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Le contrôle juridictionnel des état d’urgence et d’exceptions

Dissertation : Le contrôle juridictionnel des état d’urgence et d’exceptions. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  15 Décembre 2021  •  Dissertation  •  3 280 Mots (14 Pages)  •  389 Vues

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Le contrôle juridictionnel des état d’urgence et d’exceptions

Le 16 mars 2020, par décret du Premier Ministre, l’ensemble de la population française s’est vu interdire toute sortie à plus d’1 kilomètre hors de son domicile. En temps normal, ces mesures sont manifestement illégales et incompatibles avec l’Etat de droit. Cependant, elles n’ont pas fait l’objet de contestations sérieuses de la part de la population et de la classe politique, il semblerait qu’il existait à ce moment un consensus scientifique et politique sur les mesures à prendre pour faire face à l’épidémie de Covid-19 qui faisait rage alors. Le 12 mars 2020, le Président de la République clamait d’ailleurs dans son discours télévisé : « Nous sommes en guerre. Toute l’action du Gouvernement et du Parlement doit être désormais tournée vers le combat contre l'épidémie. ». D’un point de vue juridique, il existait une incertitude sur le bien-fondé des mesures édictées. Le décret du 16 mars 2020 a été pris au visa de « l’urgence » et des « circonstances exceptionnelles découlant de l'épidémie de covid-19 ».

Il semblerait ainsi que des circonstances exceptionnelles motivent l’administration à adopter des mesures exceptionnelles. Le droit français prévoit en outre plusieurs régimes juridiques d’urgences et d’exceptions permettant à l’administration de disposer d’une certaine marge de manœuvre qui lui permet déroger à certaines règles de fonds et de forme en temps de crise. Un état d’urgence sanitaire a notamment été institué par la loi du 23 mars 2020. Ce régime juridique permet au Premier ministre de disposer de larges pouvoirs de police administrative. Il peut limiter la liberté d'aller et venir, la liberté d'entreprendre et la liberté de réunion (y compris des mesures d'interdiction de déplacement hors du domicile) et dispose de la possibilité de réquisitionner tous biens et services nécessaires pour mettre fin à la catastrophe sanitaire. L’état d’urgence sanitaire est largement calqué sur l’état d’urgence prévu par la loi du 3 avril 1955. Il a largement été mobilisé à la suite des attentats du 14 novembre 2015. Il permet à l’administration, en plus des mesures précédemment cités, d’effectuer des perquisitions destinées à prévenir la commission d’infraction comme des attentats par exemple.

A côte de ces régimes prévus par la loi, la Constitution prévoit deux régimes d’exceptions. Il y a tout d’abord l’état de siège, prévu à l’article 36 de la Constitution. Il permet au pouvoir militaire de se substituer au pouvoir de police civile et de disposer de prérogatives élargies. Il n’a jamais été mobilisé lors de la Vème république. Le régime prévu à l’article 16 de la Constitution, quant à lui, a déjà été enclenché par Charles de Gaulle en 1962 dans le contexte de la Guerre d’Algérie. Le président de la République peut enclencher l’article 16 lorsque « les institutions de la République, l'indépendance de la nation, l'intégrité de son territoire ou l'exécution de ses engagements internationaux sont menacées d'une manière grave et immédiate » et d’autre part que « le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu ». En somme, le Président de la République dispose alors des pleins-pouvoirs, il peut gouverner par décret sans limite (exception faite du fait qu’il ne peut pas légalement dissoudre l’Assemblé nationale) en adoptant « toutes mesures exigées par ces circonstances ».

Face à l’étendue des pouvoirs pouvant être mobilisés par l’administration en temps de crise se pose inévitablement la question des limites de son action. En effet, les régimes susmentionnés permettent tous, à des degrés variables, de restreindre les droits et libertés fondamentaux individuels des administrés. Chaque personne ayant vécu le confinement en a fait l’expérience : les limites à liberté de circuler et de se réunir ont des conséquences très concrètes affectant la vie quotidienne dans tous ses aspects. Durant la crise sanitaire, une petite portion de la population a même contesté l’utilité des mesures de police drastiques mises en place, à travers des manifestations, rassemblements et publications. Cette réfraction aux limitations de déplacement ne fait que s’accroitre à mesure que l’état d’urgence sanitaire semble s’étaler indéfiniment dans le temps.

Se pose alors un dilemme pour les pouvoirs de police : il faut un juste dosage entre d’un côté la préservation de la santé publique, et d’un autre côté la somme des libertés individuelles de chaque administré. C’et en somme l’enjeu de toute politique édicté dans un but d’intérêt général. En temps normal, il revient au juge d’apprécier l’opportunité et la conformité au droit des mesures de police contestés par les administrés.

Quelle est l’étendue de son contrôle en présence d’états d’urgences et d’exceptions ?

Le juge administratif peut faire preuve d’une certaine souplesse à l’égard de l’action de l’administration en présence de circonstances exceptionnelles (I). A côté de ce régime prétoriens, le contrôle est à géométrie variable en fonction des différents régimes prévus par les textes (II).

I) Un contrôle plus souple en présence de circonstances exceptionnelles

Le juge identifie les circonstances exceptionnelles in concreto (A). Une fois identifiées, la théorie jurisprudentielles des circonstances exceptionnelles peut être mobilisée afin de justifier des atténuations au principe de légalité (B).

A) L'identification in concreto des circonstances exceptionnelles

Il revient au juge au cas par cas d’apprécier si l’acte en cause a été pris dans des circonstances exceptionnelles.

Le juge avait mobilisé pour la première fois la théorie des circonstances exceptionnelles dans le cadre de guerres. Dans les arrêt fondateurs « Dame Dol et Laurent » du 28 février 1919 et « Heyriès » du 18 juin 2018 et le Conseil d’Etat avait tenu compte des « hostilités » et des « nécessités provenant de l'état de guerre » pour juger d’actes édictés dans le cadre de la Première Guerre Mondiale. La jurisprudence mobilise plus volontairement la théorie des circonstances exceptionnelles en temps de guerres, dans un soucis de laisser une plus grande marge de manœuvre à l’administration.

Bien qu’ils soient moins susceptibles de caractériser des circonstances exceptionnelles, de

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