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Selon vous, peut on vivre ensemble sans mémoire partagée?

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Par   •  27 Avril 2021  •  Dissertation  •  1 284 Mots (6 Pages)  •  383 Vues

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Selon vous, peut on vivre ensemble sans mémoire partagée?

La « mémoire partagée » n’est pas une expression stabilisée en sciences sociales ou juridiques. Sans doute parce que la mémoire partagée représente une forme archétypale de commun, et qu’elle peut être comprise comme une condition et une résultante de toute mise en commun. Pour désigner ce phénomène, cette expression a été préférée à d’autres appellations possibles, parce que la notion de partage permet de saisir des aspects déterminants de la dynamique même des communs, en mettant l’accent sur des processus plutôt que sur des choses. Il faudrait d’ailleurs davantage parler de partage de mémoires que de mémoire partagée, celle-ci ne pouvant être ni essentialisée, ni uniformisée. Spontanément, on pourrait être tenté de l’assimiler à la « mémoire collective », théorisée par Halbwachs en 1925. Pourtant, c’est dans ce qui l’en distingue qu’on saisira le mieux quelle pratique mémorielle peut être légitimement rattachée au paradigme des communs. Halbwachs a montré que la mémoire individuelle a besoin de se référer à des cadres sociaux afin de s’activer et se structurer. Le souvenir est une construction collective en tant qu’il est rappelé du dehors, par les groupes auxquels l’individu appartient.

On peut alors se demander si l’on peut vivre ensemble sans mémoire partagée.

Afin de répondre à cette problématique nous commencerons par faire le lien être mémoire collective et histoire. En seconde partie nous verrons la distinction entre la mémoire des objets et le processus de mémoire. Enfin, nous terminerons de répondre à cette problématique en analysant les enjeux de la mémoire.

La mémoire collective est ce qui résulte de l’unification de ces mémoires individuelles, par le biais des cadres sociaux. À ce titre, celle-ci peut émaner d’une sédimentation « naturelle » des générations ou relever de stratégies mémorielles explicites, qui visent à intégrer les membres d’une collectivité en donnant forme et lieu à des schèmes mémoriels. Mais, dans les deux cas, la collectivisation ne procède pas d’une intentionnalité interne à la communauté. Le partage de mémoires suppose en revanche la volonté d’un groupe de réunir ou s’échanger des ressources mémorielles selon des règles et pour une finalité qu’il détermine.

Ce faisant, la critique historique fait de l’activité mémorielle une production qui ne sait pas ce qu’elle dit. L’envisager dans la perspective des communs revient à prendre le parti inverse en considérant que l’activité mémorielle peut relever d’une aptitude de la communauté à administrer horizontalement ses ressources comme ses règles de gouvernance.

Cette ré-appropriation est au cœur de l’enjeu des communs, et c’est ce qui fait du partage de mémoires un acte politique et pas seulement une pratique propre à un milieu. Quand elle n’est pas discréditée par la rationalité historique, la fabrique des mémoires a pu aussi être disqualifiée au nom d’une critique de la folie patrimoniale (Jeudy, 1990) qui se serait emparée de la société occidentale à la fin du XXe siècle. Rapportée à un besoin de « compenser le déracinement historique du social » (Nora, 1978) par une valorisation artificielle du passé, la patrimonialisation forcée des moindres traces est apparue comme le symptôme d’une perte de continuité entre passé, présent et avenir.

Mais le partage de mémoires ne se résume pas à cette fabrication souvent intéressée d’objets patrimoniaux déconnectés de tout lien social.

Secondement, la mémoire des objets est bien différente du processus de mémoire, en effet la distinction qu’a proposée Bruno Bachimont entre un modèle « objectif » et un modèle

« dynamique » de la mémoire est de nature à éclairer cette modalité spécifique du partage et sa relation aux communs. Dans le premier modèle, la mémoire se nourrit de souvenirs-objets qui lui préexistent et dont il faut garantir l’intégrité physique et l’identité à soi au cours du temps. Dans le second modèle, la mémoire est définie comme le processus même de mobilisation des ressources, lequel vise moins l’exactitude d’une restitution qu’une régénérescence n’excluant ni la déformation ni l’invention.

Partager une mémoire consiste alors moins à enregistrer, stocker ou préserver des traces qu’à enchâsser ces traces dans une trame commune, qu’il s’agisse d’un lieu, d’un rite, d’un dispositif ou d’un récit. Ce fond commun est ce qui garantit le maintien dans le temps d’une intelligibilité culturelle des traces, qui risquent de devenir illisibles hors de leur ancrage

communautaire. Ainsi, on peut conserver des machines-outils ou des friches industrielles dans un musée, mais ce n’est que par les images ou les récits croisés des anciens ouvriers que la mémoire d’une usine ou d’une région minière se transmettra, avec toute sa charge imaginaire.

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