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Le recours pour excès de pouvoir est-il condamné ?

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Par   •  22 Mars 2020  •  Dissertation  •  2 878 Mots (12 Pages)  •  492 Vues

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Sujet : Le recours pour excès de pouvoir est-il condamné ?

« Il n’y a pas eu substitution, inversion ou abandon de rôles, mais complémentarité et enrichissement du rôle initial du juge. Au total, le juge administratif français a conservé ses acquis historiques, tout en sachant combler ses insuffisances » affirme Jean-Marc Sauvé, ancien vice-président du Conseil d’Etat lors de son introduction à l'occasion de la première édition des entretiens du contentieux le 4 novembre 2016. Ici Jean-Marc Sauvé met en avant le succès de l’office du juge administratif dans le contentieux administratif et notamment le juge de l’excès de pouvoir.  

Le recours pour excès de pouvoir (REP) aurait une définition évolutive et vaste en ce qui concerne son effet et son objet. C’est un recours en annulation « ouvert même sans texte contre tout acte administratif, et qui a pour effet d’assurer, conformément aux principes généraux du droit, le respect du principe de légalité » (CE, Ass., 17 février 1950, Ministre de l’Agriculture c. Dame Lamotte). Il n’est possible que contre les actes administratifs unilatéraux.

Le juge va pouvoir annuler, censurer, faire disparaître rétroactivement un acte si celui-ci est contraire au droit sans qu’il soit nécessaire que cet acte ait violé, ait porté atteinte, à un droit personnel ou droit subjectif du requérant. Cette annulation a une autorité absolue de chose jugée, autrement dit elle s’impose non seulement aux parties au litige mais aussi aux tiers.

Contrairement au recours pour excès de pouvoir, qui obéit à un régime juridique unique, le recours de pleine juridiction (dit également de plein contentieux) désigne l’ensemble des recours où le juge dispose de pouvoirs étendus, supérieurs à l’annulation. La juridiction administrative, dans cette branche du contentieux est juge du fait et du droit, elle se prononce entre l’administration et ses contradicteurs comme les tribunaux ordinaires entre deux parties litigantes, réforme les décisions prises par l’administration, non seulement quand elles sont illégales, mais encore lorsqu’elles sont erronées, leur substitue des décisions nouvelles, constate des obligations et prononce des condamnations pécuniaires.

Le contentieux administratif s’est progressivement développé au XIXème siècle. Initialement, seul le recours de plein contentieux existait. Le recours pour excès de pouvoir était jusqu’aux années 1860 une voie de droit marginale. C’est véritablement le décret du 2 novembre 1864 qui, en rendant son usage moins coûteux, a permis son développement et son individualisation. Justifiée par des considérations politiques (donner au pouvoir central les moyens de contrôler, via le Conseil d’Etat, les actes des autorités locales), cette réforme a connu un grand succès auprès des justiciables, jouant le rôle de « soupape de sûreté » du régime politique.

Le Conseil d’Etat a alors été contraint d’instaurer la théorie dite de l’exception de recours parallèle qui existe encore aujourd’hui et qui signifie que le recours pour excès de pouvoir n'est recevable que si le requérant ne dispose pas d'un autre recours juridictionnel lui permettant d'obtenir une satisfaction équivalente à celle qu'il cherche à se procurer (CE 20 févr. 1868, Bouchers de Paris).

Le développement du recours pour excès de pouvoir est le résultat d’une politique jurisprudentielle du Conseil d’Etat. Ce dernier, afin d’assurer la soumission de l’administration au droit, a étendu le champ de ce recours, réduisant progressivement la liste des actes unilatéraux insusceptibles d’être contestés en justice (par exemple les mesures d’ordres intérieures peuvent avoir un caractère décisoire (7 févr. 1995, CE Hardouin, CE Marie).

Mais, afin de préserver la marge de manœuvre des autorités administratives, le juge administratif s’est limité à l’annulation de ces actes. Le recours pour excès de pouvoir a ainsi été conçu bien davantage comme un moyen de bonne administration que comme une action en justice centrée sur la protection des intérêts individuels des justiciables. Cependant cette notion d’intérêt va s’étendre au fil du temps et le domaine du REP va se développer.

Le REP représente 40% des décisions prises par le tribunal administratif, on peut en déduire que c’est une branche contentieuse qui a aujourd’hui une place importante dans l’équilibre contentieux administratif.  Cependant, depuis une dizaine d’années, la place du recours pour excès de pouvoir est remise en cause et l’on parle de « lune éclipsée » ou encore « une étoile qui s’éteint ».

Les causes en seraient l’élargissement du champ du plein contentieux objectif mais aussi la remise en cause de la distinction entre recours pour excès de pouvoir et recours de plein contentieux, ce qui amène à se demander si le recours pour excès de pouvoir ne serait-il pas en déclin en faveur du recours de plein contentieux.

Le sujet traité sera, par choix, axé sur une base de comparaison continue dans les parties entre les deux recours afin de comprendre et mesurer l’étendue du changement du recours pour excès de pouvoir et son influence actuelle dans l’ordre contentieux administratif.  On constate donc l’existence émule des deux voies de recours (I) et la mutation du recours pour excès de pouvoir (II).

  1. Une querelle complexe des contentieux

La distinction entre le recours de plein contentieux et le recours pour excès de pouvoir (REP) semble être nette et structurée. Mais elle est remise en cause aujourd’hui en raison de leurs divergences et un penchant plus favorable pour le recours de plein contentieux.

  1. Une dualité relative des voies de recours
  • Il existe deux types de contentieux : objectif et subjectif
  • Le contentieux subjectif concerne le recours de pleine juridiction (RPC). Il oppose par exemple les parties au contrat. Il concerne les intérêts personnels d’un justiciable. En principe le REP ne traite pas des contentieux subjectifs.
  • On s’intéresse plus au contentieux objectif : il concerne les deux types de recours. Ils se partagent le champ du contrôle de la légalité d’un acte. Leur différence siège dans leurs décisions. Le juge du REP annule l’acte de manière retro active et le juge du RPC peut réformer les décisions prises par l’administration, non seulement quand elles sont illégales, mais encore lorsqu’elles sont erronées ; elle leur substitue des décisions nouvelles ; elle constate des obligations et prononce des condamnations pécuniaires.

  • Le juge du REP est alors un gardien de la légalité et des droits objectifs. Il assure la soumission de l’administration à la loi tout en préservant les droits fondamentaux des requérants.  La durabilité du principe se tient par l’approfondissement du contrôle de légalité : le passage d’un contrôle restreint à un contrôle normal (surtout motivé par le droit communautaire qui encourage le contrôle entier) ou bien la théorie du bilan qui permet d’évaluer l’utilité publique d’une opération d’aménagement en mettant en balance l’intérêt général poursuivi et les atteintes à des droits et intérêts privés (CE Ass., 28 mai 1971, Ville Nouvelle Est).
  • Il y a la possibilité de substituer un recours pour excès de pouvoir à un recours de plein contentieux, lorsque ce recours vise uniquement une décision à objet pécuniaire et que le requérant ne demande que son annulation (CE 8 mars 1912 Lafage). Cette solution a longtemps prospéré puis l'intervention de la loi du 31 décembre 1987, portant réforme du contentieux administratif en créant la cour administrative d’appel, a remis en cause l'équilibre jurisprudentiel : Le Conseil d'État, craignant que la jurisprudence Lafage ne contrarie l'objectif de diminution de sa charge de travail durant cette période transitoire, a donc réduit son champ d'application afin d'éviter que les requérants ne privilégient l'excès de pouvoir au détriment du plein contentieux pour pouvoir continuer à le saisir en appel.  
  1. Une préférence actuelle pour le recours de plein contentieux
  • Le RPC dispose d’un régime de sanctions administratives.
  • Le Conseil d’Etat a, en dehors du champ des sanctions administratives où il se contente d’appliquer les choix du législateur ou du gouvernement, participé de manière significative au développement du recours objectif de plein contentieux. Par exemple le contentieux concernant de la qualité de réfugié (CE, Sect., 8 janvier 1982, Aldana Barreña) et de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (CE, 4 novembre 1994, Abderrahmane).
  • Influence du droit européen : La qualification des sanctions administratives de « sanctions pénales » modifie l'étendue du pouvoir du juge saisi de leur contrôle. L'exigence de pleine juridiction, au sens de la Convention EDH, est modulée selon que le tribunal de « pleine juridiction » statue en matière « civile » ou « pénale ». En effet, la Cour européenne des droits de l’homme a affirmé que l'exigence de pleine juridiction, lorsqu'il s'agit de la matière pénale, concerne également un pouvoir de réformation du juge (CEDH, 23 oct. 1995, Gradinger c. Autriche).
  • Cependant si le juge administratif admet enfin le pouvoir de moduler la sanction encourue, cette reconnaissance s'appuie sur les dispositions législatives qui le lui permettent (CE, Ass, 16 fev. 2009, Société Atom). Cette jurisprudence s’inspire de la Cour EDH ayant initié le mouvement de pénalisation des sanctions administratives et considérant que ces dernières peuvent relever des « accusations en matière pénale ».
  • De plus dans cet arrêt on bascule d’un REP à un RPC en reconnaissant que la sanction encourue « a le caractère d'une sanction que l'Administration inflige à un administré » et que par conséquent « le recours formé contre une telle sanction est un recours de plein contentieux », le Conseil d'État requalifie la nature du contentieux des sanctions administratives infligées aux administrés.
  • Le droit de l’union européenne exige uniquement un contrôle complet de légalité incluant l’ensemble des questions de droit et de fait portant sur l’acte administratif en question et l’appréciation de l’adéquation de l’objet de l’acte à ses motifs, afin de garantir une sécurité juridique individuelle et collective et une protection des droits fondamentaux.
  • L’intérêt principal du plein contentieux objectif est l’étendue des pouvoirs de décision du juge : il peut réformer un acte administratif et examine l’ensemble de la situation litigieuse.
  • Cela permet de protéger au mieux les intérêts du justiciable. On peut alors dire que le plein contentieux objectif serait plus efficace que le REP.
  1. La transformation du recours pour excès de pouvoir : l’évolution pour non-condamnation

À la suite des éléments vus précédemment et notamment la place importante du RPC, il est constatable que le REP avait besoin de se renouveler, se réformer afin de pouvoir être un recours toujours populaire et utile. Mais il semblerait aujourd’hui que celui-ci tend à ressembler de plus en plus au RPC.

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