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La Force Et La Virtu - Machiavel

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Par   •  5 Décembre 2013  •  3 084 Mots (13 Pages)  •  1 021 Vues

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Cours n°3

La force et la virtù

Echapper aux situations périlleuses, premier devoir du prince, peut s’opérer par la « virtù », mot toscan que l’on peut traduire par « mérite », « vaillance » ou encore « valeur » (de racine latine virtu, la force virile). Le chapitre VI du Prince traite des conquêtes que l’on fait par sa propre « virtù », c’est-à-dire des cas où la monarchie nouvelle est fondée par un prince nouvellement arrivé au pouvoir. Machiavel y écrit : « la nature des peuples est changeante ; et il est facile de les persuader d’une chose, mais difficile de les maintenir en cette persuasion. Aussi faut-il être organisé de façon telle que, lorsqu’ils ne croient plus, on puisse les faire croire de force. Moïse, Cyrus, Thésée et Romulus n’auraient pas pu leur faire observer longuement leurs institutions, s’ils avaient été désarmés. De même arriva-t-il à notre époque au frère Jérôme Savonarole, qui s’effondra dans ses nouvelles institutions dès que la foule commença à ne plus croire en lui ; et il n’avait pour sa part aucun moyen de tenir assurés ceux qui avaient cru en lui, ni de faire croire les incrédules. »

Moïse et les autres grands exemples présentés par Machiavel sont ces « prophètes armés » qui possèdent la vaillance – à la différence d’Agathocle (voir ce cours), qui, lui, n’a que de la scélératesse. De plus, par cette vaillance, ils savent conquérir la première place – à la différence de ceux qui y parviennent par les armes d’autrui ou par la fortune, comme Cesare Borgia, et qui doivent recourir à la ruse pour s’émanciper et exercer leur propre autorité. (Sur Jérôme Savonarole, voir ce cours.)

Encore une fois, persuader, convaincre, ruser, tromper ne suffit pas. Les gens changent aisément de conviction ou de suffrage, pour une raison simple : « les hommes changent volontiers de maître en croyant trouver mieux. » Aussi faut-il savoir forcer autrui.

I. L’usage de la violence dans le Prince

Dès le chapitre III, Machiavel est d’une lumineuse clarté sur le recours à la force : « l’on doit soit cajoler les hommes, soit les anéantir ; en effet ils se vengent des offenses légères, mais avec les graves, ils ne le peuvent pas » (trad. Fournel et Zancarini). Machiavel conclut : « aussi ne faut-il jamais maltraiter personne, à moins qu’on ne lui ôte entièrement le pouvoir de se venger. » Machiavel n’accepte pas de demi-mesure en ces matières. Quand on use de la violence, il faut y aller sans détour. Cette démesure s’exprime sous de multiples formes dans le Prince. C’est ainsi que Machiavel indique que, lorsqu’on conquiert un Etat, il faut s’assurer « que la lignée de leur ancien prince soit éteinte », sous peine de voir quelques temps plus tard resurgir un héritier légitime qui souffle la place (III et IV). Il ajoute, sur le même ton, que « la guerre n’est [jamais] évitée, mais différée au profit d’autrui ». qu’on n’évite jamais la guerre, mais qu’on la diffère à l’avantage de l’adversaire (III). Il note encore que « celui qui devient maître d’une ville habituée à vivre libre et ne la détruit pas s’attende à être défait par elle ; car elle a toujours pour soutien, dans sa révolte, le nom de la liberté et ses anciennes institutions, qui ne s’oublient ni du fait du temps ni des bienfaits reçus […] de sorte que la voie la plus sûre est de les détruire. »

On pourrait redouter que la guerre ne fût un grand embarras pour le prince, qui y risque sa vie et y perd ses finances. Opinion de bon sens, en apparence. Machiavel, pour sa part, instruit une thèse toute contraire. Paradoxalement, à ses yeux, la paix constitue un état plus dangereux que la guerre : « un […] prince ne peut se fonder sur ce qu’il voit en temps de paix, lorsque les citoyens ont besoin de l’Etat, car chacun s’empresse alors, chacun promet, et tous veulent mourir pour lui, lorsque la mort est lointaine ; mais, dans les temps contraires, quand l’Etat a besoin des citoyens, alors on en trouve peu » (IX). En écho, au chapitre XVII, il écrira encore : « Tant que vous leur [aux sujets] faites du bien, ils sont tout à vous, vous offrent leur richesse, leurs biens, leur vie et leurs enfants […] quand le besoin est éloigné. Mais, quand celui-ci s’approche de vous, il se détourne. Le prince qui s’est entièrement fondé sur leurs paroles, se trouvant dépourvu de tout préparatif, s’effondre. » La paix est le temps des conjurations, signale encore l’auteur (XIX) ; c’est aussi celui des flatteurs (XXIII) ; c’est encore celui d’une insouciance irréfléchie, qui confine à l’irresponsabilité : certains princes, « n’ayant jamais pensé en des périodes de calme qu’elles pouvaient changer (ce qui est un défaut commun des hommes, de ne pas tenir compte, dans la bonace, de la tempête), quand vinrent ensuite des temps contraires, ils pensèrent à fuir et non à se défendre » (XXIV).

En somme, la paix constitue une illusion politique, aux effets funestes, parce que le prince se croit plus fort et mieux entouré qu’il ne l’est en fait. Machiavel ne croit pas aux rêveries de paix universelle. Au nom d’un réalisme qui envisage la guerre comme un moment normal et inévitable de la politique, l’auteur prévient encore, à demi-mot : si vous n’êtes pas prêt à faire le mal, n’entrez pas en politique ; et si vous y êtes prêt, alors vous devrez mentir au peuple, et le cas échéant recourir à la violence contre lui.

On peut dire qu’il s’agit d’un changement de repère complet. Les Anciens (surtout Platon et Aristote) étudient le phénomène politique dans le cadre quasi exclusif de la paix. Le problème qu’ils s’efforcent de résoudre se formule ainsi : comment gouverner des citoyens libres lorsque aucun danger ne les menace ? Pour eux, la guerre ne peut se présenter qu’en dernier recours et Thucydide s’indigne de voir une grande puissance comme Athènes susciter des événements qui contribuent à exciter la haine, préparant cette « guerre mondiale » que fut la guerre du Péloponnèse. Pour Machiavel, c’est exactement le contraire. La paix se présente comme un équilibre précaire, toujours porteur d’une guerre larvée, latente, toujours prête à éclater.

Raison pour laquelle il réserve les chapitres centraux du Prince à la question des armées (chapitres XII à XIV). L’éducation du prince se limite à la discipline militaire et à la connaissance de la géographie physique : « Un prince ne doit donc avoir d’autre objet ni d’autre pensée ni choisir d’autre chose

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