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L’application de la jurisprudence dans le temps

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Par   •  31 Mars 2016  •  Dissertation  •  1 777 Mots (8 Pages)  •  4 202 Vues

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L’application de la jurisprudence dans le temps

« On ne peut pas plus se passer de jurisprudence que de lois » déclare Portalis, dans le Discours préliminaire du premier projet de Code Civil en 1801. Cette citation de Portalis met en évidence la relation égalitaire entre la loi et la jurisprudence comme étant créatrice de droit.

Le débat juridique sur la jurisprudence ne date pas en effet d’aujourd’hui, il a commencé dès la Révolution française. Les juges avaient à l’époque de nombreux droits ; un des objectifs des révolutionnaires était donc de bâillonner les juges pour qu’ils ne représentent que « la bouche de la loi », expression de Montesquieu. De fait, en vertu de la séparation des pouvoirs, principe indispensable au respect de la démocratie, les décisions de justice ont perdu de leur valeur puisque la jurisprudence n’est pas aujourd'hui considérée par tous comme une source formelle du droit.

La jurisprudence, dans un sens matériel désigne l'ensemble des décisions rendues par les tribunaux sur les matières qui leur sont soumises par les particuliers. Mais, dans un sens scientifique, on désigne par ce terme une position prise sur l'application d'une règle de droit par ceux qui en sont chargés, c'est-à-dire les magistrats. D’une façon générale, elle désigne l’ensemble des décisions de justice rendues soit dans une matière précise, soit dans une branche du droit, soit dans l’ensemble du droit. La jurisprudence est une abstraction, on peut parler de la jurisprudence européenne ou française. Cette jurisprudence fait aujourd’hui l’objet de nombreux débats, en effet il est difficile de caractériser la place de celle-ci au sein de notre système juridique français. Les articles 4 et 5 du Code civil sont au cœur même du paradoxe de la jurisprudence. Effectivement, l’article 4 dispose que le juge se doit de créer du droit par sa décision de justice lorsque la loi manquerait. Seulement l’article 5 dispose, par la suite, qu’une décision de jurisprudence ne peut être considérée comme une règle générale de même valeur qu’une loi : le juge doit rendre ses décisions en prenant compte du cas d’espèce. Il induit donc que l’on ne peut considérer la jurisprudence comme une source formelle du droit.

Cependant, ce litige doctrinal et jurisprudentiel sur la compétence de la jurisprudence amène un autre questionnement sur l’application de la jurisprudence dans le temps et donc du principe de rétroactivité de celle-ci. Le principe de rétroactivité se dit d'une loi, d'un jugement, d'un acte dont les effets s'exercent sur une période antérieure à leur établissement. Il s’agit donc de savoir si la jurisprudence a un effet rétroactif sur les décisions de justice rendues ultérieurement. Quelles sont les difficultés juridiques qui empêchent de faire de la jurisprudence un principe rétroactif ?

La jurisprudence ne peut être par essence une source de droit rétroactive (I), bien que son évolution puisse faire de la jurisprudence un principe rétroactif (II).

La jurisprudence non-rétroactive, par essence

Puisque la jurisprudence n’est pas reconnue officiellement comme étant une source de droit formelle et directe par le système juridictionnel français, elle ne peut pas par essence être rétroactive. Les décisions de justice sont prises en un temps et un lieu donné et ne sont encadrées que par la loi ; le reste est laissé à l’appréciation du juge. Seulement, la loi étant elle-même déclarée non rétroactive dès l’article 2 du Code civil, la jurisprudence n’est pas de nature rétroactive. Ainsi, quelques obstacles dans la nature même de la jurisprudence empêche celle-ci d’être totalement rétroactive : tout d’abord elle n’est pas une source de droit formelle (A) et ensuite elle est souvent considérée comme une véritable source d’insécurité juridique (B).

La jurisprudence, source non-formelle de droit

En vertu de l’article 5 du Code civil qui dispose qu’il « est défendu aux juges de prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises », une décision de justice ne peut constituer une source de droit formelle de même valeur que la loi. Dès lors, le juge, ici, ne revêt que le rôle de « la bouche de la loi », il se doit d’interpréter la loi objectivement pour qu’elle colle au mieux au cas d’espèce.

De fait, le juge n’est pas contraint par la jurisprudence antérieure pour décider d’un jugement. Effectivement, le juge français n’est pas obligé de suivre la jurisprudence antérieure communément admise pour un litige donné, il peut s’il le souhaite rendre un verdict différent, voire opposé. C’est un revirement de jurisprudence. Dans le système juridictionnel français, les décisions de justice sont indépendantes ; c’est pourquoi il est difficile d’appliquer le principe de rétroactivité à la jurisprudence.

La jurisprudence représentant l’accumulation des décisions de justice, ces décisions ne sont pas par essence rétroactives. Assurément les décisions de justice prises par les juges postérieurement à d’autres décisions pour un même cas d’espèce ne modifient en aucune manière les effets des décisions antérieures. Ceci explique pourquoi la jurisprudence est considérée comme une source d’insécurité juridique : tous les justiciables ne sont pas jugés de la même manière étant donné que sur le sol français, il est très compliqué voire impossible d’harmoniser les décisions de justice qui relèvent toutes de l’interprétation subjective du juge d’une loi donnée.

Une source d’insécurité juridique

La jurisprudence n’est pas, par principe, rétroactive

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