Emile Durkheim, père fondateur de la sociologie a montré l’intérêt d’utiliser les statistiques pour objectiver les faits sociaux. Il insiste sur l’importance de la recherche des variations concomitantes et des liens de causalité entre les différentes variables. L’âge apparaît comme l’une des premières variables sociologiques utilisée pour objectiver les faits sociaux.
  • La démarche sociologique suppose le recueil d’informations dont la nature varie en fonction des questionnements et des terrains choisis par le sociologue. Ces informations sont communément appelées « variables » et permettent de rendre compte des similitudes ou des différences observées entre différents individus et groupes sociaux. Les variables utilisées par les sociologues sont pour l’essentiel des variables qualitatives, qui expriment des différences de nature : être un homme ou une femme, être au chômage ou non, etc. Lorsque ces différences peuvent être exprimées par des nombres, ces variables sont dites quantitatives : c’est le cas de l’âge.
  • Les variables sociologiques résultent elles-mêmes d’un travail de construction, sur lequel il conviendra de s’interroger tout au long de notre devoir. Le sujet tel qu’il est posé nous invite donc inévitablement à discuter la construction des catégories, des formes de classification ordinaires, savantes ou étatiques qui visent l’âge. Il pose aussi la question de savoir si l’âge a des effets propres permettant de rendre compte (souvent de manière causale) de divers faits sociaux, qui en ferait donc un outil d’analyse pertinent appropriable par les sociologues pour analyser la réalité sociale.
  • Problématique : Dans quelle mesure l’âge est-il une variable appropriable par les sociologues pour rendre compte de la réalité sociale ?
  • Annonce du plan. Après mis en évidence les effets propres liés à l’âge (I-), nous soulignerons que l’âge est une variable construite socialement et historiquement (II-). Enfin, il conviendra de mettre en évidence que les sociologues doivent prendre en compte l’institutionnalisation de la variable « âge » par l’Etat (III-).  

 

I – La mise en évidence, par les sociologues, d’effets propres liés à l’âge permet de rendre compte de la réalité sociale

  1. L’âge, une variable sociologique pertinente pour expliquer divers comportements sociaux

  • J’affirme. L’âge est une variable sociologique pertinente pour expliquer divers comportements sociaux.
  • J’explique. En effet, l’âge permet de comprendre certains comportements sociaux tels que la sociabilité, le système de valeurs ou encore les comportements politiques.
  • J’illustre. 
  • Sociabilité. La probabilité d’être isolé augmente fortement avec l’âge et s’interprète comme un effet d’âge : la fréquence moyenne des contacts est 1,5 fois plus élevée pour les jeunes de 15 à 19 ans que pour les personnes de plus de 70 ans. Les séniors sont 5 fois plus isolés (Jean-Louis Pan Ké Shon, « Isolement relationnel et mal-être », Insee Première, 2003).
  • Système de valeurs. On constate, dans les enquêtes d’opinion, un lien entre l’âge et les opinions. Les plus âgés tendent à être plus religieux, plus favorables à l’autorité, plus hostiles au libéralisme des mœurs et à plus voter à droite. L’avancement en âge s’accompagne d’un changement des opinions. Par exemple, c’est le cas des attitudes à l’égard de la fraude. Les nouvelles générations arrivent à l’âge adulte avec un niveau élevé de tolérance à la fraude et cette tolérance s’érode au cours de leur vie (Etienne Schweisguth, « Vote et âge. Effet de vieillissement ou de génération ? », Centre d’études européennes, 2011).
  • Comportements politiques. Anne Muxel (L’expérience politique des jeunes, 2001) montre que si le vote reste considéré comme étant le moyen le plus efficace pour influencer les décisions politiques, cette priorité n’a pas la même prégnance aux deux extrémités de l’échelle des âges : c’est le cas pour 70 % des plus de 65 ans contre seulement 53 % des 18-24 ans. La plus faible intégration sociale des jeunes majeurs (développement du chômage et des emplois précaires) peut expliquer leur plus forte abstention.
  • L’existence d’une culture adolescente. Dominique Pasquier (Cultures lycéennes, 2005) montre l’existence d’une culture spécifique aux jeunes nommée « culture adolescente » : chez les lycéens, l’importance du style : les vêtements, la coiffure, les sports que l'on pratique, les musiques que l'on écoute... La musique est la pratique culturelle la plus prisée des adolescents, loin devant la télévision. De plus, les jeunes ont leurs propres cultures organisées autour du contact (des sorties en groupes à l’usage du téléphone portable) et de la familiarité avec les produits culturels de masse.

  1. L’âge, une variable sociologique pertinente révélatrice des structures sociales
  • J’affirme. Dans nos sociétés contemporaines, l’âge est un révélateur des structures sociales.  
  • J’explique. En effet, la jeunesse n’est pas une classe d’âge unifiée et homogène puisqu’il existe une diversité des conditions qui tend à dissimiler, en les regroupant sous le même nom, la notion de « jeunesse ». Ce concept regroupe des univers sociaux qui n’ont rien en commun.
  • J’illustre. Ainsi, en écrivant « la jeunesse n’est qu’un mot », Pierre Bourdieu (Questions de sociologie, 1980) critiquait l’unification de la notion de classe d’âge et invitait à évoquer le terme jeunesse au pluriel. Il existerait pour lui « deux jeunesses » : d’un côté les « héritiers » et de l’autre, les « jeunes sans avenirs ». Pour lui, la jeunesse désigne un groupe qui a durant longtemps caractérisé autant une classe d’âge qu’un milieu social spécifique : les classes bourgeoises. En effet, dans les catégories populaires, la fin précoce de la scolarité coïncidait avec l’entrée dans le monde du travail et la formation du foyer que la naissance des enfants concrétisait rapidement. Ainsi, l’accès rapide au statut d’adulte ne laisse guère de moment au déroulement de la jeunesse. En revanche, dans les catégories supérieures, et notamment dans la bourgeoisie, la jeunesse revêtait une signification particulière, particulièrement chez les garçons : l’accès au statut d’étudiant signifiait souvent un détachement et/ou une libération à l’égard de sa famille d’origine.
  1. L’âge, une variable sociologique d’autant plus pertinente si elle est couplée à d’autres variables sociologiques lourdes et si l’effet d’âge est différencié de l’effet de génération

1er argument :

  • J’affirme. Si la variable « âge » reste importante pour expliquer les comportements politiques, elle ne se suffit pas à elle-même.
  • J’illustre. En effet, il convient par exemple de la coupler avec d’autres variables sociologiques lourdes telles que l’origine sociale ou le genre.
  • J’illustre.
  • Concernant l’origine sociale, Anne Muxel (L’expérience politique des jeunes, 2001) rappelle que les 18-25 ans constituent une classe d’âge mais pas une classe sociale. Les formes de politisation ne sont ainsi pas les mêmes selon les catégories de la jeunesse. Les jeunes les plus favorisés socialement restent fondamentalement attachés à la démocratie représentative, sont plus politisés et porteurs dans leur majorité d’une culture politique de gauche. Ils utilisent également une palette élargie d’expressions politiques : le vote, mais aussi la protestation et la manifestation. En revanche, les jeunes moins favorisés socialement sont plus en retrait de toute forme de participation citoyenne.
  • De même, afin de comprendre les comportements sociaux, il convient de coupler à la variable « âge » celle de genre. En effet, dès la petite enfance et à âge égal, filles et garçons ne sont pas socialisés de la même manière. Les parents adoptent des comportements différents afin de préparer les enfants à la future répartition de leurs rôles. Elena Belotti (Du côté des petites filles, 1974) a montré que les mères permettent moins à leurs filles de sucer une tétine ou leur pouce dans la mesure où les déformations générées par ces pratiques sont jugées plus gênantes pour des raisons esthétiques que pour les garçons. Plus généralement, aux différents âges de la vie, l’interférence entre âge et genre est très forte. C’est vrai pendant la période de scolarisation où, si les filles réussissent mieux en moyenne que les garçons, ce sont ces deniers qui bénéficient largement des orientations les plus prestigieuses. De plus, au cours de la vie professionnelle, les femmes sont souvent victimes d’un « plafond de verre ». Enfin, à un âge avancé, l’espérance de vie des femmes est plus élevée que celle des hommes.

2ème argument :

  • J’affirme. L’âge est une variable sociologique pertinente si l’effet d’âge est différencié de l’effet de génération.
  • J’explique. Si certaines études sociologiques mettent en évidence des différences de comportements selon les classes d’âge, il est parfois difficile de savoir si ces différences s’expliquent par le fait qu’un groupe est « plus âgé » que les autres (effet d’âge) ou par le fait qu’il s’agit d’une génération différente qui a été socialisée dans des conditions particulières (effet de génération).
  • J’illustre. L’étude de Christian Baudelot et Roger Establet (Qui travaille pour qui ?, 1979) donne un exemple significatif de la différence qui peut exister entre âge et génération. La comparaison des salaires des ouvriers selon l’âge permet la mise en évidence d’une courbe en « dos-d’âne » : le niveau de salaire est plus faible après 45 ans. Il s’agit en fait d’un effet de génération : les salaires des ouvriers de plus de 45 ans n’ont cessé de s’accroître tout au long de leur vie active, mais étant partis de plus bas que ceux des ouvriers les plus jeunes, ils sont dépassés par ces derniers. Ce que l’on pourrait à première vue considérer comme une différence de salaire en fonction de l’âge (effet d’âge), n’est en réalité que le reflet des différentes périodes d’entrée dans le marché du travail (effet de génération). Pour chacune des cohortes, le salaire augmente avec l’âge, mais insuffisamment pour rattraper l’avance des cohortes ultérieures.

 

Transition : Si le recours à l’âge permet inévitablement d’expliquer certains comportements sociaux, cette notion ne se suffit pas à elle-même. Cela illustre les premières difficultés de l’utilisation de la variable « âge » pour les sociologues. De même, constater que la « jeunesse » ou la « vieillesse » constituent des « âges de la vie » n’est pas suffisant pour le sociologue : il lui faut en analyser la construction sociale et historique.

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