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Auguste Compte

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Par   •  6 Avril 2014  •  5 207 Mots (21 Pages)  •  996 Vues

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†Oscar A. Haac

AUGUSTE COMTE ET L'ORIENT*

Auguste Comte appartient, lui aussi, au grand mouvement de la «renaissance orientale» , car à partir de 1842, aux leçons 56 et 57 du Cours, il cherche à élargir sa conception de la culture européenne en la nommant « occidentale » : ce qui l'induit à son pendant, l'Orient ; et en effet, il annonce que le positivisme «ralliera dignement l'Orient à l'Occident pour le développement des attributs humains» (S 4: 13). Il parle d'un Comité positif qui guidera le monde vers un accord global (S 1: 392). Il admet qu'il faudra deux siècles avant que la grande harmonie positive ne remplace «l'interrègne spirituel au centre du Grand-Être» (= de l'Humanité), mais «l'anarchie actuelle» ne saurait durer ! Il a toute confiance dans le fait que la philosophie « finale » résoudra tous les problèmes, pour les pays d'élite (en Europe) et les « populations retardées » (S 1: 392) :

«[Le positivisme] comportera bientôt une efficacité croissante, soit pour la préparation directe des populations retardées, soit surtout en confirmant la famille d'élite dans sa nouvelle foi, ainsi appelée à manifester son universalité caractéristique. »

La France et l'Angleterre et trois autres pays d'Europe forment l'élite; la Chine est une de ces «populations retardées», mais elle passera à l'état positif sans attendre, n'ayant jamais accepté la suzeraineté des prêtres, et évité le « théologisme » polythéiste ou mono-théiste. L'humanisme de Confucius l'a mise en bonne voie.

Les termes de Comte demandent des explications. Citons un exemple concernant la Chine : au moment où, dans le Système et dans la Synthèse subjective, il développe la religion positive, Comte parle du Grand-Être (= l'Humanité), du Grand-Fétiche (= la Terre) et du Grand-Milieu (= le Ciel) . Vers la même époque, Jean Reynaud écrit Terre et Ciel, d'un point de vue scientifique quasi religieux . Est-ce une coïncidence qu'en Chine les conceptions de la Terre et du Ciel soient à la base de la religion et que l'humanisme, qui date de Confucius, soit une des quatre vertus cardinales (Ren) ? Le culte comtien de l'humanité rejoint la doctrine de Confucius; l'un et l'autre, ils exaltent l'homme sans parler de transcendance ni de Dieu.

Leur conformité étonne. Les parallèles sont trop nombreux pour qu'il s'agisse d'une coïncidence. C'est ce qui nous a engagé à entreprendre cette mise au point. Nous trouvons chez Comte une forte sympathie pour l'Orient et pour la Chine en particulier.

Confucius et Comte postulent que l'individu en société n'a aucun droit, uniquement des devoirs. Le pouvoir de l'Etat est absolu, mais en même temps altruiste et paternel, de sorte que le peuple ne sera pas exploité. Comme l'affirme le Catéchisme positiviste : «Le positivisme ne reconnaît à personne d'autre droit que celui de toujours faire son devoir» .

Confucius, conscient du pouvoir du roi et des princes, part de la «piété filiale» et du «rite», clefs de sa philosophie. Le fils respecte la volonté du père pendant trois ans après sa mort; le citoyen est obligé de la même manière envers son prince. La liberté n'existe que dans le cadre du respect des aînés et des supérieurs : on s'adapte à son rang et à la tradition.

Comte propose la «dictature républicaine» qui garantit «Ordre et progrès » . Tandis que Confucius tire ses conclusions de la réalité chinoise. Comte les dérive de sa vision de la société positive, mais, l'un et l'autre, ils honorent l'humanité et la tradition dans laquelle l'homme n'a aucun droit, seulement quantité de devoirs. Auguste Comte prévoit qu'à l'état positif, l'Occident, l'Europe unifiée, va se réconcilier avec l'Orient asiatique et qu'alors la paix sera perpétuelle ! (C 2:516,486,491)

Ces conceptions sortent directement de son système; Comte «systématise» l'histoire et la géographie; c'est dire qu'il érige un édifice logique sur la base de ses observations initiales. Il définit la qualité caractéristique de l'Occident, de l'Orient et de sa propre philosophie. Heureusement, il est moins rigide qu'il ne semble ; il admet des décalages importants entre les pays. Quant à la Chine retardataire, elle pourrait sauter le second des trois états historiques, qui sont désormais fétichisme, théologisme, positivisme.

Comte conçoit qu'il existe une différence essentielle en philosophie entre l'Ouest qui systématise et l'Est qui ne pratique pas l'abstraction. Ainsi il considère qu'en Chine, les objets de la foi, la Terre et le Ciel, sont deux fétiches; en Occident, ce sont les bases d'une pensée universelle. Ils le seront également en Chine quand elle sera positiviste.

Nous allons examiner les commentaires d'Auguste Comte concernant l'Orient, ensuite les Entretiens de Confucius, en faisant ressortir les parallèles. Lorsque Comte commence à parler de «civilisation occidentale» plutôt qu'européenne, il dépasse le cadre des cinq pays successeurs de l'empire de Charlemagne: la France, l'Allemagne, l'Italie, l'Angleterre et l'Espagne . Notons qu'en l'année 800, Charlemagne est déjà couronné «Empereur d'Occident»! Comte l'admire comme le fondateur de la civilisation occidentale.

Pour illustrer la différence entre les deux civilisations. Comte donne l'exemple frappant de trois découvertes : la boussole, les armes à feu et l'imprimerie: inventées en Orient, elles n'y produisent pas l'essor industriel qui suivra leur redécouverte en Europe. La Chine n'a pas su les exploiter (C 2: 513), «si, comme on a tant répété, l'ébauche directe de ces trois arts fut réellement beaucoup plus ancienne chez certaines populations de l'Orient asiatique, sans y avoir cependant déterminé aucun des immenses résultats sociaux qu'une irrationnelle appréciation attribue vulgairement à leur unique influence. »

Comte envisage le progrès industriel à la manière de Saint-Simon, mais il sait qu'il n'est pas le même dans différents pays et à différentes époques (C 2: 486). La progression des trois états, fétichisme, théologisme, et l'état positif, ne comporte aucune chronologie précise. Riche de grands érudits et chercheurs, la Chine ne systématise pas ses idées; voilà l'explication

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