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La constitutionnalisation de l'Etat d'urgence

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Par   •  15 Avril 2016  •  Dissertation  •  4 664 Mots (19 Pages)  •  1 750 Vues

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Droit Constitutionnel                                                                                                              Charlotte MUGUET

La constitutionnalisation de l’Etat d’urgence

        Suite aux attentats terroristes qui ont causé, le 13 novembre 2015, 130 morts à Paris, l’état d’urgence est apparu au cœur des débats, en étant présenté par le Gouvernement comme la solution permettant de lutter efficacement contre cette menace à la sécurité de la France et des Français. Ainsi, dès le 20 novembre, une loi a été créée, modifiant celle prévoyant les mesures de l’état d’urgence depuis 1955. Mais aujourd’hui, il est question d’une révision constitutionnelle qui inscrirait l’état d’urgence dans l’article 36 de la Constitution, permettant au Gouvernement de mieux l’organiser et l’exécuter en se basant sur la norme suprême régissant l’Etat.

        En effet, la situation de crise, ici la menace terroriste, exige une réponse efficace et rapide du Gouvernement. Cependant, le cadre législatif de l’Etat ordinaire, stable et sûr est inadapté à cette situation, car il ne confère pas au Gouvernement des moyens suffisamment importants pour faire face à ces évènements. Alors, ce dernier doit agir vite pour éviter que la menace ne se propage, que les attaques se renouvellent, et pour cela il semble évident de recourir à une réforme. C’est dans cette logique que la déclaration de l’état d’urgence est nécessaire au maintien de la sécurité de l’Etat, car celui-ci désigne un régime exceptionnel mis en place par le Gouvernement pour faire face à une atteinte grave à l’ordre public. Il renforce alors les pouvoirs des autorités militaires ou civiles, et légitime des actes allant à l’encontre, en temps normal, de certaines libertés individuelles et publiques. Alors, puisque l’état d’urgence apparaît comme le moyen pour l’Etat de garantir la sécurité de sa population, le Gouvernement veut aller plus loin que la loi régissant l’état d’urgence depuis la guerre d’Algérie en 1955. Pour cela, l’idée est d’inscrire dans la Constitution cette procédure, afin de la légitimer, de la préciser, mais également de la prolonger si la menace s’avère difficile à combattre et toujours aussi pesante dans le temps. Cependant, ce projet de révision constitutionnelle n’est pas nouveau, car il avait déjà été proposé par le comité Vedel en 1993 et le comité Balladur en 2008. Le projet était similaire à celui formulé aujourd’hui, puisqu’il était question d’ajouter dans l’article 36 la mention d’état d’urgence à côté de celle d’état de siège. Alors, si ces deux propositions ont fait l’objet d’un refus, il semble qu’elles posent des problèmes assez importants à la République pour ne pas pouvoir être inscrite dans sa norme suprême.  D’ailleurs, encore aujourd’hui, des critiques sont émises à l’égard de ce projet qualifié par de nombreux professionnels du droit et de la politique comme inutile et dangereux. Ainsi, l’enjeu sera pour nous de déterminer si l’efficacité voulue par le Gouvernement de ce projet de loi constitutionnelle est réelle, et si elle n’entrave pas certains droits et libertés chers à la République française et à sa Constitution.

Au regard de la menace terroriste touchant la France, la constitutionnalisation de l’état d’urgence peut-elle permettre à l’Etat d’effectuer efficacement sa fonction de garant de la sécurité de la population, tout en n’entravant pas les droits et libertés de cette dernière, propre à la République ?

En premier lieu, il semblerait que cette procédure, comme le veut le Gouvernement, soit importante pour contrer la menace terroriste, car l’état d’urgence serait actualisé et prendrait une plus grande ampleur en étant inscrit dans la norme suprême de cet Etat garant de la sécurité (I). Toutefois, cette révision est, en second lieu, contestable, car elle se heurte à un dispositif législatif déjà existant et efficace qu’elle ne semble pas vraiment améliorer, ce qui pousse à s’interroger sur les objectifs du Gouvernement légitimant un projet pouvant porter atteinte à la République et sa population par sa fonction sécuritaire (II).

  1. La constitutionnalisation de l’état d’urgence comme procédure positive, voire nécessaire, face à la menace touchant l’Etat français

La constitutionnalisation de l’état d’urgence est un débat d’actualité puisque selon le Gouvernement, elle permettrait de faire face à la menace terroriste. En effet, l’état d’urgence doit s’adapter à cette menace assez récente mais importante (a). Cette adaptation serait alors permise par l’inscription dans la Constitution de cette procédure, norme suprême de l’Etat garant de la sécurité de sa population (b).

  1. Une menace nouvelle et grandissante modifiant les enjeux de l’état d’urgence

Il est nécessaire, pour comprendre en quoi l’état d’urgence est important pour faire face à une situation de crise, et donc en quoi sa constitutionnalisation serait intéressante et légitime, d’en cerner les enjeux et d’en comprendre les modalités d’application. Tout d’abord, il est nécessaire de préciser quelles sont les lois traitant, en France, de la gestion des situations de crise, et plus particulièrement de l’état d’urgence. Il faut savoir que si les pouvoirs exceptionnels conférés au président de la République sont inscrits dans la Constitution, l’état d’urgence précisément fait seulement l’objet d’une loi. En effet, l’article 16 de la Constitution confère au président de la République la possibilité de prendre des mesures exceptionnelles en cas d’atteinte à l’Etat, la République et la Nation, sous réserve d’en avertir le Premier Ministre, les présidents des assemblées, et le Conseil Constitutionnel. Ainsi, cet article pose tout de même la base de l’état d’urgence puisqu’il confère au Président des pouvoirs exceptionnels, dont, nous le comprenons, celui de déclarer l’état d’urgence. Cette procédure est précisée, depuis le 3 avril 1955, par la loi n° 55-385 qui précise que l’état d’urgence est proclamé par un décret pris en conseil des ministres, « soit en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public soit en cas d’évènements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique », et confère aux autorités civiles, sur le territoire concerné, des pouvoirs exceptionnels et renforce leurs pouvoirs habituels. Toutefois, cette procédure doit aujourd’hui faire face à une menace particulière qu’est le terrorisme. En effet, après les attentats terroristes du 13 novembre 2015 à Paris, une actualisation de l’état d’urgence, déclaré immédiatement par l’exécutif, a semblé nécessaire. Ainsi, une nouvelle loi a modifié, le 20 novembre 2015, celle de 1955, dans le but de renforcer les moyens de lutte contre le terrorisme en adaptant à la situation les mesures d’investigation et de surveillance à disposition, à savoir les assignations à résidence, les perquisitions, ou encore l’accès aux données informatiques. L’adaptation à la menace terroriste apparaît nécessaire, d’autant plus que d’autres pays adoptent la même logique, comme l’explique Elizabeth ZOLLER[1], docteur en droit. Aux Etats-Unis, le Congrès a autorisé le Président à utiliser tous les pouvoirs nécessaires pour faire face aux organisations et individus ayant contribué aux attentats terroristes du 11 septembre 2001. Ainsi, il est urgent de faire face à cette nouvelle menace, et ce sont les pouvoirs exceptionnels, et plus précisément l’état d’urgence, qui peuvent le permettre, en s’adaptant à cette situation. C’est ainsi que le Président de la République, François HOLLANDE, a précisé que « cette guerre d’un autre type face à un adversaire nouveau appelle un régime constitutionnel permettant de gérer l’état de crise ». C’est pourquoi il n’est plus aujourd’hui question que d’une loi portant sur l’état d’urgence, mais bien d’une constitutionnalisation de cette procédure, afin d’aller plus loin dans la Constitution au sujet des pouvoirs exceptionnels en cas de crise. L’intérêt des normes constitutionnelles est, comme le précisent René DAVIS et Camille JAUFFRET-SPINOSI[2], qu’elles se trouvent au sommet de la hiérarchie des normes et qu’elles ne peuvent être modifiées que selon des procédures strictes. Ce projet de loi constitutionnelle de « protection de la Nation » prévoit alors d’inscrire dans l’article 36 de la Constitution, jusqu’alors réservé à l’état de siège, un alinéa précisant les conditions de déclaration et d’exercice de l’état d’urgence. Ainsi, le Gouvernement place la lutte contre le terrorisme au cœur des problèmes et débats actuels, en prenant appui sur la norme suprême de l’Etat qu’est la Constitution pour y faire face. Mais alors, puisque la constitutionnalisation de l’état d’urgence est aujourd’hui au cœur des débats, après avoir expliqué comment et pourquoi ce processus est apparu évident, il serait nécessaire de préciser en quoi cet état d’urgence, et donc sa constitutionnalisation, sont importants pour faire face à la menace terroriste, et donc bénéfique pour l’Etat et ses citoyens, d’en exposer donc la légitimité.

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