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Hegel commentaire introduction à l'esthétique

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Par   •  30 Avril 2021  •  Commentaire de texte  •  3 182 Mots (13 Pages)  •  519 Vues

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Introduction :

   L’art, du grec technè, désigne un savoir-faire, autrement dit un artifice qui témoigne de la possibilité qu’à l’homme de transformer son monde, et d’être un être non plus de nature, mais de culture. Initialement , l’art semble manifester un autre monde, celui qui demeure invisible à l’homme, monde de l’au-delà, monde des puissances spirituelles, monde métaphysique, ce qui lui donne un caractère magico-religieux. De la manifestation du divin ou du sacré découle la manifestation du Beau à travers l’idée de perfection et d’harmonie recherchées dans l’art. Pourtant, le Romantisme et la modernité favorise plutôt l’expression du sujet. Ainsi, en nous arrachant à la nature, on peut se demander de quoi l’art nous libère-t-il ? La réponse de Hegel dans l’Introduction à l’Esthétique, publiée en 1835, concorde avec l’époque romantique qui favorise l’expression psychologique du sujet, mais fait aussi écho à la conception aristotélicienne du mécanisme à l’œuvre dans la contemplation des œuvres, et particulièrement des tragédies. Ainsi l’art permet une distanciation à l’égard de soi qui s’apparente à une prise de conscience de soi favorisant la liberté du sujet à l’égard de ses passions.

 Dans l’extrait que nous allons étudier, Hegel commence  par définir l’état affectif le moins libre qui soit, lorsqu’un sujet est incapable de se distinguer de la passion qu’il éprouve et qu’il est réduit à une grossière nature.(l.1 à 10). Puis, il montre que l’art, en nous peignant les passions  humaines, nous permet de prendre conscience de ce que nous sommes.(l.11 à 15). Ainsi, l’objectivation de nous-mêmes que l’art permet, a un pouvoir libérateur, car en nous mettant à distance de nous-mêmes l’art nous arrache à l’emprise des passions et à notre initiale nature. (l.16 à 21). Enfin, Hegel finit par décrire le processus de distanciation et de libération,  qu’un individu peut opérer à l’égard de sa propre douleur, qui des larmes à la production artistique, en passant par la communication grâce à la parole, accomplit une gradation dans l’exercice de l’expressivité jusqu’à pouvoir sublimer sa passion en la rendant universelle.

(I) La « grossièreté primitive » ou « l’individu entier ».)

 Hegel commence par décrire et définir « la primitivité » ou la « primitive grossièreté » comme  l’état où un sujet est dominé par ses instincts, ses désirs, ses passions. Dans un tel état, l’homme est grossier ou primitif, car il se révèle complètement indiscipliné, incapable d’être dans le contrôle de ses émotions. Il ne peut se retenir d’être affecté, il ne peut rien cacher à autrui : il crie, il pleure, il rit instantanément et spontanément. Il est entièrement ce qu’il ressent, sans aucune distanciation, réserve ou retenue. Voilà pourquoi on peut dire de lui qu’il est « un homme entier ». Sa vérité émotionnelle est éclatante. Il peut être dit « grossier », car il est sans pudeur. La pudeur est la vertu que le mythe d’Adam et Eve, dans le judéo-christianisme, révèle comme essentielle à la future vie en société. Une fois chassés du Paradis, Adam et Eve réalisent qu’ils sont nus et que cette nudité n’est plus innocente, mais indécente, appelée à être protégée et cachée. L’exposition à l’autre réclame immédiatement une protection de son intimité : nous ne pouvons nous montrer nus. Le regard que l’autre porte sur nous, qui peut être un regard de pouvoir et de domination, réclame une défense de la part de celui qui est regardé : il surveillera ses apparences, il ne se montrera pas tel qu’il pourrait être, sans défense. L’éducation conduite à l’égard de l’enfant tend effectivement à le rendre moins naturel, à se tenir et se contenir, à ne pas être indécent. L’enfant va être conduit dans un processus de censure à l’égard des pulsions du ça nous dit Freud, ce que Hegel appelle les « instincts ». Par exemple, on va apprendre au petit garçon à « être un homme », à être fort et puissant, et à ne pas pleurer lorsqu’on a mal, en témoigne ce fameux titre des Cure, « Boys don’t cry ». L’auto-contrôle fait partie de l’exercice classique d’éducation morale visant à la fois le respect d’autrui et notre propre dignité. Se laisser aller à l’expression directe de ses émotions est donc tout le contraire de l’élévation, du dépassement de soi que la culture attend de nous.

  Ensuite, Hegel analyse l’état de la conscience mue par le désir. L’homme « primitif » cherche à satisfaire ses désirs. Il s’oriente vers le plaisir qui mettra fin à son désir, vécu comme un état de souffrance. Il est contraint par la souffrance de trouver un moyen d’atteindre ce plaisir. Si autrui me chatouille, le moyen de me libérer de cet état de « souffrance » sera spontanément le rire. Si autrui me tord le doigt, le moyen de me libérer d’un tel état sera en premier lieu le cri. Rire ou cri deviennent ainsi des « moyens » d’être satisfaits, et répondent immédiatement à un désir. Un désir est « d’autant plus sauvage » qu’il s’empare entièrement de celui qui le ressent, ce qui veut dire que nous ne sommes plus que cri, rire ou hurlement, autrement dit possédés par notre « moyen » de satisfaction. Dans cette situation le « moi » en tant que « sujet » ne se différencie pas de « l’objet » ou du « moyen » de sa satisfaction. Je suis tout rire, ou tout cri. Il n’y a pas de « je » en dehors de cette émotion. Ainsi Hegel dit que cet homme là n’a pas encore appris à se différencier, « en tant que généralité », c’est-à-dire en tant qu’individu distinct de ses émotions ou « sujet » affecté. D’ailleurs Hegel attire notre attention sur le caractère seulement « formel » de la formule « ma passion est plus forte que moi ». Cela est « formel », dans la mesure où le moi n’est distingué qu’en apparence de la passion, puisqu’en réalité, il se confond avec cette passion, il ne peut pas être en « dehors d’elle », tel un sujet pensant capable de prendre de la distance à l’égard de ses émotions, ou un sujet libre capable de ne pas se laisser submerger, ce que développe par exemple la pratique des jeux d’enfants  où il faut résister aux chatouilles ou à la douleur le plus possible, jeux souvent initiatiques, car pratiqués devant autrui, dans la cour de récréation, pour montrer qu’on est fort, puissant et résistant, à la différence des faibles. Ainsi, la « sauvagerie  de la passion» est dans le fait qu’il y a « unité » et non distinction, entre le sujet, « mon moi général » et son affect, « la limitation à laquelle il est soumis ». Car effectivement le sujet est entièrement sous le coup ou la domination d’un affect ou émotion. Il est donc indissociable de son pathos, terme grec qui signifie « souffrance » et qui correspond à l’étymologie du terme « passion ».

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