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Les droits de l'homme - Pascal Jan

Commentaire de texte : Les droits de l'homme - Pascal Jan. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  22 Juin 2016  •  Commentaire de texte  •  2 024 Mots (9 Pages)  •  667 Vues

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Les droits de l'homme

l Pascal JAN

L'ouvrage que nous présente le professeur Danièle Lochak constitue une synthèse remarquable sur un vaste sujet à propos duquel s'affrontent des projets de société, des doctrines et pensées philosophiques, juridiques et politiques. « L'histoire des droits de l'homme n'est ni l'histoire d'une marche triomphale, ni l'histoire d'une cause perdue d'avance, elle est l'histoire d'un combat », un combat de tous les instants, serait-on tenté d'ajouter, auquel prennent part de nombreux organismes et individus, notamment devant les tribunaux.

Le continent européen est le berceau d'une certaine conception des droits de l'homme, qui prévaut très largement aujourd'hui, et qui s'exprime dans les régimes démocratiques. Mais l'Europe est aussi cet espace aux multiples fragilités qui exposeront les droits de l'homme à tous les extrémismes et aux lois des régimes totalitaires. Il faut dire que les multiples enjeux des droits de l'homme touchent aux rapports entre les individus et l'État dans le cadre d'une certaine conception « de l'homme, de la société et du pouvoir ».

Dans une première partie, la plus dense, l'auteur s'intéresse à la dynamique des droits de l'homme, c'est-à-dire procède à l'analyse des conditions de leur formation et de leur diffusion. L'émergence des droits de l'homme résulte tout d'abord de la reconnaissance de la primauté de l'individu ou, autrement dit, de la disparition des conceptions holistes qui font primer le tout, l'organe, sur le particulier, l'individu. Ce sont ensuite les mutations subies par la notion de droit naturel qui substitue à la volonté divine, la nature humaine. C'est enfin l'affirmation de droits subjectifs, droits opposables au pouvoir. Ces trois mouvements sont retracés dans une « généalogie » des droits de l'homme dont le point de départ est la cité gréco-romaine (holiste) et le point d'arrivée la philosophie des Lumières (individualiste), des précisions étant apportées quant à l'évolution de la pensée chrétienne, de la notion de droit naturel et à l'apparition du concept de contrat social. Ayant évoqué ces différentes étapes, l'ouvrage aborde dans le prolongement de l'évocation de la pensée des philosophes des lumières la question de la proclamation des droits de l'homme. Si, de façon indiscutable, le texte-référence demeure toujours la Déclaration des droits de l'homme du 26 août 1789, d'autres textes avaient déjà, auparavant, incorporé certains éléments constitutifs, aujourd'hui, des droits des individus. À commencer par les différents pactes anglais qui du treizième au dix-huitième siècle imposèrent aux monarques des limitations de leur pouvoir. Tel fut le cas de la Magna Carta qui énonce certaines garanties pour les libertés individuelles et notamment introduit l'idée de légalité des peines. Ce texte sera suivi d'autres qui, tous, tendent à préserver l'individu de l'arbitraire royal et à garantir le respect des droits des individus, des justiciables. Comme l'écrit l'auteur, « tous ces textes ont des caractéristiques communes qui les distinguent nettement des déclarations de la fin du dix-huitième siècle : ils n'entendent pas proclamer des principes abstraits et universellement valables, mais remédier à des abus précis et garantir, de façon toute pragmatique, les libertés des anglais ici et maintenant grâce à des règles de procédure concrètes et détaillées ». C'est dans un esprit similaire que sont rédigées les premières déclarations des droits américaines mais le pragmatisme cohabite, cette fois-ci, avec la fondamentabilité des principes énoncés, lesquels doivent inspirer les gouvernements et être traduits en lois positives. Toutefois, c'est certainement les déclarations françaises de l'époque révolutionnaire, et à titre principal celle du 26 août 1789, qui marquent une rupture radicale avec les textes anglo-saxons. L'heure n'est plus à détailler les garanties accordées aux individus. L'heure est venue de fonder un ordre nouveau, un homme nouveau, ambition qui s'accompagne d'un cortège de principes intangibles, applicables partout et pour tout le temps. L'on sait que la première déclaration des droits de l'homme et du citoyen est fortement influencée par le droit naturel, entendu comme le droit de la raison humaine. Mais ce texte est également marqué par la philosophie des Lumières ou encore exprime des revendications concrètes des français contenues dans les cahiers de doléance. Voulant répondre, en les dépassant, aux déclarations américaines, la déclaration des droits de l'homme et du citoyen poursuit pourtant un autre objectif. « Dans les déclarations américaines se lisent la méfiance envers tout pouvoir et la conviction que le fonctionnement naturel de la société tendra à réaliser spontanément les droits de l'homme ; la déclaration française, au contraire, traduit d'un bout à l'autre, la confiance mise dans la loi... et la croyance en la possibilité de bâtir un pouvoir parfait capable de réaliser les objectifs de la révolution ».

La déclaration prétend donc à l'universalité, ce qui implique l'énonciation de principes abstraits et explique qu'elle ait servi de modèle aux déclarations postérieures. Aujourd'hui, elle nourrit la réflexion des mouvements internationaux de contestation de l'ordre économique. Mais cette abstraction ne devait pas, rappelle l'auteur, conduire à la simple proclamation de libertés formelles. Il revenait au souverain, à la loi, de définir précisément les garanties et de mettre en oeuvre ces libertés. La Déclaration sera suivie d'autres textes semblables, à commencer par celui de 1793 qui, influencé par les idées rousseauistes, redéfinit le principe de propriété, renforce celui de l'égalité ou consacre de nouveaux droits telles la liberté du commerce et de l'industrie ou l'énonciation d'obligations positives. Par la suite, la référence au droit naturel disparaît et avec elle l'universalité des déclarations. Ce glissement illustre l'emprise du positivisme qui n'accorde d'importance qu'à la protection effective des droits et libertés. La technique déclaratoire ne resurgira que dans des circonstances exceptionnelles comme au sortir du second conflit mondial. Si ce déclin est établi avec certitude en France, et si les autres États n'ont guère recouru à ce mode pour concrétiser des droits fondamentaux, la technique déclaratoire a, au contraire, été privilégiée sur la scène internationale. Mais les grandes déclarations sur les droits de l'enfant, sur le droit au développement, sur le génome humain n'ont aucune force juridique.

De façon générale, la critique a toujours accompagné la promotion des droits de l'homme. Deux courants se sont particulièrement illustrés, qui remettaient en cause la philosophie individualiste, égalitaire et universaliste. En premier lieu, il s'agit du courant traditionaliste emmené par les contemporains de la Révolution et remis au goût du jour par l'extrême droite française sous la troisième République et le gouvernement de Vichy. En posant que l'homme est l'œuvre de la nation et qu'en dehors d'elle il n'est rien, ce mouvement renoue avec le paradigme holiste. En second lieu, il s'agit du courant marxiste qui insiste sur le caractère égoïste des droits de l'homme qui alimente la domination et l'exploitation des individus. En clair, la protection des droits de l'homme occulte la réalité de la lutte des classes et, pour cette raison, n'intéresse que la bourgeoisie. Quant aux libertés, elles ne sont que formelles et s'analysent avant tout comme des privilèges de classe. Cette critique prend un tout autre sens dans les systèmes totalitaires où l'autonomie individuelle est supprimée, le droit est un instrument de réalisation des objectifs du régime, non un outil de protection des droits et libertés. Le seul sujet de droit est la collectivité. Dès lors, « la domination totalitaire exclut par hypothèse toute idée de droits subjectifs qui supposerait la capacité pour les individus de revendiquer des droits face au pouvoir. Le totalitarisme est radicalement incompatible avec une quelconque référence aux droits de l'homme ».

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