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Légalité et légitimité

Dissertation : Légalité et légitimité. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  1 Mai 2022  •  Dissertation  •  3 113 Mots (13 Pages)  •  372 Vues

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Légalité et légitimité :

Quels sont les fondements de la légitimité du pouvoir d’action d’une République ? La légalité de son action suffit-elle pour être légitime ?

“Une chose n’est pas juste parce qu’elle est loi ; mais elle doit être loi parce qu’elle est juste.” (Montesquieu, Cahiers, 1716 – 1765). Dans ce XVIIIe siècle, véritable « crise de conscience européenne » et à une époque où l’Ancien régime détenait encore le monopole d’un pouvoir pour le moins arbitraire, le philosophe pressentait déjà l’importance de distinguer la légalité, de la justice. L’opposition de ces deux termes ici nous amène ainsi à distinguer les nuances décisives qui les entourent. Car si la légalité est un précepte juridique de conformité à la loi, donc une régularité formelle, la justice, bien que dérivant de « justus » qui signifie « conforme au droit », est ici à prendre dans un sens plus large, et surtout plus normatif. En effet, si Thomas d’Aquin mentionne la notion de pouvoir légitime (« legitima protestas ») dès le XIIIème siècle, le mot « légitime » ne revêt sa définition de « conformité à la loi » qu’aux débuts du XIVème. Au grès des glissements sémantiques, le terme a ensuite désigné, et continue de désigner, à la fois ce qui est conforme au droit (gardant le sens étymologique premier) mais aussi ce qui est conforme à des valeurs morales, et surtout, ce qui apparaît fondé, légitime.

Ainsi pour qu’un acte soit légitime, sa valeur se doit d’être fondée sur un principe qui le justifie. Tout système de pouvoir, qu’il s’agisse d’une relation entre individus, ou d’une institution envers des individus, recherche ainsi une légitimité. Dans un cadre politique, le renversement de l’Ancien Régime que ne connaîtra pas Montesquieu en est la preuve : sans légitimité, un pouvoir ne peut perdurer. Avec la fin de la monarchie de droit divin, où la royauté tenait sa légitimité à la fois de l’hérédité et de la sacralisation du pouvoir, la République a dû fonder sa légitimité sur de nouveaux concepts, parmi lesquels la souveraineté du peuple, le respect des libertés fondamentales et la légalité. Dans une République, le pouvoir, qui n’est pas le monopole du chef du gouvernement mais exercé par des représentants de la population, se doit donc de respecter le consentement de ses citoyens. L’idée d’une légitimation du pouvoir est ainsi centrale, au regard à la fois de la justification de l’existence d’un système politique mais aussi de son action. La question est alors de savoir à quelles conditions le pouvoir peut être considéré comme légitime.

Dans le cas d’un Etat de droit, il apparaît bien sûr évident que le respect des lois qu’il promulgue au nom du peuple est un fondement nécessaire de sa légitimité : une action illégale paraît difficilement légitime.  Mais légalité n’est pas légitimité, et inversement. Ainsi, que faire quand la loi apparait illégitime ? Car il est paradoxalement possible que l’action des institutions de l’Etat, ses représentants voir l’Etat lui-même soient considérées comme illégitimes, et pourtant légales et inversement, que certaines actions illégales puissent pourtant paraîtres légitimes. Le paradoxe questionne, aujourd’hui encore, comme le montre l’exemple du Référendum d'autodétermination de la Catalogne du 1er octobre 2017. Initiative du gouvernement régional de Catalogne et approuvé par le Parlement de Catalogne, ce référendum cristallise toutes les tensions autour de la dualité entre légalité et légitimité : bien que considéré comme légitime par le peuple catalan ainsi qu’une partie de la scène internationale de l’époque, le tribunal constitutionnel espagnol le déclara non conforme à la loi. Dès lors le verdict était simple du coté de la légalité… mais qu’en était-il de la légitimité ? La question est ainsi bien plus épineuse, car entourée de subjectivité : la légitimité étant d’une certaine façon la conformité à des valeurs, des normes sociales, qui, bien que collectives, ne peuvent être parfaitement objectives. Quels sont alors les facteurs de la légitimité du pouvoir d’un Etat, c’est-à-dire de son action publique ? En quoi la légitimation du pouvoir est-elle centrale et quelles en sont les limites ?

Dans cette dissertation nous nous attacherons à comprendre la nécessité d’une régime républicain et démocratique à être légitimé, notamment par sa légalité (I). Puis nous nous analyserons les fondements de la légitimité même de la loi (II), avant de nous intéresser à démontrer que la légitimité dépasse la notion de légalité. (III)

I/De l’importance de la légalité dans la légitimité d’un pouvoir politique républicain et démocratique

Dans cette première partie nous chercherons à démontrer que le besoin de légitimité du pouvoir s’incarne dans la construction même de la République (A) et conservera dès lors une fonction d’obstruction à l’usage de l’arbitraire et de la force illégitime par le pouvoir (B).

A/La légitimité : une construction dans le temps et dans le droit

Pour cerner l’émergence du besoin de légitimer le pouvoir de l’Etat républicain, il convient de l’étudier à travers un prisme évolutif, car la légitimité de la République lui est conférée par le contexte de sa naissance. Là où la légitimité monarchique relevait de la sacralisation du pouvoir du roi, la République, « Unie et indivisible », se veut -sans pour autant y parvenir, nous pouvons l’affirmer- légitime puisque représentante des intérêts du peuple. De la première à la cinquième République -période qui ne doit pas être vu d’un point de vue progressiste mais faites de fractures et reculs républicains- certaines valeurs se transforment, se perfectionnent et perdurent, façonnant le visage de la nouvelle démocratie, concrétisant son autorité. Tout au long de ce processus, ces valeurs sont alors traduites et appliquées par le droit : La séparation des pouvoirs devient une condition démocratique dans l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et la définition stricte des compétences de chaque branche du pouvoir politique y est précisée, la loi elle-même et ses prérogatives sont définies et le principe de légalité émerge. Cette idée centrale pour la légitimité de la République prend son essence dans l’idée déjà soulevée par Montesquieu dans De l’esprit des Lois : pour être légale, une loi doit respecter les lois auparavant promulguées et être définie assez clairement pour ne pas laisser de place à l’arbitraire. En créant ce principe de légalité, la loi est ainsi légitimée : rationnelle et égale pour chaque individu, la loi peut obtenir le consentement des citoyens. Or depuis le 13ème siècle en Europe, l’organisation politique et le droit public se donne par l’Etat à travers le corps législatif mais aussi exécutif (qui peut être à l’initiative des lois), contrôlant ainsi ce que les Romains appelaient la potestas, le pouvoir légal. Dans l’organisation républicaine, l’Etat apparaît ainsi comme une instance légitime à agir légalement, car habilité : « Grâce à ce phénomène de concentration normative, le pouvoir a pu être construit sous la forme structurée d’une puissance publique. ». (Olivier Beaud, La puissance de l’Etat). 

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