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Les employeurs qui

Dissertation : Les employeurs qui. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  2 Mai 2016  •  Dissertation  •  2 183 Mots (9 Pages)  •  773 Vues

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Pauline Kliber

Utilisation en justice, par l’employeur et à l’encontre du salarié, d’informations produites par le premier à partir de la consultation de l’outil informatique qu’il avait mis à la disposition du second.

Nombreux sont les employeurs qui, pour administrer la preuve de la légitimité des sanctions qu'ils infligent à leurs salariés, songent à puiser des éléments de preuve (fichiers ou messages électroniques) dans l'ordinateur professionnel qu'ils confient à leurs salariés pour les besoins de l'exécution de leur contrat de travail. Or, le droit positif fixe en la matière un principe clair, qui définit la marge de manoeuvre offerte à l'employeur : si le message électronique ou le fichier qui figure dans l'ordinateur professionnel a été expressément qualifié de « document personnel » par le salarié, l'employeur ne peut y accéder hors la présence du salarié et ne peut a fortiori l'exploiter en justice. Qu’en est-il alors lorsque les éléments ne sont pas expressément qualifiés de personnels par le salarié ?

Quelle utilisation en justice d’éléments produits à partir de la consultation de l’outil informatique de son salarié l’employeur peut-il revendiquer ?

  1. Les documents identifiés comme personnels
  1. Les documents identifiés comme personnels ne peuvent être consultés par l’employeur

Le droit positif pose à l’encontre des documents identifiés par le salarié comme étant personnels un principe très clair : ces documents sont considérés comme faisant partie de la sphère privée du salarié et ne peuvent ainsi être consultés par l’employeur hors la présence du salarié. Ce principe découle de l’article 9 du Code civil comme de l'article L. 1121-1 du Code du travail, qui précisent que le salarié a droit au respect de sa vie privée, même aux lieu et temps de travail. Il appartient ainsi au salarié de déterminer l'étendue de cette sphère privée en identifiant comme personnels les documents qu'il souhaite soustraire au regard de son employeur. La jurisprudence s’aligne avec le principe en affirmant dans un arrêt de la chambre sociale de la Cour de Cassation datant du 2 octobre 2011 (dit arrêt Nikon) : « le salarié a droit, même au temps et au lieu du travail, au respect de l'intimité de sa vie privée ; celle-ci implique en particulier le secret des correspondances. L'employeur ne peut dès lors sans violation de cette liberté fondamentale prendre connaissance du contenu des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail et ce, même au cas où l'employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l'ordinateur ».

  1. Ces documents ne peuvent donc être utilisés comme preuves en cas de grief

De tels documents ne pouvant être consultés par l’employeur hors de la présence du salarié, il s’ensuit à fortiori qu’ils ne pourront être utilisés en justice pour appuyer les prétentions de l’employeur. En effet, a défaut pour l'employeur d'observer cette règle, l'élément de preuve obtenu procède d'une démarche illicite et ne peut, par conséquent, fonder l'analyse du juge. C’est ainsi qu’a statué la Cour de Cassation dans un arrêt récent datant du 26 janvier 2016 : en l’espèce, l'employeur faisait grief à la cour d'appel d'avoir violé les articles 9 du code civil et 9 du code de procédure civile en écartant des débats une pièce provenant de l'ordinateur professionnel mis à la disposition de la salariée. Ayant constaté que les messages électroniques litigieux provenaient de la messagerie personnelle de la salariée distincte de la messagerie professionnelle dont celle-ci disposait pour les besoins de son activité, la cour d'appel en a exactement déduit que ces messages électroniques devaient être écartés des débats en ce que leur production en justice portait atteinte au secret des correspondances.

Qu’en est-il des fichiers non strictement identifiés comme personnels ?

  1. Les documents non identifiés comme personnels

  1. Les documents non identifiés comme personnels par le salarié peuvent être consultés par l’employeur hors de la présence du salarié

Les fichiers non identifiés par le salarié comme étant personnels sont réputés avoir un caractère professionnel et en tant que tels sont la propriété de l’entreprise. L’employeur est alors libre de les consulter hors présence de ce dernier qui n’aura aucun recours et ne pourra que se blâmer de n’avoir pas protégé ses documents.

Mais l'identification d'un fichier comme étant personnel est-elle réservée aux fichiers libellés comme étant strictement personnels ou confidentiels ou également, en l'absence d'une telle mention, si son intitulé lui confère apparemment un caractère personnel ?

La Cour de cassation a répondu à cette question dans un arrêt du 21 octobre 2009 : en l'espèce, le salarié employé en qualité de chef d'établissement et en dernier lieu de responsable commercial marketing, a été licencié pour faute lourde pour avoir préparé le démantèlement de son entreprise en participant à la mise en place d'une structure directement concurrente en se rapprochant d'une société. Pour décider que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse l'arrêt retient notamment que, selon le constat, l'huissier, qui a ouvert l'ordinateur en l'absence du salarié, a accédé à un répertoire nommé JM lequel comportait un sous répertoire nommé personnel et un sous répertoire portant le nom de la société, qu'il est évident que JM signifie Jean Michel, prénom du salarié, que ce répertoire devant dès lors être considéré comme personnel, l'huissier n'aurait pas dû l'ouvrir. La Cour de cassation censure cette solution et exige, pour que les fichiers puissent être soustraits au contrôle patronal, qu'ils soient expressément identifiés comme « personnels ». L'absence de cette mention a pour conséquence que les fichiers sont présumés être professionnels, donc librement consultables. Il en est de même lorsque le salarié nomme le dossier contenant les fichiers personnels par son prénom, même si ces fichiers sont protégés par un code confidentiel. C’est ainsi qu’a statué la Cour de cassation dans un arrêt du 8 décembre 2009 : en l’espèce, le salarié engagé en qualité de juriste avait été licencié pour faute grave en raison de l'utilisation de son temps de travail pour de nombreuses activités personnelles avec le matériel mis à sa disposition et du défaut d'accomplissement des tâches qui lui étaient confiées. Se prévalant d'un contrôle illicite de son ordinateur, comme contraire au respect de sa vie privée, il a demandé le paiement de diverses indemnités au titre de la rupture que la cour d'appel a justement refusé de lui allouer. La cour d'appel a justement retenu que ni le code d'accès à l'ordinateur connu des informaticiens de l'entreprise et simplement destiné à empêcher l'intrusion de personnes étrangères à celle-ci dans le réseau informatique, ni l'intitulé des répertoires et notamment celui nommé "Alain", ne permettaient d'identifier comme personnels les fichiers litigieux et n'interdisaient leur ouverture en l'absence du salarié. La Cour de cassation étend encore le principe dans un arrêt du 18 octobre 2006 en sanctionnant le salarié qui a volontairement crypté le contenu de son ordinateur professionnel à son employeur : la cour d’appel a ainsi justement établi que le comportement du salarié, qui avait déjà fait l'objet d'une mise en garde au sujet des manipulations sur son ordinateur, rendait impossible le maintien des relations contractuelles pendant la durée du préavis et constituait une faute grave.

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