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Les enjeux de la décentralisation en matière sociale

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Par   •  5 Janvier 2014  •  3 828 Mots (16 Pages)  •  875 Vues

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Les enjeux de la décentralisation en matière sociale

L’égalité, la solidarité

AuteurMichel Borgetto du même auteur

Professeur à l’Université Panthéon-Assas (Paris-II), membre du CERSA (CNRS-Paris-II), auteur de La devise “Liberté, égalité, fraternité”, PUF, 1997, il a publié en collaboration avec R. Lafore, La République sociale, PUF, 2000, et Droit de l’aide et de l’action sociales, Montchrestien, 5e éd., 2004.

1 Le respect des principes d’égalité et de solidarité représente un enjeu majeur dans le processus de décentralisation. Trois questions : le législateur a-t-il posé dans les lois récentes des garde-fous suffisants pour pallier les inégalités d’un territoire à l’autre ? La répartition des compétences entre les multiples collectivités locales obéit-elle à des principes repérables et rationnels ? La décentralisation sera-t-elle un outil modulable et adaptable ou reste-t-elle une valeur, une position politique ?

2 Quelque vingt ans après les lois du 2 mars 1982 et des 7 janvier et 22 juillet 1983, le législateur vient de relancer avec une certaine vigueur le processus de décentralisation entamé au début des années 1980. En l’espace d’un an et demi, pas moins de quatre lois de nature diverse viennent d’être adoptées en vue de renforcer les pouvoirs et les compétences des collectivités locales : la loi de révision constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République ; la loi du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de Revenu minimum d’insertion et créant un Revenu minimum d’activité ; la loi organique du 29 juillet 2004 relative à l’autonomie financière des collectivités locales ; et la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

3 Même s’il s’inscrit dans un contexte juridique et politique différent de celui prévalant au début des années 1980 (constitutionnalisation du principe et des mécanismes de la décentralisation, consensus sur la démocratie “de proximité” et “de participation”), cet ensemble de textes n’en pose pas moins, s’agissant en tout cas du domaine social, des questions très largement similaires : comment renforcer les libertés reconnues aux collectivités locales sans porter atteinte aux principes fondateurs de la République (principes d’unité et d’indivisibilité, d’égalité et de solidarité) ? Quel est le bon niveau territorial pour mener à bien les politiques sociales : la commune et ses groupements, le département, la région ? Existe-t-il des critères pertinents – et si oui, lesquels – permettant de rationaliser le choix des compétences susceptibles d’être partagées ou au contraire attribuées à telle ou telle collectivité plutôt qu’à telle ou telle autre ?

4 Autant d’interrogations qui laissent largement entrevoir deux des principales difficultés que soulève, en matière sociale, toute entreprise de décentralisation : celui de l’équilibre problématique entre les libertés locales et les principes d’égalité et de solidarité nationale et celui de la répartition toujours discutable des compétences dévolues aux collectivités locales.

UN ÉQUILIBRE PROBLÉMATIQUE ENTRE LES LIBERTÉS LOCALES ET LES PRINCIPES D’ÉGALITÉ ET DE SOLIDARITÉ NATIONALE

5 Il n’apparaît pas inutile, si l’on veut prendre la mesure exacte de la tension existant entre les libertés locales et les principes d’égalité et de solidarité nationale, de rappeler tout d’abord les données du problème avant de repérer les limites inhérentes aux solutions consacrées par le législateur.

▶ Les données du problème

6 Il est ici une première remarque que l’on doit formuler en vue d’éclairer le débat : le fait que la tension entre les libertés locales et les principes d’égalité et de solidarité nationale se révèle en quelque sorte consubstantielle au principe même de décentralisation. La raison en est simple : c’est que la mise en œuvre de celui-ci se heurte inévitablement, par construction, à deux écueils opposés. Ou bien l’on privilégie une vision maximaliste voire jusqu’au-boutiste de l’idée de décentralisation en décidant d’accroître autant que faire se peut les libertés reconnues aux collectivités locales, mais on risque alors d’aboutir – dans la mesure où les politiques publiques et les moyens des acteurs concernés sont susceptibles de varier sensiblement d’une collectivité à l’autre – à remettre plus ou moins en cause les principes d’égalité et de solidarité nationale. Ou bien, au contraire, l’on privilégie une vision minimaliste de cette même idée en décidant de consacrer une réelle homogénéité du droit sur l’ensemble du territoire, mais on risque d’aboutir dans cette hypothèse à réduire fortement les libertés locales voire à les vider d’une grande partie de leur portée...

7 C’est dire qu’entre ces deux pôles antagonistes, l’équilibre à trouver apparaît pour le moins incertain et problématique, pour ne pas dire impossible : selon l’endroit où l’on arrête le curseur, il est clair que les uns et les autres seront en droit de déplorer ou bien que la décentralisation va trop loin, ou bien, à l’inverse, qu’elle ne va pas assez loin. En matière sociale, plus peut-être que dans les autres matières susceptibles d’être confiées aux collectivités locales, la difficulté se révèle particulièrement épineuse et lourde de conséquences, puisque sont en jeu des droits constitutionnels aussi fondamentaux que celui d’obtenir des moyens convenables d’existence, celui de bénéficier d’une aide en cas de besoin lorsqu’une personne est âgée, handicapée, en situation d’exclusion, etc.

8 En France, pays marqué par une puissante tradition jacobine, tout effort visant à renforcer les libertés locales se trouve fortement encadré par les normes juridiques. Qu’il s’agisse, par exemple, du caractère unitaire de l’État, qui implique notamment – outre que le représentant de l’État a, au niveau local, “la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois”[1] [1] Constitution de 1958, art. 72. ...

suite – que les collectivités territoriales n’ont pas “la compétence de leurs compétences” : ce qui signifie que le pouvoir normatif initial ne peut appartenir, sauf exceptions, qu’aux organes centraux de l’État. Ou qu’il s’agisse encore du principe d’égalité, lequel n’a cessé de voir son importance réaffirmée par le juge constitutionnel, ce dernier estimant que si le principe

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