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Premier jugement chinois en matière d'abus de position dominante

Étude de cas : Premier jugement chinois en matière d'abus de position dominante. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  19 Septembre 2016  •  Étude de cas  •  2 486 Mots (10 Pages)  •  709 Vues

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Premier jugement chinois en matière d’abus  de position dominante

Le 16 octobre 2014, la Cour suprême du peuple a rendu son premier jugement en matière de recours contre l’abus de position dominante prévu par l’article 17 de l’Antimonopoly Law (l’arrêt

n° 4/2013 de la 3e  chambre civile).

La société Tencent (partie défenderesse) est un opérateur de messagerie instantanée (MI) gratuite nommée «  QQ  » sur internet qui détient au moment des faits plus de 80  % du marché chinois.

La société Qihu a quant à elle connu un succès certain grâce à un produit antivirus gratuit. En octobre 2010, Tencent a demandé à tous les utilisateurs de sa messagerie de désinstaller le logiciel anti-virus de Qihu, sous peine d‘arrêter le service gratuit de messagerie. Qihu a donc saisi la Cour supérieure de Guangdong sur le fondement de l’article 17 de l’Antimonopoly Law (AML), reprochant à Tencent d’avoir pratiqué le « refus de vente » et la « vente liée ». La Cour, en première instance, n’a pas qualifié la pratique de Tencent d’abusif et, tout en corrigeant certaines analyses, la Cour suprême du peuple (CSP) a abouti à la même conclusion.

L’affaire est particulièrement intéressante à plusieurs égards.

C’est en effet la première fois que cette juridiction a l’occasion d’apporter un éclairage sur l’application du droit de la concurrence régi par des textes succincts. L’autre source d’intérêt repose sur un conflit qui oppose des acteurs de l’économie virtuelle, domaine où les méthodes traditionnelles d’analyse du droit de la concurrence peuvent être bousculées (voir par ex. Willem H. Boshoff, Why define markets in competition cases?, Stellenbosch Economic Working Papers, 10/13, MAY 2013, 22 ps  ; David  S.  Evens, Antitrust Issues Raised By The Emerging Global Internet Economy, Northwestern University Law Review Colloquy, Antitrust Issues, Vol. 102:285

(2008), p. 285-306).

Le juge chinois a ainsi fait preuve d’un effort de pédagogie quant à son analyse de l’abus de position dominante (I) et relevé le défi de l’adaptation des méthodes d’analyse du droit de la concurrence en matière de nouvelle économie (II).

I. – DÉMARCHE PÉDAGOGIQUE DE LA CSP QUANT À SON ANALYSE DE L’ABUS DE POSITION DOMINANTE

Les textes chinois en matière de droit de la concurrence sont notablement succincts. La CSP a, de manière très pédagogique, saisi cette occasion pour éclairer les modalités de son contrôle de l’abus de position dominante en raffinant le cadre conceptuel d’analyse traditionnellement composé des notions de marché pertinent, de position dominante et de comportement abusif.

A. – La définition de marché pertinent selon la CSP

Tout d’abord, fait inhabituel, la CSP relativise la nécessité de définir d’une manière précise le marché pertinent afin de caractériser un comportement abusif, tout en reconnaissant son utilité importante pour connaître le positionnement des acteurs économiques, l’impact du comportement en cause sur le marché ainsi que son caractère abusif.

S’agissant de la méthode de délimitation du marché pertinent, la CSP utilise le test du monopoleur hypothétique dans ses deux variantes, SSNIP (augmentation réduite mais significative et non-transitoire du prix) et SSNDQ (diminution réduite mais significative et non-transitoire de la qualité).

Selon la CSP, la gratuité est un caractère intrinsèque du marché de la messagerie instantané (MI). Dès lors, la méthode SSNDQ aurait pu être plus adaptée, même si la difficulté à se procurer des données exploitables ne permet qu’une analyse qualitative. La CSP analyse des produits similaires en s’intéressant successivement aux caractéristiques des produits, aux moyens pour les obtenir, à leurs fonctions et à la capacité des différents fournisseurs à proposer des substituts.

Le juge a ainsi, un peu paradoxalement, fait preuve de pédagogie sur la méthode sans pour autant arriver à des résultats concluants

B. – Position dominante et pouvoir de marché

La CSP a rappelé les éléments à prendre en considération dans l’analyse du pouvoir de marché selon les dispositions de l’AML.

Il s’agit classiquement de la ventilation des parts du marché, de la la situation de la concurrence, du pouvoir de contrôler le prix de vente des produits ou des matières, de la situation financière et technique de l’opérateur, de la dépendance des autres acteurs économiques, ainsi que des barrières à l’entrée sur le marché. Elle a relativisé la pertinence de la présomption de position dominante à partir d’un seuil de 50  % de parts de marché détenus par un seul acteur économique, surtout dans le secteur très dynamique de l’économie nouvelle. En reconnaissant la nécessité d’étudier les situations particulières de chaque cas, le juge s’est orienté vers la « règle de la raison ».

C. – Comportement abusif

Quand la CSP a procédé à la caractérisation des comportements abusifs, en l’occurrence, « refus de vente » et « vente liée », elle a mis l’accent sur l’importance d’étudier les impacts réels des comportements en cause sur la concurrence et sur les consommateurs.

La CSP estime que, dans la mesure où la définition du marché pertinent est difficile, l’étude des résultats concrets des comportements de l’acteur économique concerné sur la situation de la concurrence peut aider à déterminer le caractère d’abus de position dominante des pratiques examinées.

La CSP a ainsi conclu que le fait d’obliger les utilisateurs à choisir entre la MI et le logiciel anti-virus n’engendrait pas d’impact majeur sur les consommateurs, et n’était pas motivé par des objectifs anticoncurrentiels. Le juge a ensuite constaté un certain dynamisme sur le marché en s’appuyant sur des données statistiques qui démontraient une progression visible des clients de concurrents de Tencent après son ultimatum. Le juge a donc estimé que la pratique en cause n’avait pas d’impact négatif sur la concurrence et ne constituait pas un refus de vente au sens de l’AML.

Quant à l’accusation de « vente liée », le juge estimait que la vente combinée de la MI et du logiciel anti-virus de Tencent était justifiable d’un point de vue économique. De plus, cette combinaison n’a pas eu de caractère contraignant au vu de la disponibilité de l’offre de substitution aux anti-virus de Qihu et Tencent. Enfin, les statistiques n’ont pas montré de perte de parts de marché de Qihu après la décision de Tencent.

II. –  EFFORT  D’ADAPTATION  DES  MÉTHODES  D’ANALySE  DU  DROIT  DE  LA  CONCURRENCE  FACE AUx DÉFIS DE LA NOUVELLE ÉCONOMIE

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