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Vers une planète vide

Commentaire d'oeuvre : Vers une planète vide. Recherche parmi 297 000+ dissertations

Par   •  26 Juillet 2020  •  Commentaire d'oeuvre  •  1 233 Mots (5 Pages)  •  392 Vues

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La nature a horreur du vide

"Planète vide" est le titre en traduction française d'un ouvrage de Darrell Bricker et John Ibbitson intitulé : "Empty Planet. The shock of population decline".

Traduction partielle, mais fidèle.  On peut comprendre que le traducteur ait renoncé à la fin du titre originel, tant elle est "oxymorique" : un déclin est un phénomène progressif, à l'antithèse du "shock" annoncé.

Mais à quoi bon s'étonner ? Planète vide est un titre efficace, à l'effet accrocheur indéniable. Le "shock" a pour but d'amplifier cet effet. La logique eut été de parler de l'effondrement (collapse) brutal, et non du déclin paisible.  On comprend que les auteurs (ou les éditeurs ?) n'aient pas osé.

Pourquoi s'attarder à gloser sur le titre ? Parce qu'il est éclairant. Avant d'avancer, précisons à ce propos que les auteurs ne sont pas démographes, ni économistes ou sociologues ou philosophes : D. Bricker est dirigeant d'un grand institut de sondages, et J. Ibbitson est journaliste.

"Planète vide" est agréable à lire. D'une plume alerte, les auteurs nous promènent à travers les continents, et nous décrivent leurs rencontres, en les enrichissant d'éclairages parfois intéressants, parfois péremptoires. Ils décrivent une tendance générale à la baisse du taux de fécondité, tendance qui s'appuie principalement sur la généralisation de l'éducation, et sur l'urbanisation galopante. Les bienfaits de l'immigration sont vigoureusement mis en valeur, et particulièrement dans le cas du Canada (patrie des auteurs).

Bricker et Ibbitson partent des prévisions démographiques des Nations Unies, dont le scénario médian décrit une croissance démographique qui s'épuise à la toute fin du XXIème siècle, plafonne à 10,9 milliards d'individus, et fait ensuite place à une décroissance ; ils argumentent que les évolutions notées ci-dessus (éducation, urbanisation) vont induire une diminution plus rapide, plutôt représentée par la "variante basse" des Nations Unies (plafonnement à 8,9 milliards peu après 2050, puis décrue pour revenir vers 7 milliards en 2100).

La perspective de décroissance démographique stimule beaucoup de monde. Si vous soumettez à un moteur de recherche l'expression "population will shrink", vous récolterez des dizaines de réponses, qui concernent le monde, les USA, le palmarès des 20 premiers, la Lithuanie, la Chine, le Japon, la Corée du Sud, l'Allemagne, la Russie… ; des réponses qui toutefois proviennent la plupart du temps de médias ou de blogs. Cependant, le 14 juillet 2020, la revue scientifique The Lancet publie une étude qui soutient le pronostic selon lequel l'évolution démographique se rapprocherait de la variante basse des Nations Unies.

Que faut-il en penser ? Les défenseurs des enjeux environnementaux estiment que la population humaine est très excessive, qu'il s'agisse du climat ou d'autres sujets tels que la biodiversité, ou l'accumulation des déchets. Pour eux, il est impératif d'encourager une décrue significative aussi vite que possible. Quant à BI, s'ils ne contestent pas l'existence de risques environnementaux, ils s'inquiètent beaucoup plus de l'impact négatif d'une telle décrue sur l'économie mondiale.

Cette divergence sur l'importance respective des enjeux est cruciale. Il arrive que des impératifs à court terme viennent malmener la croissance (en 2020 des impératifs sanitaires par exemple !) mais la priorité qui devrait aller aux enjeux environnementaux a du mal à s'imposer à des dirigeants dont l'horizon se limite en général à quelques années. En France, la compétition entre l'écologie et le rouleau compresseur de l'économie, plus ou moins feutrée, s'intensifie, et se cristallise sur le thème de l'emploi et du chômage.

Le texte du livre de BI est souvent nuancé. Cependant, il n'est pas impartial : il met en valeur de façon fallacieuse plusieurs éléments hostiles à la décrue démographique.

Le premier élément, évidemment, c'est le titre. Planète vide ? On imagine, lisant ces mots, revenir aux temps où les tribus de chasseurs cueilleurs erraient isolément à travers steppes et forêts. Mais la perspective ouverte par une décrue démographique n'a rien à voir, et du reste le contenu du livre du BI est très en retrait par rapport à ce titre. Revenons par exemple aux années 1950, avec une population mondiale trois fois plus faible qu'en 2020. Pas plus qu'aujourd'hui ce n'était le paradis sur terre, mais l'époque était dopée par une joie de vivre, un foisonnement culturel endiablé ; les humains se promenaient partout, en train, en avion, en voiture. Nul besoin des réseaux sociaux : la vie sociale était intense. Regardez le tourbillon des actualités cinématographiques de l'époque, de la filmographie :  Qui pourrait prétendre que cette planète peuplée de 2,5 milliards d'humains était "vide" ? Il ne s'agit pas ici d'entonner un hymne nostalgique sur le thème "c'était mieux avant", mais de récuser un point de vue alarmiste qui trahirait la réalité.

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