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Le Soft Power Américain à Travers Les Jeux Vidéo De Tir Subjectif

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Par   •  23 Avril 2015  •  3 421 Mots (14 Pages)  •  1 344 Vues

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Alors que le sergent John « Soap » MacTavish fait face aux troupes de son ennemi, Imran Zakhaev, chef des ultra-nationalistes russes, et celles de son homologue arabe, Khaled Al-Asad, les balles fusent et l’une d’entre-elles vient se loger dans la tête du sergent. C’est un « Headshot ». À cet instant, les 18 millions de joueurs qui ont acheté Call of Duty 4: Modern Warfare ont l’opportunité de lire la citation qui apparaît et qui possède à présent la partie horizontale de l’écran : « L’arme la plus dévastatrice au monde est un Marine avec son fusil. »

Il est aisé de comprendre que nous sommes ici face à un jeu vidéo de tir subjectif dont le scénario n’est pas neutre. Il est possible de soumettre l’hypothèse que ce jeu vidéo, classé comme le meilleur jeu de l’année 2007 , a été pensé, et qu’il est d’ailleurs l’une des émanations du soft power américain.

Notons tout d’abord que l’interactivité qu’offre le jeu vidéo, sa réception et sa consommation souvent mondiale, nous permettent de comprendre les raisons qui pousseraient les décideurs politiques américains à faire du jeu vidéo un outil de diffusion privilégié du soft power.

Précisons, à présent, ce qu’il convient d’entendre par soft power. Par définition, notons que c’est une forme de puissance douce qui préfère la manipulation des esprits plutôt que celle des armes (hard power). Cette forme de puissance connaît aujourd’hui son apogée avec l’essor de l’industrie des médias et de la communication. Le concept de soft power est un concept récent : il émerge dans les années 1970 avec Joseph Nye et Robert Keohane, en particulier avec Power and Interdependence en 1977. Toutefois, c’est en 1990, avec l’ouvrage Bound to Lead, que Joseph Nye assoit définitivement son idée. Celle-ci est simple : pour que les États-Unis conservent leur statut d’« hyperpuissance », il faut qu’ils amènent leurs adversaires, ou leurs alliés, à penser de la même façon qu’eux et ce, sans même qu’ils ne s’en rendent compte. Afin de se demander si le jeu vidéo à tir subjectif est devenu l’un des moyens de diffusion de ce soft power, nous utiliserons comme objet d’étude deux jeux vidéo : America’s Army sortie le 4 juillet 2002 par les forces armées des États-Unis, et la série des Call of Duty . Ces-derniers sont développés par les studio Infinity Ward et Treyarch, et édités par Activision. Tous ces acteurs sont privés et de nationalité américaine. Aussi, si soft power il y a, celui-ci est indirect. Notre choix s’est porté sur ces jeux vidéo car ils vantent, peut-être le plus ouvertement, les mérites du militarisme et embrassent manifestement une vision patriotique et positive de l’armée américaine. Aussi, il convient de se demander comment, par quels moyens, et pour quelles fins, le jeu vidéo est-il devenu bien plus qu’un jeu pour s’affirmer être un élément de puissance ?

Si nous étudierons en premier lieu l’aspect « Call of Duty », au sens propre de l’expression, des jeux vidéo, nous tenterons de comprendre, en deuxième lieu, comment le jeu vidéo est un moyen d’écrire et de réécrire l’histoire et ce, dans un dessein de glorification, de manipulation et de prédiction. Enfin, nous nous demanderons si le jeu vidéo, au-delà d’un moyen du soft power, est un outil du hard power.

I – Quand le jeu devient un « Call of Duty »

Il convient tout d’abord de démontrer l’aspect « Call of Duty », au sens propre de l’expression, des jeux vidéo. Il faut, en somme, expliquer comment la guerre, en se faisant jeu, est apprivoisée par les joueurs et ce, au point que la décision politique d’utiliser la violence physique devient légitime.

1. Quand la violence de la guerre devient un jeu

Il convient, pour commencer, de noter que si la guerre est depuis longtemps l’objet de jeux vidéo, elle donne lieu aujourd’hui, bien plus qu’hier, à des jeux de plus en plus réalistes. À ce propos, notons que les scènes d’action, les armes et les grades, pour ne prendre que ces exemples, sont fidèles à la réalité. Dans la série des Call of Duty par exemple, les joueurs peuvent obtenir des armes représentées dans leurs moindres détails. Les sensations qui entourent le maniement de l’arme sont, elles aussi, prises en considération. Ainsi, le joueur peut ressentir une différence lorsqu’il tir avec un « M-200 » ou un « Colt M4A1 ». Certaines armes sont plus lourdes, d’autres plus précises. Dans le même esprit, Jason West, chef de projet de Call of Duty, affirme que le pilotage virtuelle d’un avion « AC-130 Spectre Gunship » a été sensiblement étudié pour se rapprocher au maximum de la réalité. Notons que le réalisme des jeux vidéo est le fruit d’interactions entre les concepteurs du jeu et les militaires. Pour la mise au point de Call of Duty par exemple, des soldats ont été interrogés, des bases militaires ont été visitées et des armes ont été prêtées. Cette interaction entre le domaine du militaire et celui du jeu vidéo n’est pas sans intérêt. En effet, si l’objectif des concepteurs est de courir derrière la finesse graphique et le réalisme dans un contexte de concurrence (le marché des jeux vidéo est très important), celui des militaires est tout autre. Il s’agit pour eux de plonger le joueur dans des interventions armées et ce, pour qu’il apprivoise la guerre, les armements et tout un habitus. Par ailleurs, il convient de faire remarquer que l’armée légitime son action à travers ces jeux et ce, comme nous le verrons plus tard, grâce à des synopsis bien ficelées. Effectivement, dans le cadre du jeu, les joueurs sont invités à « aimer la bombe », et à percevoir la violence militaire comme « inévitable », « obligatoire » et, in fine, « normal ». Pour ne prendre qu’un exemple de ce processus de légitimation de la violence par le jeu, notons que le « headshot » est le plus beau coup qu’un joueur puisse effectuer. Ils rapportent d’ailleurs des points, points avec lesquels le joueur va pouvoir déverrouiller des armes et des équipements.

Finalement, les jeux vidéo de tir subjectif peuvent être utilisés pour mettre en contact les joueurs et l’arme. En fait, c’est tout un discours militariste qui accompagne le jeu et s’ancre dans les esprits des joueurs. D’ailleurs, pour ne prendre qu’un exemple, il n’est jamais question de diplomatie dans le jeu. La résolution des conflits se fait toujours par la guerre.

2. Du militarisme : lorsque nous sommes tous des membres de l’United States Army

Si les jeux vidéo dont il est ici question éduquent, voire entrainent, le joueur à

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