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Du Syndrome De Stress Post-traumatique à La dépression

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Par   •  9 Novembre 2014  •  2 218 Mots (9 Pages)  •  1 169 Vues

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En Syrie, le traumatisme a autant de visages qu'il y a de victimes de cette guerre qui n'en finit pas de ravager leur pays. Le masque aux yeux morts en est une variante fréquente, souvent propre aux enfants. Je l'ai vu dans un foyer de réfugiés à Amman, en Jordanie, où, assis sur des matelas en nylon râpeux et flanqués du sigle «UNHCR», sept ou huit garçons et filles ont posé sur moi leur regard de pierre. Leur mère était en larmes, son visage rouge et bouffi manquant d'exploser à mesure qu'elle énumérait les massacres et les disparitions des membres de sa famille. Dans une pièce adjacente, le père priait en silence.

Il y a aussi ce regard, débordant de souffrance, que j'ai vu dans un hôpital de Kilis, ville turque près de la frontière syrienne. Une femme de 38 ans y était alitée, la colonne vertébrale broyée après un bombardement sur les faubourgs d'Alep. Les murs de sa maison ne s'étaient pas uniquement effondrés sur son dos, mais aussi sur sa fille, Ayah. Une fillette blonde de 9 ans avec des lunettes en plastique. Ce jour-là, Ayah venait de mourir. Les yeux de sa mère convulsaient de douleur.

«Quand est-ce que ça va finir?»

Et puis il y a ces visages, creusés par l'épuisement, ce regard blessé que j'ai pu voir chez une femme rencontrée dans un parc de Kilis. Le parc abritait 4.000 Syriens amassés sous des tentes de fortune. La femme avait voulu me donner son plus jeune fils. Ses jambes étaient couvertes de gale. «Quand est-ce que ça va finir?», m'avait-elle demandé, une supplique dans la voix.

Cette question sur la fin des hostilités est omniprésente dans l'esprit de ceux qui souffrent. Comme sont omniprésents les souvenirs de tortures, de morts, de viols, de privations et de misère. Perdre sa maison et quitter son pays est un fléau pour les réfugiés, à l'image du calvaire que représente la nouvelle place à se trouver dans des communautés parfois hostiles à leur présence. Beaucoup de ces réfugiés souffrent de blessures physiques infligées par la guerre. Mais, pour une majorité encore plus écrasante, les dégâts sont internes, émotionnels. Pour les Syriens, la souffrance relève d'un effet domino qui semble ne jamais vouloir s'arrêter.

Selon les estimations de l'OMS, entre 3% à 4% des individus pris dans une situation d'urgence (comme, par exemple, la guerre en Syrie) développeront de graves troubles mentaux –des troubles psychotiques ou dépressifs majeurs (par rapport aux 2% à 3% qui en développeront a priori). L'organisation estime aussi que 15% à 20% des individus pris dans une situation d'urgence développeront des troubles légers ou modérés –de l'anxiété, des troubles dépressifs légers ou un syndrome de stress post-traumatique (SSPT)–, contre 10% a priori et que, durant de telles circonstances, un «important pourcentage» manifestera une «détresse psychologique normale».

Il faut que nous en fassions davantage

A.M. Tijerino, conseillère en santé mentale MSF

A l'heure actuelle, ce sont environ 9 millions de Syriens qui ont quitté leur foyer, dont 2,7 millions à avoir trouvé refuge dans les pays voisins (Turquie, Jordanie, Liban, Egypte et Irak). Et, bien évidemment, des millions de Syriens sont toujours à souffrir à l'intérieur de leur pays. Faites le calcul et vous comprendrez facilement l'ampleur de la crise psycho-sanitaire générée par cette guerre.

Mais face à la myriade de besoins humanitaires pour lesquels il n'y a pas le début du commencement d'une solution, que faire de cette crise? Est-ce qu'il est possible de voir ses effets à long-terme –des pathologies susceptibles de détruire des familles et de rogner d'autant sur la qualité de vie des populations– tempérés d'une manière un tant soit peu significative? Si des organisations internationales et locales mettent tout en œuvre pour répondre à de tels besoins, reste que l'ampleur de la tâche est aussi énorme que déchirante.

Le 15 mai dernier, Physicians for Human Rights (PHR) publiait une carte répertoriant toutes les attaques ayant touché des établissements médicaux et des professionnels de santé en Syrie. Mais ce document ne précisait absolument rien sur les fournisseurs de soins en santé mentale. Erin Gallagher, directrice des enquêtes et des interventions d'urgence, est parfaitement consciente de la crise psycho-sanitaire qui se déroule actuellement en Syrie, mais elle explique que son organisation manque de données statistiques sur les psychologues et autres professionnels en santé mentale.

Un manque criant de soins psychologiques

C'est une tendance lourde: pendant mon reportage, je n'ai pas pu trouver la moindre organisation capable de me dire, relativement précisément, combien de spécialistes en santé mentale travaillent actuellement en Syrie ou dans les régions limitrophes. Gallagher ne peut donc qu'énoncer l'évidence, à savoir que «tant d'adultes et d'enfants souffrent actuellement de traumatismes psychologiques et ne reçoivent aucune aide».

«Tous les réfugiés syriens souffrent d'un manque criant de soins psychologiques et psychiatriques», confirme Ana Maria Tijerino, conseillère en santé mentale pour Médecins Sans Frontières (MSF) Suisse. «Nous devons en faire davantage, c'est incontestable.»

Elle insiste:

«Il faut que nous en fassions davantage.»

Un soir, à Reyhanli, une autre ville turque près de la frontière, je discute avec Mohamed Suleiman, un psychologue originaire d'Idlib, en Syrie. Au cours de notre conversation, il sort un grand trépied surmonté d'une barre horizontale piquetée de diodes vertes. Il tend un casque à un de mes collègues et nous regardons les loupiotes commencer à clignoter, l'une après l'autre.

Il s'agit d'un appareil d'EMDR (pour eye movement desensitization and reprocessing; désensibilisation et reprogrammation par mouvement des yeux), une méthode utilisée pour soigner le SSPT et des individus chez qui les souvenirs douloureux provoquent diverses réactions sensorielles handicapantes; l'idée, c'est d'aider le cerveau à assimiler de nouveau des informations traumatiques tout en les rendant moins traumatisantes. Pour beaucoup de spécialistes occidentaux, la psychothérapie a fait ses preuves, mais il est on ne peut plus rare de pouvoir en bénéficier dans des endroits aussi dévastés que la frontière syrienne. Suleiman, qui pense que sa femme et lui sont globalement

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