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Commentaire de l'arrêt de la chambre commerciale de la Cour de Cassation du 24 septembre 2009

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Par   •  18 Novembre 2012  •  Commentaire d'arrêt  •  2 652 Mots (11 Pages)  •  2 351 Vues

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Commentaire de l’arrêt de la chambre commerciale de la Cour de Cassation du 24 septembre 2009, pourvoi n° 08-10.152

Par Rabih CHENDEB

Ainsi que l’adage populaire l’affirme : « mieux vaut un tiens que deux tu l’auras ». C’est probablement un tel raisonnement qui a primitivement donné naissance à un droit tel que celui de rétention, qui en soi rappelle la justice privée. Le droit de rétention se révèle être un mécanisme juridique fruste. Certains auteurs vont même jusqu’à souhaiter sa disparition en raison précisément de ce caractère de justice privée qui serait incompatible avec les sociétés civilisées contemporaines. Contraire à toute idée de Justice, contraire à l’essence même de cette dernière (intervention préalable du tiers –le juge - à la réalisation d’un droit qui est le paradigme majeur du principe de Justice depuis l’Antiquité), il offre néanmoins une incomparable sécurité juridique au créancier et favorise par voie de conséquence le crédit1.

Remarquons que ce n’est pas tant le régime de ce droit que sa nature qui a posé des difficultés à la doctrine2. En effet, cette institution particulière est longtemps restée inclassable pour les auteurs. On conçoit qu’il peut être difficile de déterminer la nature réelle d’un droit, de déterminer la catégorie juridique à laquelle il appartient eut égard aux critères distinctifs qui peuvent constituer une notion juridique. Cette difficulté prend tout son sens en matière de droit de rétention, et la question de sa nature reste d’ailleurs toujours, plus ou moins, en suspend.

Par un arrêt du 24 septembre 2009, la chambre commerciale de la Haute juridiction a eu l’occasion d’en préciser les contours. La Cour rappelle que le droit de rétention est un droit réel, opposable à tous, y compris aux tiers non tenus de la dette.

Les faits de l'espèce sont simples : La société Hecla (acquéreur) tourisme a acheté en 2004 à la société SEA trois camping-cars. L'acquéreur les a revendus à des particuliers (sous-acquéreurs), lesquels lui en ont réglé le prix, tandis que lui-même n’a rien payé à la société SEA qui a, dès lors, exercé un droit de rétention sur les documents administratifs des véhicules. Par la suite, la société Hecla tourisme avait, entretemps, fait l’objet d’une liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d’actif. De ce fait, la Société SEA ne pouvait donc plus espérer récupérer la moindre somme au « marc le franc » au titre du passif chirographaire. En vue d'obtenir ces documents, l'un des sous-acquéreurs des véhicules a attrait le vendeur devant les juridictions. L'un des deux autres sous-acquéreurs est intervenu à la procédure.

La Cour d’appel fait droit aux prétentions des sous-acquéreurs. Les juges du second degré prévoit que le vendeur aurait commis « un abus de droit en exerçant son droit de rétention comme un moyen de pression sur les sous-acquéreurs de bonne foi, de manière à leur faire prendre en charge les obligations de son cocontractant défaillant ».

La Cour régulatrice entre en voie de cassation de l’arrêt d’appel. Elle estime qu'en application de l'article 1612 du Code civil et des règle relatives au droit de rétention, ce dernier « est un droit réel, opposable à tous, y compris aux tiers non tenus de la dette ». Ainsi, le droit de rétention de la société SEA, qui pouvait « légitimement prétendre au paiement du prix des véhicules, était opposable aux sous-acquéreurs, la bonne foi de ceux-ci et l’insolvabilité de la société Hecla tourisme ne pouvant faire dégénérer en abus l’exercice de ce droit ».

Ainsi, les juges de cassation ont dû rechercher, pour arriver à une telle solution, le moyen d’unir le vendeur initial d’une part, et les sous-acquéreurs d’autre part, pour créer un lien juridique entre eux et un rapport d’obligation tout en s’inspirant de la nature du droit de rétention. En conséquence, elle consacre le caractère réel de la garantie (I). Cependant, le caractère quelque peu artificiel de cette solution semble contredire celle retenue par l’ordonnance du 23 mars 2006 réformant le droit des sûretés en ses dispositions portant sur cette sûreté (!) (II).

I.La consécration du caractère réel de la garantie

La nature du droit de rétention malgré sa codification à l’article 2286 du Code civil depuis l’ordonnance du 23 mars 2006 reste floue. En effet l’article 2286 n’énonce que trois cas3 où il existe un droit de rétention, trouvé à partir du lien de connexité entre la créance et la chose dont la rétention est destinée à favoriser le paiement ; sans en donner la nature juridique. Cependant cette absence de catégorisation du droit de rétention par l’ordonnance s’explique selon P. Simler par la difficulté à trancher sur sa nature : « les auteurs du texte n'ont pas eu pour ambition de trancher des débats académiques. Ils ont seulement voulu accorder les textes et la réalité, en consacrant par une disposition légale un droit de portée générale et dont nul ne peut contester l'importance pratique ».

Malgré cette difficile qualification la Cour de cassation prend parti et affirme comme s’il s’agissait d’une évidence que : « Le droit de rétention est un droit réel ». La Cour régulatrice s’engage par cet arrêt dans l’élaboration d’une définition et du régime du droit de rétention. La rédaction de l’attendu de principe brille par sa clarté. Il affirme l’opposabilité universelle grâce au caractère réel (B) de ce droit en lui conférant un régime hybride, entre sûreté et garantie (A).

A.Le droit de rétention : entre garantie et sûreté

Le droit de rétention permet au créancier d'opposer à son débiteur sa propre inertie. Plus précisément, le droit de rétention offre au créancier de retenir entre ses mains l’objet qu’il doit restituer à son débiteur tant que celui- ci ne l’a pas lui- même payé4. Pour la plupart des auteurs, ce droit repose sur le principe d’équité , ou sur le principe de bonne foi : « il serait injuste qu’un créancier soit tenu d’exécuter une obligation de délivrance au profit du débiteur qui n’a pas lui- même exécuté toutes ses obligations à son égard »5. C'est un excellent moyen de pression à l’égard du débiteur qui est d’une grande efficacité quelque soit sa qualification juridique.

Le droit de rétention constitue donc une garantie d'une très grande efficacité. Il dépasse même en

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