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Commentaire de l'arrêt Dame Cachet

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Par   •  28 Janvier 2021  •  Commentaire d'arrêt  •  2 985 Mots (12 Pages)  •  868 Vues

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                                             Droit administratif

"Garantir le respect du principe de légalité des décisions administratives est l'essence même de la fonction juridictionnelle et l'effectivité du contrôle du juge impose que celui-ci puisse annuler avec effet rétroactif un acte contraire au droit. Une telle annulation produit des effets brutaux et perturbateurs [...] se heurtant à la nécessité, plus pragmatique, d'assurer une stabilité minimale des situations juridiques." (François Séners).

L'arrêt rendu le 3 novembre par le Conseil d'Etat a ainsi eu pour vocation de concilier la légalité impérative des actes administratifs, garantie par le contrôle juridictionnel et la stabilité des situations juridiques des justiciables.

Toutefois la sortie de vigueur des actes administratifs nécessite de considérer une quadruple dichotomie afin que les règles du retrait, dont le régime a été fluctuant, puissent être appliquées : la nature règlementaire ou individuelle de l'acte, sa capacité à créer des droits à l'égard d'un bénéficiaire, son caractère légal ou illégal, ainsi que son caractère implicite et explicite.

L'annulation par abrogation d'un acte non créateur de droit ne pose pas de difficulté, soit-il individuel ou réglementaire, et peut être effectué à tout moment dans la mesure où il n'y a pas d'atteinte à la sécurité juridique de la personne concernée, il s'agit principalement des actes réglementaires dont l'énoncé est général et impersonnel.

En revanche, le retrait des actes créateurs de droit, demandent une attention particulière, car ce sont majoritairement des actes individuels, c'est-à-dire nominatifs à l'égard d'une ou plusieurs personnes et créant des obligations à leur bénéfice ou à leur encontre. Ainsi, l'exigence de sécurité juridique admet que passé un certain délai l'acte devienne intangible. Un acte individuel peut également être dépourvu du caractère décisoire, et se borner à constater une situation de fait (CE, 10 novembre 2002, Soulier).

Le Conseil d'Etat a admis que l'administration puisse les annuler lorsqu'ils sont illégaux (CE, 16 février 1912, Abbé blanc) afin de limiter les recours contentieux.

En l'espèce la requérante, une bailleresse, demande l'annulation devant le Conseil d'Etat d'une décision du ministre des finances refusant de faire droit à sa demande propre à l'augmentation de son indemnité, suite à une perte de loyer, allouée par le directeur de l'enregistrement et lui prescrivant également de reverser la dite somme.

La requérante a d'abord effectué un recours administratif devant le directeur de l'enregistrement, afin d'obtenir l'augmentation de son indemnité, puis un recours hiérarchique auprès du ministre des finances, se heurtant à des rejets successifs.

Elle a donc effectué un recours contentieux devant le Conseil d'Etat, qui, dans un arrêt du 3 novembre 1922 a fait droit à la demande d'annulation de la décision du premier ministre, sans prononcer l'augmentation de son indemnité.

L'administration est-elle compétente pour annuler d'office un acte individuel créateur de droits entaché d'illégalité en dehors du délais prescrit par la loi ?

La haute juridiction a motivé sa décision d'annulation en prenant en compte de l'intervention tardive de la décision du ministre des finances, postérieure au délai de recours contentieux de la requérante. L'expiration du délai a crée un droit définitivement acquis et qui, au regard du principe de sécurité juridique ne peut être remis en cause par l'administration.

Il s'agit d'une décision de principe, qui a participé à l'établissement du régime de retrait des actes individuels, créateurs de droit, et dont la solution, retenant deux critères (l'illégalité de l'acte, et la non expiration du délai de recours) a été généralisée par la suite, jusqu'au revirement de jurisprudence occasionné par l'arrêt Ternon du 26 octobre 2001. Son intérêt est pratique, car en tant que "premier et principal jalon", cette décision a tenté de lier les intérêts antinomiques que sont le besoin de sécurité juridique des particuliers, et la légalité des décisions administratives qui est nécessaire à la lisibilité de l'ordre juridique. Cette tentative a permis les avancées jurisprudentielles et législatives futures en matière de retrait.  

Comment le Conseil d'Etat concilie l'exigence de légalité des actes administratifs au principe général de sécurité juridique ?

Il convient d'étudier la tentative d'équilibre opérée par la décision commentée (I), puis les évolutions jurisprudentielles et législatives qui ont achevé cet objectif (II).

I – Une première tentative d'équilibre entre légalité et sécurité juridique

Si l'administration est compétente pour supprimer d'office un acte individuel créateur de droit entaché d'illégalité (A), cette compétence est toutefois strictement encadrée par des conditions propres à protéger les droits définitivements acquis et en même temps garantir la régulatité des actes émanant de son activité (B).

A) Le constat du sacrifice initial de la sécurité juridique au profit de l'impératif de légalité

"le ministre [...] a cru pouvoir par ce motif, non seulement rejeter la demande d'augmentation d'indemnité dont il était saisi, mais encore supprimer d'office l'indemnité de 121 fr.50 allouée par le directeur;".

Cette citation appelle à 2 constats : d'une part, la compétence de l'administrative relative au retrait des actes individuels créateurs de droit entachés d'illégalité, mais au delà de ça, elle est révélatrice de la place importante faite par l'état du droit, antérieur à cette décision, à l'impératif de légalité des actes administratifs.

Ce deuxième constat peut se déduire du fait que l'autorité administrative compétente, ici, le ministre des finances dans le cadre de l'organisation de son service, ait fait usage de son pouvoir réglementaire d'annulation plus d'un an après la décision du directeur de l'enregistrement.  

Cette intervention excessivement tardive par rapport au délai de recours contentieux imposé à la demanderesse ("dans la quinzaine de la notification de cette décision") traduit un délai indéfini pour l'administration quant au retrait des actes individuels créateurs de droit entachés d'illégalité. Or une telle compétence, exercée en dehors de tout cadre légal de nature à la limiter dans le temps peut être source d'insécurité juridique, on le voit au fait que la décision de retrait n'ait pas tenu compte du droit définitivement acquis dont pouvait se prévaloir la demanderesse.

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