LaDissertation.com - Dissertations, fiches de lectures, exemples du BAC
Recherche

Compte-rendu de l'épisode Philosophie - Arte consacré au Corps

Commentaire d'oeuvre : Compte-rendu de l'épisode Philosophie - Arte consacré au Corps. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  1 Janvier 2018  •  Commentaire d'oeuvre  •  2 083 Mots (9 Pages)  •  941 Vues

Page 1 sur 9

[Compte-rendu de l'épisode Philosophie - Arte consacré au Corps]

Au début de cet épisode de philosophie sur "Le Corps", Raphaël Enthoven rappelle que le corps (sens) trompe, induit en erreur. C'est pour cela que toute une tradition philosophique a insisté sur la nécessité de se désolidariser du corps, de se défaire des illusions de nos sens pour accéder à un jugement véritable. Dans cette optique, le corps est considéré comme une enveloppe qui emprisonne l'esprit et l'empêche d'accéder à une connaissance authentique. D'un autre côté,certains philosophes considèrent que "ce n'est pas tellement le corps qui contamine l'esprit, mais c'est plutôt l'esprit qui se plante en lui tournant le dos". L'erreur ne viendrait pas de la perception elle-même, mais plutôt du jugement que l'on confond avec la perception, ce qui est le propre du délire.
Le débat avec Marion Richez (agrégée de philo):
- Est-ce qu'on peut dire que le corps nous trompe ?
--> Lecture d'un passage des
Méditations philosophiques de Descartes où il affirme que c'est grâce aux sens qu'il a appris tout ce qu'il sait, mais, ayant éprouvé que les sens peuvent quelques fois être trompeurs, il est prudent de ne pas totalement se fier à ce qui s'est révélé une fois trompeur. Ainsi, le pacte de confiance étant rompu, Descartes évacue complètement les sens : (c'est le principe du doute cartésien). Déduction de Raphaël Enthoven : "il suffit que le corps nous trompe une fois pour révoquer en doute tout ce qui nous vient du corps".
Cette capacité du corps et des sens à nous tromper peut donner lieu à des méprises bénignes (quiproquo) comme elle peut donner lieu à une vision du monde complètement fausse. Raphaël Enthoven évoque, à titre d'exemple, le modèle ptoléméen du monde, le monde tel qu'il était perçu et compris par Ptolémée. Un monde (et donc aussi un corps) qui occupe le centre de l'univers (le géocentrisme et l'anthropocentrisme) avec l'homme lui-même, prenant ses désirs pour des réalités, qui occupe le centre de ce monde. L'illusion dans le domaine de la connaissance, affirme Marion Richez, est liée à la sensation naturelle qui fait de chaque homme le centre de son propre monde, sensation qui émane du fait qu'il est aussi au centre de son corps, et c'est à partir de ce centre effectif de la vision et de la perception, qu'il perçoit tout. "On regarde le monde et on l'explore avec son corps".
--> Lecture d'un passage de
L'Oeil et l'esprit de Maurice Merleau-Ponty : "Quand je vois à travers l'épaisseur de l'eau le carrelage au fond de la piscine, je ne le vois pas, malgré l'eau, les reflets, je le vois justement à travers eux, par eux." Analyse de Marion Richez : la philosophie de Merleau-Ponty est "une philosophie de l'amour. Il s'insurge contre l'idée que le corps est un obstacle, contre l'idée que pour accéder à l'être, pour accéder à la vérité, il faut évacuer le corps." L'image du carrelage est intéressante. On voit ce carrelage non pas directement, mais par le biais de l'eau, ce qui constitue une réhabilitation de l'entre-deux, du médium, du regard, du corps, sans pour autant renoncer à une certaine forme de vérité. Merleau-Ponty, selon Marion Richez, ne cherche pas à dire si le monde est vrai ou faux, il cherche à exprimer une expérience subjective du monde, à l'éprouver avec son corps.
[pic 1]Question de Raphaël Enthoven : est-ce qu'on peut considérer cette figure de l'anorexique comme une attitude de rejet du corps ? Évoquant cette haine du corps, Marion Richez remarque la coupure au niveau de la photo entre les yeux immenses d'Isabelle et le reste de son corps ramassé sur lui-même comme si le sujet avait la volontaire de le réduire; le corps est perçu comme un obstacle, une pesanteur qu'on aurait aimé enlever. Raphaël Enthoven fait remarquer que la photo montre une attitude de refus et de déni du corps et, paradoxalement, ce déni s'accompagne d'une pose lascive du même corps qui est exhibé. C'est ce qui fait toute l'ambiguïté de cette photo où se mêlent plusieurs codes, un double langage, remarque Marion Richez. La photo avec son fond gris introduit une dimension pathologique et maladive du corps et, en même temps, le sujet photographié semble prendre à son compte ce corps. L'ambiguïté de l'image fait que l'on se demande : l'anorexie est-elle belle ? Ou l'anorexie inspire-t-elle le dégoût ? Selon Marion Richez, au-delà de la stratégie marketing à l'oeuvre dans la photo, il faut se demander comment Isabelle Carot perçoit son propre corps. Est-ce qu'elle a surmonté les effets de son anorexie sur son image de soi ? Est-ce qu'elle a surmonté la haine du corps propre aux anorexiques et cette fausse idée q'ils ont de leur corps (l'illusion de la grosseur du corps qui les amène à avoir un rapport conflictuel avec la nourriture) ?
[pic 2]
--> analyse d'une deuxième photo qui montre un indigène d'Afrique du Sud dans les années 30 dont le corps est couvert de scarifications, de cicatrices et de chéloïdes. Face à cette image, Raphaël Enthoven se demande si l'on est toujours, comme dans la photo précédente, devant une manifestation de la haine du corps. Du point de vue du regard occidental, à la chair douillette, le traitement réservé à ce corps apparaît comme un acte de barbarie, mais, ajoute Marion Richez, cette pratique n'est en aucune façon l'expression d'une haine du corps. Contrairement à la photo d'Isabelle Carot où l'on voit un drame personnel et un malaise individuel d'une personne isolée dans une communauté à qui on impose une norme (les normes de la beauté occidentale), la photo du corps scarifié renvoie à un rite collectif qui a une signification très positive dans la communauté d'appartenance. En l'occurrence, l'homme qui est capable d'endurer cette maltraitance du corps est considéré comme un guerrier, un homme noble. Les scarifications sont à lire comme des signes positifs, comme "une écriture sur une page", une attestation de bravoure et de virilité. Si les scarifications des hommes ont une dimension guerrière, celles des femmes sur les seins et sur les fesses ont des connotations plus érotiques. Il s'agit, remarque Raphaël Enthoven, d'une introduction de la culture dans le corps, et cela est le contraire même de la barbarie. L'homme occidental, surenchérit Marion Richez, ne comprend pas ce code de langage et, à cause de cette incompréhension induite par les normes de sa propre culture, il avait tendance à représenter les corps scarifiés comme une barbarie ou comme un phénomène de foire. Pour accéder à l'altérité, il faut avoir la capacité de penser autrement et donc, d'admettre que le corps n'a peut-être pas les mêmes significations et n'est pas soumis aux mêmes codes partout. Chaque culture a ses propres représentations du corps. Il y a d'autres façons, autres qu'occidentales, de magnifier le corps, de le former. "Le corps, affirme Marion Richez, n'a jamais été quelque chose de brut", tous les peuples ont travaillé sur leur corps (scarifications, tatouages, piercing, etc.)
[pic 3]
--> analyse d'une troisième photo (couverture de revue représentant Arnold Schwarzenegger).
Question de Raphaël Enthoven : Quelle différence y-a-t-il entre le "sauvage" sacrifié et ce sauvage-là Arnold Schwarzenegger des années 1972 dont le corps tellement travaillé et dont les veines sont tellement saillantes qu'elles rappellent des scarifications ? Est-ce qu'il ne s'agit pas exactement d'une même affaire ?
Réponse de Marion Richez : c'est exactement l'opposé. Face à l'humilité de l'indigène africain saisi dans une posture d'humilité, Schwarzenegger est photographié de profil dans une "posture d'affirmation narcissique de soi, dans une espèce d'inflation narcissique qui fait que plus j'acquiers de la matière, plus je sculpte certaines parties de mon corps, plus je suis, plus j'existe", mais cette quête d'être se fait par une espèce de recherche du vide. Cela amène Marion Richez à évoquer la différence des canons de beauté en Occident et en Chine (par exemple). En Occident, les statues d'Appolon montrent que l'on s'intéresse à la plastique, à la construction et aux muscles, à l'extériorité dont atteste l'image de Schwarzenegger, "l'Appolon un peu enflé du XXe siècle". En Chine, au contraire, on ne s'intéresse pas à cette dimension extérieure, on s'intéresse plutôt au souffle, au flux, à l'intériorité.
Par opposition à la photo du culturiste où l'on décèle l'effet d'un mouvement mécanique, répétitif et violent sur la sculpture des muscles, une photo extraite d'un spectacle de Maria Donata D'Urso montrant une danseuse / nageuse, montre une autre possibilité du corps qui n'est plus le corps rigide et enflé de Schwarzenegger, mais le corps extrêmement souple et érotique d'un corps en mouvement.
Raphaël Enthoven fait remarquer à son interlocutrice que ce qu'elle reproche au culturisme est aussi le propre de la danse : les deux font font du corps une fin en soi. Cela permet d'introduire la question de la danse, du corps dont le mouvement n'a pas de finalité utilitaire, mais dont la seule finalité est lui-même (Montaigne : "quand je danse, je danse"). À cette remarque, Marion Richez fait remarquer que dans la danse, contrairement au culturisme qui s'intéresse essentiellement à l'aspect extérieur, il y a une volonté de reconquérir son corps de l'intérieur, de vivre une espèce de plénitude qui rejaillit à l'extérieur. Comme chez les stoïciens, le geste de l'archer est beaucoup plus important que la cible qu'il vise. Dans la marche, on veut arriver à un but, alors que dans la danse, on tourne sur soi-même : le mouvement est fait pour le mouvement lui-même; il est une fin en soi. Cela rappelle à Raphaël Enthoven la distinction établie par Nietzsche entre le voyage et l'errance: le voyage est un mouvement dans l'espace qui veut atteindre un but, alors que l'errance part de nulle part pour n’aller nulle part. Il y a quand même, rétorque Marion Richez, une différence entre l'errance et la danse: l'errant n'habite pas son corps, il ne sait pas ce qu'il veut, alors que dans la danse, il s'agit d'"une errance retravaillée pour saisir une perfection du mouvement". Ainsi, la danse, en tant qu'expression artistique, magnifie un corps qui serait à lui-même sa propre fin, son propre message.
Ainsi, dans ce débat, on a passé du problème de la perception du corps ou par le corps, au problème de l'expression : exprimer le corps ou par le corps.Ce passage est aussi une transition de la question de la vérité à la question du comment conquérir son corps. On rentre dans l'intériorité de la chair vécue. On a passé de la question de la vérité à la question de l'émotion. La question principale dit alors Marion Richez est la suivante : "comment arriver à vivre alors que nous ne sommes pas seulement un corps ?"
Nietzsche disait : "je croirais à un Dieu qui saurait danser". Après toute une tradition philosophique (platonicisime, etc.) qui voit dans le corps un obstacle qui nous induit en erreur et qui empêche l'accès à la vérité, Nietzsche réhabilité le corps en repérant le déni et une volonté de le calomnier, précisément dans ce qu'il peut avoir de matériel, de sale, d'organique et d'existant. Marion Richez rappelle que pour Nietzsche qui disait : "je ne pense qu'en marchant", le corps est le lieu même de la pensée et il critiquait ceux qui ne pouvaient écrire qu'étant assis (Flaubert entre autres). Cette alliance entre la marche et la pensée dévoile une volonté de tracer un chemin entre le corps et l'esprit.
[pic 4]
--> analyse d'une photo (Yves Klein dans son atelier)
Marion Richez : Dans cette photo, Yves Klein fait le pari de faire une oeuvre d'art par la présence, par la pure présence( présence du corps nu de modèle qui est aussi son support ou son outil). L'artiste fait prendre à la femme nue une pose, mais il ne s'agit pas d'une pose rigide. On est devant un corps qui se contente d'être, et c'est peut-être la chose la plus difficile pour nous les hommes. Contrairement à al pure présence des animaux qui dégage un rayonnement extraordinaire parce qu'ils habitent leur corps, alors que les hommes, qui sont affublés d'un esprit,vivent une relation problématique avec leur corps, d'où la nécessité où ils se trouvent de faire toujours plus d'effort pour reconquérir leur corps. Rousseau ne parle-t-il pas du pur bonheur d'exister, comme Camus aussi dans Noces : reconquérir cette unité avec le monde, c'est le défi de l'incarnation.

...

Télécharger au format  txt (12.7 Kb)   pdf (239.5 Kb)   docx (191.9 Kb)  
Voir 8 pages de plus »
Uniquement disponible sur LaDissertation.com