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La vérité Dans La Philosophie De Nietzsche

Commentaire d'oeuvre : La vérité Dans La Philosophie De Nietzsche. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  12 Avril 2015  •  Commentaire d'oeuvre  •  3 589 Mots (15 Pages)  •  2 778 Vues

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Tous les philosophes – il faut cependant entendre par là la grande majorité – en construisant leurs raisonnements, en élaborant leurs doctrines, leurs systèmes, ont remis en cause les philosophes qui les avaient précédés et ont réfutés leurs doctrines. Chacun d'entre eux prétendait avoir vu plus loin, avoir vu mieux. Le questionnement philosophique, avec l'avancée des siècles, s'est fait de plus en plus critique à l'égard de la tradition qui la talonnait, et l'on a pu souvent estimer qu'il en était arrivé à sa forme définitive ; Kant, avec son criticisme, qui a été jusqu'à élaborer une architecture de la raison, et qu'il a délimité dans ses ambitions aurait pu avoir mis fin à l'évolution de la tâche philosophique, désormais strictement bornée et ayant une règle à suivre. Hegel, lui, a nié le fait qu'une science puisse couvrir totalement le champ du réel, que l'erreur des autres philosophes avait été de prendre pour l'absolu une certaine étape de la connaissance. Mais l'idéalisme allemand était loin de mettre fin à la plasticité du questionnement philosophique et Nietzsche l'interrogea de manière encore plus radicale. La philosophie s'est jusque lui, pense Nietzsche, construite sur des préjugés, elle a été enfermée dans des systèmes de valeurs (notamment religieux) sans s'en rendre compte, et n'a jamais été jusqu'à interroger ces valeurs qui elles-mêmes ne sont pas données, mais bel et bien façonnées. Une de ces valeurs, qui s'est imposée comme au principe de toute philosophie est celle de la vérité, jamais remise en cause, étant pour tous une essence objective des choses, qu'il suffirait de connaître pour connaître le monde; le primat de la vérité ne reposerait que sur des présupposés, qu'il faudrait questionner mais également abolir pour faire face à la problématique des valeurs, bien plus fondamentale. « Que la vérité vaille plus que l'apparence, dit-il dans le fragment 34 de Par-delà bien et mal, ce n'est rien de plus qu'un préjugé moral ; c'est même la supposition la plus mal prouvée du monde ».Les philosophes dogmatiques sont donc pour Nietzsche tous ceux qui l'ont précédé car n'ayant jamais interrogé les valeurs, n'ayant jamais été capable de dépasser la conception traditionnelle de la vérité et de voir de quoi est construit le réel : d'apparences. Et parce que la vérité est « la supposition la plus mal prouvée du monde », l'aspiration de Nietzsche est de la récuser et de fonder une nouvelle philosophie sur les ruines de cette valeur.

On va donc se demander quelle est la place de la vérité dans la tâche philosophique nietzschéenne, comment Nietzsche redéfinit la philosophie et le questionnement qu'elle opère.

Nous aborderons tout d'abord la critique virulente et imagée de la notion de vérité que fait Nietzsche, notion qu'il ne considère non pas comme une essence des choses mais comme simple valeur à la base de tout ce qui a été produit jusque là par les philosophes dits dogmatiques, puis nous verrons en quoi la philosophie nécessite une nouvelle méthodologie qui demande de s'affranchir des anciennes valeurs, notamment celle de la vérité, et qui exige au philosophe de posséder certaines qualités telles que la probité, le courage et surtout l'indépendance. Nous conclurons sur les implications de cette critique, comment le statut du philosophe et celui de la philosophie en sont changés.

Nous nous appuierons au cours de cette dissertation essentiellement sur les deux premières sections de Par-delà bien et mal.

Pour Aristote, c'est à bon droit, dit-il dans La Métaphysique, « que la philosophie est appelée la science de la vérité », la fin de la philosophie étant la vérité et une science ayant toujours été définie par la fin qu'elle poursuit. C'est la vérité comme concept objectif qui est désigné ici, c'est-à-dire comme une essence que détiendraient les choses et dont la découverte offrirait aux philosophes un savoir absolu sur ces choses, un savoir à l'abri de tout changement, une vérité éternelle. C'est cette conception de la vérité que Nietzsche s'évertue à critiquer dans son œuvre philosophique, cette volonté d'absolu, qui ne reposerait selon lui que sur des préjugés. C'est dès le début de son ouvrage Par-delà bien et mal que Nietzsche s'en prend donc à la vérité, mais comme nous l'avons dit dans l'introduction il ne s'y prend jamais de la manière qu'aurait emprunté les philosophes dogmatiques - il récuse leurs doctrines mais bien aussi, et surtout, leur méthodologie comme nous le verrons après. Dans sa préface, donc, Nietzsche commence par décrire ce processus de recherche de vérité qu'ont entrepris les philosophes en l'imageant ; si l'on admet que la vérité est femme, la tâche des philosophes dogmatiques (c'est-à-dire tous les philosophes comme dit précédemment) à mettre à jour la vérité se compare à un jeu de séduction entrepris par un homme inexpérimenté, malhabile, pour une jeune personne séduisante, bien trop séduisante (pour Nietzsche, comme il le dit ensuite dans le fragment 33, on doit se méfier de tout ce qui est trop séduisant par peur de se faire piéger, il faut risquer à interroger même ce qu'il y a de plus attirant), mais surtout bien trop changeante. Il est ici question d'une séduction à laquelle se mêle tromperie et versatilité, le philosophe échoue dans sa recherche de la vérité car elle est bien trop changeante, insaisissable comme une femme inconstante le serait.

La première section de Par-delà bien et mal s'intitule Des préjugés des philosophes et c'est dans celle-ci que Nietzsche fait comme énumérer les présupposés sur lesquels se construisent les doctrines philosophiques, et pour en revenir à la vérité qui est ici notre sujet, il en fait directement la critique, comme pour poursuivre ce qui a déjà été ébauché dans la préface, dans les deux premiers fragments : la vérité a en effet opposé aux philosophes qui n'ont cessé d'essayer de la découvrir, de la « séduire », de nombreuses questions, de nombreux problèmes et bien que cela soit ainsi depuis le commencement de l'entreprise philosophique, cela semble avoir « à peine débuté ». Face à cet échec répété, l'homme doit sans qu'on s'en étonne, dit Nietzsche, tourner le dos à la vérité et regarder ailleurs, et pourquoi pas inspecter cette volonté de vérité, la valeur même de la vérité, car après tout, qu'est-ce qui fait qu'elle serait plus

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