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Sociétés actuelles et mondialisation

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Par   •  15 Décembre 2021  •  Dissertation  •  8 225 Mots (33 Pages)  •  268 Vues

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Sociétés actuelles et mondialisation

Travail de session

I. Introduction et définitions

Dans son article de 2002, Jean-Claude Ruano-Borbalan entame son argumentaire par la question : « Qui n'a pas entendu parler du Forum social de Porto Alegre ?[1] ». Ce forum social, qui prend la forme d’un congrès, réunit les alter-mondialistes du monde entier. Il se déroule de manière concomitante, et également opposée, au Forum économique mondial de Davos, en Suisse[2]. Porté par des O.N.G. du monde entier, il est pour beaucoup symptômatique d’une émergence de ce que l’on pourrait appeler une « société civile mondiale ». Avant d’énoncer notre problématique et de commencer notre raisonnement, il convient de revenir sur le concept de « société civile » et deux aspects principaux : sa définition, et ce qu’elle implique.

L’idée d’une société civile est ancienne, et issue de la tradition philosophique occidentale. En Grèce antique, Aristote évoque une « politikê koinôna[3] » qui regroupe ceux qui n’appartiennent pas au corps politiques de la polis[4] à proprement parler. Le terme évolue dans les théories contractualistes de la Renaissance où la société civile est envisagée comme opposée à l’état naturel des choses[5], avant d’atteindre une définition plus proche de la nôtre vers le XVIIIème siècle et le XIXème siècle. On la définit alors comme un ensemble autonome au pouvoir étatique, qui serait capable de « s’autoréguler de façon non-intentionnelle », et dont le principal ciment serait des intérêts économiques convergents[6]. De nos jours, l’on entend généralement par société civile les agents non-étatiques ou politiques qui s’associent pour défendre des valeurs, un intérêt ou un objectif communs, dans une dynamique tantôt d’opposition, tantôt d’association avec l’État et donc le pouvoir en place. Plus concrètement, l’on inclut dans la société civile les O.N.G. (organisations non-gouvernementales), les associations de citoyens, et plus globalement l’ensemble hétérogène d’individus dont le métier ne relève pas du domaine de la politique[7]. Notre définition hypothétique de la société civile mondiale serait alors l’ensemble hétérogène d’individus non-politiques et non- étatiques du monde entier qui s’associent à l’échelle mondiale pour défendre valeurs, buts ou intérêts en commun.

Cette définition est fondée sur plusieurs présupposés, voire prérequis. Le premier est une conséquence directe de la dynamique d’association-opposition qui anime la société civile : l’existence d’un État, ou du moins d’un ensemble officiel dont la vocation première est le fonctionnement de la société (les pouvoirs régaliens, la continuité des services publics...[8]). Il faudrait, pour confirmer l’existence d’une société civile mondiale, démontrer l’existence d’un tel « Autre », à savoir un État ou son équivalent. Dans un deuxième temps, si l’on reprend la définition libérale de la société civile, il faut que cet ensemble, aussi hétérogène soit-il, puisse s’autorréguler et savoir ce qu’il veut. Enfin, il faut supposer une action et une coordination au niveau international, plutôt qu’au niveau étatique, et donc considérer un dépassement de l’État comme répertoire de l’action[9] protestataire. Ce sont ces présupposés qui vont être le point de départ de notre réflexion.

Notre raisonnement s’attachera donc à répondre à la problématique suivante : est-il pertinent, aux vues des éléments constitutifs de cette dernière, d’envisager une société civile mondiale ? La mobilisation à l’échelle planétaire d’un terme originellement envisagé à l’échelle étatique est-elle pertinente d’un point de vue scientifique ?

II. La non-pertinence d’une société civile mondiale

Notre réflexion fera le postulat de la non-pertinence du terme « société civile mondiale » (ou « globale ») pour désigner les récentes évolutions, et changements d’échelle, de l’action contestataire contemporaine. Dans cette première partie, nous verrons qu’il existe bien une internationalisation de l’échelle des mouvements sociaux.

1. Une internationalisation de l’action protestataire...

1.1. Les coalitions insider-outsider:

Le processus du Caucus des femmes lors de la Conférence internationale sur la population et le développement au Caire en 1994[10] est un exemple de stratégie réussie «d'initiés-étrangers», bien connue des militants de l'égalité des sexes.[11] Lors de la conférence, le Caucus des femmes est devenu une stratégie à la fois «intérieure» et «extérieure», avec une centaine de femmes activement engagées dans le processus de négociation officiel et des centaines d'autres femmes à l'extérieur discutant et critiquant le processus, travaillant dans des caucus régionaux. Les engagements en faveur des droits des femmes dans le Programme d’action du Caire ont été considérés comme un succès Le Caucus des femmes a pu travailler au sein du système des Nations Unies pour atteindre ce résultat. Anita Nayar a été interrogée sur la Conférence du Caire. Elle a animé le Women’s Caucus organisé par WEDO (Women’s Environment and Development Organization). Anita a affirmé l’efficacité du Caucus: environ 60 à 70% du texte final du Programme d’action peut être attribué aux travaux du Women’s Caucus.[12] Les femmes étaient bien organisées et avaient été actives dans tout le processus de la conférence, des réunions du comité préparatoire à la conférence finale. Elles ont travaillé dur pour faire adopter une formulation alternative qui promeuve et protège mieux les droits des femmes. Interrogée sur les éléments qui ont contribué à une voix efficace des femmes, Anita a souligné que le succès du changement du cadre sous-jacent de la conférence sur la population pour se concentrer sur la vie et les droits des femmes était le résultat d'un certain nombre de processus à travers le monde, y compris les mouvements de femmes travaillant avec leurs gouvernements au niveau national avant la réunion du Caire.

L'engagement à l'égard du processus complet et d'une organisation détaillée a permis aux femmes d'avoir une voix forte.

De la même manière, le Groupe international de facilitation du financement du développement (IFG) a contribué au processus de financement du développement (FFD) au sein du système des Nations Unies. Formé après la Conférence internationale sur le financement du développement à Monterey, au Mexique en 2002 (la Conférence de Monterey)[13], l'IFG est composé d'organisations et de réseaux internationaux dans des centres stratégiques et des points focaux aux États-Unis, en Europe, en Amérique latine, en Asie et en Afrique. Interrogée sur le travail des IFG avec l'ONU, Rosa Lizarde, liaison des Nations Unies pour l'IFG, a déclaré que ses objectifs étaient de maintenir l'élan de la Conférence de Monterey et de tenir les gouvernements et les parties prenantes responsables des engagements pris dans l'agenda de la FFD.[14] Cela concerne la mobilisation des ressources nationales et internationales pour le développement, le commerce international, l'aide au développement, la dette, ainsi que les questions relatives à «l'amélioration de la cohérence, de la gouvernance et de la cohérence des systèmes monétaires, financiers et commerciaux internationaux»[15]. Un élément clé des IFG le travail a été de fournir un espace efficace pour les débats politiques où les ONG peuvent présenter diverses perspectives sur les questions abordées lors des réunions liées à la FFD à l'ONU. Dans ce processus, les ONG présentent des documents d'orientation lors de panels et d'auditions de la société civile convoquées par le secrétariat de la FFD. Rosa a souligné deux de ces occasions en 2003 où un document d'ONG a été inclus comme document officiel des Nations Unies pour les réunions de l'ECOSOC et de l'Assemblée générale. L'IFG a pu l'utiliser pour créer l'occasion de faire valoir son point de vue dans la discussion officielle alors que cela n'aurait pas autrement fait partie des considérations.

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