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La théorie de la voie de fait

Dissertation : La théorie de la voie de fait. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  13 Novembre 2021  •  Dissertation  •  2 158 Mots (9 Pages)  •  745 Vues

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Le professeur de droit administratif René Chapus qualifiait la voie de fait comme : « la folle du logis qui présente là où on l’attend le moins, et perturbatrice au-delà de l’acceptable ».

La voie de fait est une théorie d’origine jurisprudentielle, du droit administratif, protectrice des droits des administrés en ce qu’elle entraîne pour l’Administration la perte de la majorité de ses privilèges, notamment la compétence du juge administratif. Elle a connu une profonde évolution de son régime juridique. Selon une approche traditionnelle prenant ne compte la décision : « Action française » du Tribunal des conflits du 8 avril 1935, il y a voie de fait lorsque l’administration accomplit un acte matériel représentant une irrégularité manifeste soit parce qu’elle exécute une décision ne se rattachant pas à un pouvoir qui lui appartient soit parce qu’elle exécute, selon une procédure grossièrement illégale, une décision même légale et à condition que ces agissements portent atteinte à la propriété mobilière ou immobilière ou à une liberté publique. La juridiction administrative apporte désormais aux administrés les mêmes garanties d’une bonne justice et pour cette raison le Tribunal des conflits dans sa décision : « Bergoend » du 17 juin 2013 a été amené à restreindre le champ de la voie de fait à la protection de la seule liberté individuelle ou au cas d’atteindre au droit de propriété entraînant son extinction. Ces deux hypothèses relèvent d’une garantie constitutionnelle consacrée dans l’article 66 de la Constitution du 4 octobre 1958. Peu importe que l’administration ait procédé à une exécution forcée dans des conditions irrégulières ou que la décision prise soit manifestement insusceptible d’être rattachée à un pouvoir appartenant à l’autorité administrative. La voie de fait entraîne la compétence des juges judiciaires à titre exclusif en matière d’action en responsabilité et concurremment avec les juges administratifs pour prononcer l’annulation de l’acte. Mais si ces exigences d’atteinte à la liberté et à la propriété ne sont pas satisfaites, la cessation ou la réparation de la voie de fait relève du référé administratif et non du référé civil.

L’évolution historique a donné naissance au dualisme juridictionnel tel qu’il est actuellement. Lors de la Révolution française, la séparation des autorités administratives et judiciaires est décidée, de ce fait, il existe depuis des juridictions administratives dont la vocation est de connaître les litiges d’ordre administratif. Ces juridictions administratives et le Tribunal des conflits ont affirmé l’autonomie du droit administratif par rapport au droit privé complétant ainsi le dualisme juridictionnel par un dualisme juridique. Deux textes fondamentaux consacrent cette séparation : la loi du 16 et 24 août 1790 ainsi que le décret du 16 fructidor an III. Pourtant en matière administrative, les juridictions judiciaires interviennent dans certains cas. Comment peut-on justifier que l’administration relève du juge judiciaire ? En réalité, les exceptions à la clause générale de compétence sont nombreuses. Les limites connues de l’action de l’administration apparaissent dans l’application du Code de procédure pénale mais également dans la jurisprudence de l’emprise irrégulière et de la voie de fait, exception qui fait l’objet de notre étude. Le procédé de la voie de fait remet en cause la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen qui pose en son article 16 le principe de séparation des pouvoirs. En ce sens, la question sera de savoir si la voie de fait peut- elle être constitutive d’un déséquilibre du système juridique français. Il s’agit donc d’étudier en détail les raisons et les conditions de la remise en cause de la séparation des pouvoirs (I) pour ensuite en dégager la portée réelle (II).

I. La voie de fait : une exception au principe de séparation des ordres de juridiction

Afin d’appréhender la notion de la voie de fait, il semble, tout d’abord, nécessaire de réaliser une étude sur les bases de celle-ci (A). Il semble, ensuite, judicieux de se pencher sur le contenu particulier de la voie de fait.

A. Les fondements juridiques de la voie de fait

A l’occasion du fonctionnement des services publics, l’action de l’administration peut engendrer des atteintes variées à la propriété privée ou à la liberté des individus. D’après le Conseil constitutionnel dans sa décision du 23 janvier 1987, en France, le pouvoir judiciaire est le gardien de ces droits fondamentaux, tout particulièrement de la liberté individuelle. Cette vocation particulière résulte d’une tradition longue et ancienne débutée par la Code d’Instruction criminelle et reprise dans le Code de procédure pénale en son article 136 : « Dans les cas visés aux deux alinéas précédents et dans tous les cas d'atteinte à la liberté individuelle, le conflit ne peut jamais être élevé par l'autorité administrative et les tribunaux de l'ordre judiciaire sont toujours exclusivement compétents. » et confirmée par l’article 66 de la Constitution du 4 octobre 1958 pour être finalement consacré dans une décision du 29 décembre 1983 du Conseil constitutionnel. Par conséquent, cette prérogative explique la possibilité offerte aux justiciables de recourir au juge judiciaire pour aller contre l’administration. Effectivement, dans le cas où l’administration se voit imputer des irrégularités particulièrement graves et qu’elle a porté atteinte à des droits individuels, l’administration commet une voie de fait et les actes ainsi accompli ayant perdu leur caractère d’acte administratif, la compétence contentieuse revient donc au juge judiciaire.

L’explication la plus courante de la voie de fait est justifiée par le raisonnement suivant, l’acte administratif entaché d’irrégularités exceptionnelles est qualifié de dénaturé et perd dès lors sa qualité d’acte administratif et ne peut plus être considéré comme rattaché à la compétence de l’administration ais bel bien rattaché à la compétence du juge judiciaire.

D’autre auteurs comme Maurice Hauriou complètent cette explication en considérant que la voie de fait entraîne également une volonté de sanctionner une attitude de l’administration considérée comme particulièrement répréhensible. Il rappelle ainsi que la compétence administrative peut être considéré comme un véritable privilège accordé à l’administration mais que celui-ci peut lui être retiré lorsqu’elle ignore le droit.

B. L’élément de la voie de fait

Pour

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