Quelles sont les influences des III eme et IV eme République sur la Ve ?

        « La Constitution de 1958 n’est explicable […] que par référence au système de[pic 1] 1946 dont elle a pris le contrepied. D’où ce paradoxe : la Constitution de la IVe République, dont la faillite globale a provoqué l’avènement de la Ve, a largement déterminé, par différence, le système de celle-ci » De cette manière, Jean-Marie Denquin, dans son ouvrage 1958 : la genèse de la Ve République, explique l’origine du régime politique dans lequel nous évoluons aujourd’hui.

C’est dans un contexte politique, militaire et social très tendu que la IVe République est peu à peu abandonnée par le peuple français. En effet, la crise algérienne de mai 1958, ou ce que l’on appelait les « évènements d’Algérie », révèle la fragilité du régime et son impuissance face aux différentes crises traversées par le pays. Après avoir été appelé au pouvoir par le président René Coty, Charles de Gaulle se présente au palais Bourbon le 1er juin 1958 et demande, entre-autre, l’élaboration d’une nouvelle Constitution. Si traditionnellement en France, chaque changement de régime est précédé d’une crise (chute de la royauté, Seconde Guerre Mondiale, défaite de Sédan…), la Ve République ne déroge pas à cette règle, hormis le fait qu’elle soit la seule république succédant à une autre. Ainsi, le texte fait figure « d’œuvre de circonstances ». Mais les circonstances sont-elles uniquement politiques et sociales ? L’échec de la IVe République face à la guerre d’Algérie provient, en majeure partie, de l’instabilité gouvernementale qui émane du texte lui-même. En effet, comme sous la IIIe République, le régime d’assemblée qu’elle instaure est soumis aux partis politiques. Ainsi, les gouvernements se succèdent sans que l’exécutif ne puisse dissoudre la chambre des députés, il n’y a aucune autorité capable d’imposer l’intérêt général aux autorités partisanes, desquelles aucune majorité ne ressort. Un renouveau semble alors nécéssaire afin de surmonter durablement les différentes tensions nationales mais aussi internationales, dans le contexte de guerre froide, auxquelles la France est confrontée en 1958. Souvent considéré comme le penseur et l’unique plume de la Constitution de 1958, Charles De Gaulle, bien qu’il fût un acteur majeur, était entouré de nombreux autres personnages politiques lors de la rédaction du texte constitutionnel. La Ve République est ainsi le fruit d'un compromis constitutionnel dans l’optique de la pérenniser. Instituée par la Constitution du 4 octobre 1958, elle se distingue des régimes précédents et, en particulier, des IIIe et IVe Républiques, sur au moins trois points. En effet, elle se caractérise par un exécutif fort, une stabilité gouvernementale et par la création d’une justice constitutionnelle. Cette nette distinction suppose une volonté d’émancipation des faiblesses politiques crées par les deux précédentes républiques. Ainsi, tout porte à croire que les expériences constitutionnelles et républicaines vécues lors de la première moitié du XXe siècle ont influencé les rédacteurs de la Constitution de 1958 à se distinguer, s’opposer aux précédents textes constitutionnels. Seulement, n’y a-t-il pas des éléments essentiels, dont l’efficacité aurait-été prouvée, communs aux trois régimes ? Les IIIe et IVe Républiques pourraient-elles avoir eu une influence positive sur la Ve République ? Le fait que le régime instauré en 1958 porte le nom de « République », comme les régimes qui lui ont précédé, suppose une continuité. On peut affirmer que les Républiques d’hier et celle d’aujourd’hui se suivent, mais ne se ressemblent pas.

Ainsi, la question se pose donc de savoir en quoi le texte constitutionnel de la Ve République marque-t-il à la fois une continuité et une rupture vis à vis des précédents régimes républicains du XXe  siècle.

Nous pouvons avancer que la genèse de la Constitution de la Ve République est directement liée aux IIIe et IVe Républiques françaises, de par les fortes valeurs républicaines et démocratiques quelle porte. C’est également un texte fondamental qui apporte un nouveau souffle à la vie politique et juridique française, en prenant le contre-pied des expériences républicaines passées.

I - La Constitution du 04 octobre 1958 fait vivre la tradition républicaine et démocratique française

        La Constitution du 04 octobre 1958 est née d'une volonté de rupture avec les régimes qui l'avaient directement précédée, principalement à cause de leur incapacité à rester intacte face aux différentes crises du XXe siècle. Néanmoins, elle a hérité de ces régimes des principes républicains et, surtout, des institutions démocratiques acquises par le peuple français. Les principes fondamentaux du droit constitutionnel français inscrits dans les IIIe et IVe Républiques ont ainsi influencé, si ce n’est dicté, la rédaction de la nouvelle Constitution.

A) Un texte qui assure la continuité, voire réaffirme des principes républicains s’étant essoufflés tout au long du XXe siècle

        Après l’expérience d’une grande instabilité politique et des nombreux régimes s’étant succédés tout au long du XIXe siècle, comme le Premier Empire, la Monarchie de juillet ou encore la Seconde République, les IIIe et IVe Républiques ont la volonté d’inscrire durablement des valeurs républicaines solides dans les moeurs français. Ainsi, ces deux républiques s’appuient sur un même texte fondateur : la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789. C’est un élément majeur, car le texte est un marqueur de l’idéologie française républicaine. Ayant traversé les époques, on le retrouve dans le préambule de la Constitution de la Ve République. En effet, il mentionne l’attachement du peuple français « aux droits de l’homme et aux principes de la Souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946 ». Cet élément commun aux trois régimes témoigne de l’inscription de la Ve République dans la tradition républicaine, la DDHC servant de texte fondateur en termes de valeurs et de principes républicains. La culture politique et les symboles mis en place par la IIIe République sont également présents dans la Constitution du 4 octobre 1958. En ce sens, l’article 2 de ce texte déclare que "L'emblème national est le drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge », « L'hymne national est la « Marseillaise » », ou encore « La devise de la République est "Liberté, Egalité, Fraternité » ». Ainsi, nous pouvons assurer que la DDHC et les grandes lois des années 1880 de la IIIe République sont des éléments fondateurs de la culture politique républicaine en France. Après l’expérience de Vichy et la faillite de la République, la pensée derrière la rédaction de la constitution de la Ve République semble être directement influencée par les valeurs et principes républicains acquis, ayant fait leurs preuves sous forme de pratiques rendues habituelles. Ainsi, la « Liberté » promise par la devise se retrouve dans l’application de la liberté de la presse, la liberté de réunion, la liberté syndicale… Le principe d’« Égalité », lui, se retrouve dans les lois scolaires de Jules Ferry, permettant à chaque enfant d’accéder à un degré d’éducation égalitaire. La réussite sociale et politique tire donc son origine des principes républicains défendus dans les constitutions des IIIe et IVe Républiques françaises. Cet accomplissement étant mis en avant par l’échec du régime autoritaire et anti-républicain de Vichy, il est clair que la Ve République s’inspire des précédentes pour assurer la continuité et le renouveau des principes républicains français.

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