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Le Conseil d’Etat et la primauté du droit de l’Union Européenne

Dissertation : Le Conseil d’Etat et la primauté du droit de l’Union Européenne. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  8 Décembre 2020  •  Dissertation  •  3 269 Mots (14 Pages)  •  727 Vues

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Dissertation : Le Conseil d’Etat et la primauté du droit de l’UE.

        Le Conseil d’Etat, en tant que « Gardien de la loi et protecteur des prérogatives de l'administration » selon le vice-président du Conseil d’Etat, Jean-Marc Sauvé, est resté longtemps attaché au principe de «souverainisme sumané». L’expression du juriste, Paul Cassia, dénote tout particulièrement l’attitude méfiante des juges du Palais Royal face au principe de primauté du droit de l’Union Européenne (UE). Autrement dit, le professeur dénonce le fait que les juges du Conseil d’Etat font primer le droit français uniquement  par soucis de souverainisme.                                 L’Union européenne poursuit depuis le traité de Rome en 1957, instaurant la Communauté économique européenne(CEE), un double objectif : le rapprochement des Etats membres et le progrès de ces sujets. L’objectif de rapprochement se caractérise  par le processus d’intégration européen des Etats-membres, mis en place depuis 1958. Puisque le projet initial de la Communauté européenne était de mettre fin à la division destructrice et meurtrière du continent européen, en approfondissant la solidarité entre leurs peuples, ainsi que l’appelait de ses vœux, dans sa déclaration du 9 mai 1950, Robert Schuman. Un objectif de rapprochement, mais aussi de progrès. Les préambules des traités se réfèrent donc, littéralement, à des idéaux de paix, de droits inviolables et inaliénables de la personne humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, d’État de droit et de progrès économique et social. Et ces valeurs qui sont ainsi précisément énumérées  constituent le socle constitutionnel sur lequel repose l’Union européenne. S’ajoute à cela  des normes juridiques que le juge national a pour mission de faire respecter. La Cour de Justice l’a expressément dit, dans l’arrêt Les verts du 23 avril 1986, l’Union européenne, “est une communauté de droit, en ce que ni ses États membres ni ses institutions n'échappent au contrôle de la conformité de leurs actes à la charte constitutionnelle de base qu'est le traité”. C’est donc d’abord le droit qui caractérise et au moyen duquel se construit l’Union européenne. En France pendant l’entre-deux guerres, la doctrine Matter, magistrat français (1865-1938), selon laquelle la loi française postérieure prime sur les traités internationaux, est le fondement de la relation entre la justice administrative française  et la primauté du droit étranger.                                                                                 En droit communautaire, le principe de primauté est le principe selon lequel une norme juridique de l'Union européenne prévaut sur le droit national de chaque Etat membre. Si une norme du droit national est en conflit avec une norme de l'Union européenne, la première doit être écartée par l'Etat membre pour que la seconde puisse intégrer le système juridique de l'Etat membre et prendre effet. Cette supériorité du droit européen sur les droits nationaux a été établie par une jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), l'arrêt Costa contre Enel du 15 juillet 1964. Par ailleurs, l’article 55 de la constitution place les traités, sous certaines réserves, au-dessus des lois nationales : « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie ».  Le Conseil d’Etat, à la différence du Conseil Constitutionnel qui a pour mission de contrôler la constitutionnalité des actes juridiques en droit interne,  exerce deux missions, d’une part  celle de conseiller du Gouvernement pour la préparation des projets de loi, décret… . Il  est aussi « le juge administratif suprême qui tranche les litiges relatifs aux actes des administrations » d’autre part. Le Conseil d'État a également pour mission de gérer l'ensemble de la juridiction administrative. Là où le Conseil Constitutionnel contrôle la constitutionalité des actes juridiques, les juges du Palais Royal contrôle la légalité des actes juridiques en France.                         Le Conseil d’Etat et la CJUE (ancienne CJCE) entretiennent depuis plus d’un demi-siècle une relation agitée, la hiérarchisation du droit européen dans l’ordre interne fut l’objet à la fois  de nombreuses décisions marquantes mais aussi de revirements jurisprudentiels.  C’est pourquoi il conviendra de se demander en quoi  le Conseil d’Etat et la Cour de justice de l’Union européenne, malgré une jurisprudence favorable au rapprochement, entretiennent une relation confuse  depuis plus d’un demi-siècle concernant le principe  de primauté du droit de l’Union européenne.

        La réticence affichée par le Conseil d’Etat (CE) avant et après l'arrêt Costa contre Enel face au principe de primauté du droit de l’UE (I) a laissé place, au moyen d’une évolution lente, à la consécration pleine et effective de l’Article 55 de la Constitution (II).

  1. Réticence du Conseil d’Etat face à un principe fondamental pour la survie du droit de l’Union Européenne.

Alors que les juges du Conseil d’Etat restent dans la conception de la doctrine Matter et leur « souverainisme sumané » (B), le principe de primauté du droit de l’UE essentiel  prend forme malgré le silence des traités (A).

  1. Le principe de primauté du droit de l’UE tantôt oubliés par les traités fondateurs tantôt capital pour la formation du droit de l’UE.

Le traité de Rome de 1957 ne contenait aucune disposition fixant la hiérarchie entre le droit communautaire et le droit des Etats membres. Les traités consacrent leur supériorité sur les actes de droit dérivé (art 263 TFUE) et sur les accords internationaux (art 218 TFUE), mais sans doute par prudence politique, les Etats ont évité d’introduire dans le Traité Instituant la Communauté européenne une  disposition consacrant la supériorité  des normes communautaires sur les normes de droit interne.  Le traité constitutionnel élaboré par la Convention sur l’avenir de l’Europe avait prévu de consacrer le principe de primauté dans le traité sans y avoir fixé des limites. Si le traité déclarait que les traités « priment le droit des Etats membres », il était noté que cette primauté ne valait que « dans l’exercice des compétences qui sont attribuées à l’UE ».                                 De plus, selon l’ancien juge Pierre Pescatore (1919-2010), le principe de primauté, bien qu’oubliés dans le traités fondateurs, est une condition sine qua non, autrement dit sans laquelle le droit communautaire n’existerait plus et serait alors mort-né. Sans eux ou sans leur pleine effectivité, c’est tout le système juridique communautaire qui s’effondrerait, et donc la Communauté dans son ensemble.                                                                                                  En outre, en raison de l’opposition de certains Etats comme le Royaume-Uni, le traité de Lisbonne ne consacre plus le principe de primauté. Toutefois, une déclaration annexée rappelle que « selon une jurisprudence constante de la CJUE, les traités et le droit adoptés par l’Union sur la base des traités priment sur le droit des Etats membres, dans les conditions définies par ladite jurisprudence ».  De surcroît, est annexée au traité un avis du service juridique du Conseil précisant qu’ « Il découle de la jurisprudence de la Cour de justice que la primauté du droit communautaire est un principe fondamental dudit droit. Selon la Cour, ce principe est inhérent à la nature particulière de la Communauté européenne. À l'époque du premier arrêt de cette jurisprudence constante (arrêt du 15 juillet 1964 rendu dans l'affaire 6/64, Costa contre ENEL), la primauté n'était pas mentionnée dans le traité. Tel est toujours le cas actuellement. Le fait que le principe de primauté ne soit pas inscrit dans le futur traité ne modifiera en rien l'existence de ce principe ni la jurisprudence en vigueur de la Cour de justice ».  Timidement rappelé par les traités, le principe de primauté reste avant tout une œuvre jurisprudentielle.         

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