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Faut-il Sanctionner Pour éduquer?

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Par   •  31 Mai 2015  •  3 213 Mots (13 Pages)  •  637 Vues

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Introduction

Mes diverses expériences professionnelles en tant qu’éducatrice spécialisée m’ont permises de rencontrer des publics d’âge, de sexe, de personnalité et de problématique diverses. Au sein des différents établissements accueillant un jeune public, j’ai pu accompagner des enfants et des adolescents en devenir et avoir la possibilité de partager des connaissances, des valeurs, des règles de conduite qui, je l’espère, contribueront à les socialiser, c’est-à-dire les aider à s’intégrer, s’adapter et évoluer harmonieusement dans notre société.

Cependant, intérioriser des normes n’est pas chose agréable et aisée. Tout comme Rome ne s’est pas construite en un jour, je me suis aperçue que la transmission de règles n’appelle pas l’assimilation immédiate de ces dernières, même avec la meilleure volonté du monde. Alors que je m’évertuais au quotidien à expliquer, imposer, rappeler des règles de la vie en communauté, les enfants me renvoyaient souvent les interrogations suivantes : pour quelles raisons faudrait-il se contraindre à un modèle de conduite imposé par d’autres, ce qui, de toute évidence, nous restreint dans notre liberté d’agir? N’est-il pas plus plaisant de n’écouter que ses désirs et de les satisfaire loin de toutes ces limites ? Après tout, en quoi est-ce si grave ?

L’enfant et l’adolescent sont confrontés à ce questionnement des limites. A l’idée d’une frustration trop pénible à supporter, ils peuvent faire le choix de s’affranchir de toute exigence et finalement transgresser les règles pour parvenir à leurs fins.

L’éducateur, face à ces écarts de conduite, se retrouve englué dans une préoccupation répétitive auquelle j’ai moi-même été confrontée. Je sais qu’il y a eu transgression et qu’il faut que je réagisse, mais comment ? S’offre alors une succession de choix dont l’un, qui semble faire le plus d’effet et marquer les esprits. Celui-ci est appelé la sanction. La sanction est souvent l’outil choisi par l’éducateur pour signifier à l’Autre qu’il est allé trop loin dans ses actes. Ce qui m’amène à m’enquérir de son bien-fondé : faut-il sanctionner pour éduquer ? Et sur un plan personnel, pourquoi m’est-il difficile d’avoir recours à cet outil ?

J’expliciterai ces questionnements dans une première partie qui portera sur le rôle de la sanction éducative, et dans une deuxième partie qui abordera les différents freins à son application.

Partie 1 : la sanction éducative, un oxymore ?

De l’importance des règles au charme de la transgression

1.1 La Loi

Au début de mon expérience d’éducatrice spécialisée dans une Maison d’Enfants à Caractère Spéciale (MECS), j’aimais me laisser penser que l’enfant vivant en milieu institutionnel avait besoin de mon affection dans son développement. J’avais des représentations idéales de l’éducateur-réparateur qui apparaîtrait pour combler les manques affectifs qu’il trouverait sur son passage. La vie quotidienne avec des enfants et adolescents placés me poussait au départ à porter une affection bienveillante, peut-être trop entreprenante, envers un public carencé, comme pour tenter de faire disparaître ce vide émotionnel. Toutefois, les mois s’écoulant m’ont permis de réfléchir et adopter un comportement plus adéquat. Ma fonction nécessite, en effet, une certaine aptitude relationnelle, mais cela ne signifie pas, pour autant, de se substituer aux parents. Cette relation éducative particulière telle que je la concevais à mon arrivée ne pouvait qu’ être vouée à l’échec :l’éducateur ne peut représenter un idéal parental auprès de l’enfant. Il ne peut combler un manque mais peut l’aider à vivre avec. Je peux aimer l’enfant que j’accompagne mais au fond, ce n’est pas mon amour que l’enfant recherche, c’est celui de ses parents. D’autre part, en paraphrasant le titre d’un livre, en éducation, l’amour ne suffit pas1. L’enfant attend également de moi que je sois capable de poser des limites, des règles, qui l’aideront à croître et à se développer psychiquement.

Ces règles, ces principes, ces interdits, cette Loi nous structurent. La Loi en éducation, au sens du psychologue Patrick Traube2, est l’ensemble des règles, des normes, des interdits qui règlent les rapports humains et nous protègent des autres, mais aussi de nous-même en nous permettant de ne pas assouvir nos pulsions les plus déraisonnées. La Loi provient au départ de l’extérieur, par le biais des parents et/ou de leurs prolongements sociaux (éducateurs, professeurs,…) puis elle est intériorisée petit à petit.

Mais cela ne va pas de soi, ce serait un peu trop facile. En effet, d’une part la règle est structurante car elle m’alerte sur les limites à ne pas franchir (ex :je n’ai pas le droit de faire du mal à l’autre), me protège contre la jouissance de la haine, me porte à respecter l’autre. Mais d’autre part, elle est contraignante car en m’y soumettant, j’accepte de renoncer à mon envie, mon désir, ma pulsion. Je perds une partie de ma liberté (je veux…mais je ne peux pas) ce qui est extrêmement frustrant.

Quel choix s’offre alors à moi ? Comment peut réagir un enfant ou un adolescent face à la règle et son paradoxe, son bien-fondé et ses contraintes ? Il peut s’y soumettre…ou transgresser.

1.2 La transgression

Jean-Yves Hayez3, psychiatre infanto-juvénile, définit la transgression comme étant « un acte ou une parole délibérés qui s’opposent à une loi ou à une règle ». Il faut comprendre par là que la transgression ne concerne pas uniquement un public bien défini mais tous les êtres humains en général. Elle est le reflet d’une volonté d’exercer sa liberté en dépit des interdits existants. Elle se retrouve régulièrement chez l’enfant qui ressent le besoin de transgresser les interdits pour se construire, affirmer sa personnalité dans ses oppositions et contestations4. Jean-Pierre Chartier5 ajoute même qu’en ce qui concerne les adolescents, la période de bouleversement psychosocial dans laquelle ils se trouvent va susciter une quête de l’identité, une recherche de transgression pour exister, pour assimiler des limites ou des repères.

La transgression est donc un acte naturel à l’homme qui s’y confronte à un moment ou à un autre de sa vie. En reconnaissant que l’homme soit capable de franchir des limites, je

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