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Épreuve De Droit Constitutionnel Ou Administratif

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Par   •  8 Mars 2015  •  4 075 Mots (17 Pages)  •  704 Vues

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Le contentieux relatif au domaine du médicament prend, depuis quelques années, une ampleur considérable. Après les affaires du Stalinon1, de la thalidomide2, de l’hormone de croissance3, de la vaccination contre l’hépatite B4, de l’Isoméride5 ou encore de la cérivastatine6, voici le tour du Distilbène.

Par deux arrêts récents7, en apparence contradictoires, la Cour de cassation s’est prononcée sur le sort des victimes de ce médicament, prescrit à l’origine pour remédier aux risques de fausses couches.

Préalablement à l’analyse proprement dite des deux décisions, un bref rappel historique s’impose concernant le médicament considéré. Le distilbène a été prescrit en prévention de fausses couches à des millions de femmes dans le monde dont près de 160.000 Françaises entre 1947 et 1977. Le principe actif de ce médicament, une hormone de synthèse appelée diéthylstilbestrol (ci-après désignée DES), va se révéler non seulement inefficace comme anti-abortif mais également responsable de malformations génitales et de cancers chez les enfants exposés in utero. L’oestrogène sera par la suite interdite mais pas de manière homogène : 1971 aux Etats-Unis, 1975 aux Pays-Bas, 1977 en France…

Les dommages différés à l’origine de ce produit se manifestant 10, 20, 30 ou 40 ans après l’exposition, on peut s’attendre à un impressionnant contentieux, une bombe à retardement en somme.

Dans les deux espèces, la plaignante était atteinte d’un adénocarcinome à cellules claires (ACC) du col utérin qu’elle imputait à la prise, par sa propre mère, durant sa grossesse, de l’hormone de synthèse DES. Elle a assigné les deux sociétés fabricantes de la même molécule mais sous deux appellations différentes, la société UCB Pharma et la société Novartis santé familiale.

Dans l’arrêt n°878, la Cour de cassation se retranche derrière l’appréciation des juges du fond qui ont considéré que la plaignante ne prouvait pas avoir été exposée au médicament litigieux dès lors qu’il n’était pas établi que le DES était la seule cause possible de la pathologie dont souffrait la requérante.

Dans l’arrêt n°880, la Cour de cassation censure en revanche l’arrêt d’appel en se fondant sur la responsabilité délictuelle (art. 1382 du code civil) et le droit de la preuve (art. 1315 du code civil) pour indiquer que dès lors qu’il est prouvé que le DES est la cause directe de la pathologie tumorale, il appartient au(x) laboratoire(s) mis en cause de prouver que le produit n’était pas à l’origine du dommage.

Si le premier arrêt appelle peu de commentaires dans la mesure où il s’inscrit dans l’orthodoxie civiliste du droit de la preuve, il en va tout autrement du second au terme duquel la Cour de cassation a inversé la charge de la preuve, pesant non plus sur la victime mais sur les fabricants, lesquels doivent désormais démontrer que leur produit n’était pas à l’origine de la pathologie, une preuve quasi-diabolique en somme.

L’intérêt de ces décisions résulte moins des principes de la responsabilité d’un fabricant de produits défectueux, largement appliqués depuis longtemps, que des règles de l’administration de la preuve, appliquées par la Cour de cassation à un préjudice spécifique d’exposition au distilbène.

FlickR - Palais de justice - ricardo.martinsLa spécificité de la preuve de l’exposition au distilbène in utero

Deux obstacles majeurs s’opposent aux victimes désireuses de faire reconnaître leur exposition au médicament litigieux : l’ancienneté de l’exposition et la pluralité de producteurs de l’oestrogène de synthèse nocif. La différence séparant les deux espèces commentées réside dans la conduite et les conclusions de l’expertise, phase essentielle, primordiale, du procès, au cours de laquelle se manifeste (ou est censée se manifester) la vérité technique, celle à laquelle les magistrats se fient quasi-systématiquement pour rendre leur décision, en toute connaissance de cause.

Dans l’arrêt n°878, il suffit de lire les moyens du pourvoi pour s’apercevoir que la plaignante a été dans l’impossibilité de se procurer le dossier médical de sa mère ou un certificat médical de prescription compte tenu de l’ancienneté des faits. La demanderesse n’a raisonné que par présomptions et indices, géographiques, temporels, historiques. Mais en vain, manifestement. Produire de la littérature médicale est à la portée de n’importe qui. Produire le dossier médical de sa mère devient beaucoup plus difficile. Les établissements de santé ont été, à ce propos, rappelé à l’ordre par la DHOS8 par circulaire du 21 août 2009.

Dans l’arrêt n°880, il apparaît manifestement que la plaignante avait bel et bien prouvé qu’elle avait été exposée in utero au distilbène, ce qui a été reconnu par les juges de la cour d’appel. Elle a donc en quelque sorte sauté le premier obstacle, celui de l’ancienneté de l’exposition. Le second obtacle étant, lui, encore plus délicat à franchir, la Cour de cassation a concédé du terrain à la partie plaignante en inversant la charge de la preuve en direction des laboratoires, exigeant d’eux la preuve d’un fait négatif, autrement dit que leur produit n’était pas à l’origine du dommage. C’est précisément en cela que le second arrêt constitue, à n’en pas douter, un pas décisif en faveur des victimes.

D’un point de vue strictement juridique, expurgé de toute compassion envers les victimes, la solution adoptée par la Cour de cassation est on ne peut plus orthodoxe. Dans la seconde espèce qui revêt indubitablement l’allure d’un arrêt de principe (publication sur le site Internet de la Cour de cassation, communiqué de presse, visa de cassation, etc.), la Cour de cassation se fonde sur l’article 1315 du code civil qui dispose, rappelons le, que :

« Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation. »

Au sens du Code civil et du droit des obligations, le paiement s’entend de l’exécution d’une obligation et non du transfert d’une somme d’argent. Appliqué à l’espèce, le premier alinéa signifie que la demanderesse a prouvé ce qu’elle avancait, à savoir qu’elle a été exposée au DES. Le second alinéa, lui, signifie que les laboratoires défendeurs qui se prétendent libérés de leur obligation

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