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Commentaire d'arrêt CE, Secr, 21 juin 2013, communauté d'agglomération du pays de martigues

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Par   •  30 Octobre 2019  •  Commentaire d'arrêt  •  2 256 Mots (10 Pages)  •  1 701 Vues

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Commentaire d’arrêt

CE Sect., 21 juin 2013, Communauté d’agglomération du pays de Martigues

        « S’il est devenu une référence, le modèle du rapporteur public ne s’est pas pour autant figé et, sans perdre son identité, ni toucher à ce qu’ont d’essentiel ses missions, il s’est renouvelé dans le cadre d’une modernisation globale du procès administratif ». Le 28 juin 2016, l’ancien Vice-président du Conseil d’État Jean-Marc Sauvé prononce un discours relatif à l’évolution remarquable du rapporteur public au sein de la juridiction administrative. La présente décision, rendue le 21 juin 2013 par le Conseil d’État formé en section, représente l’une des étapes de cette progression.

        En l’espèce, un préfet prend un arrêté autorisant l’exploitation d’un centre de stockage de déchets par la Communauté d’agglomération du pays de Martigues, entité requérante du procès administratif étudié. Toutefois, le tribunal administratif de Marseille annule cet acte. Par suite, un appel est interjeté contre le jugement auprès de la cour administrative d’appel de Marseille. Les juges du second degré rejettent cette requête, un pourvoi en cassation est donc formé. Le requérant exige l’annulation de l’arrêt d’appel, notamment en critiquant le bien-fondé de la décision prise par les juges du fond ainsi que la régularité de la procédure suivie. Sur ce second point, le rôle du rapporteur public et surtout le manque de communication des motifs de ses conclusions sont mis en exergue.

        Ainsi, la manière dont le rapporteur public communique les éléments liés à ses conclusions remet-elle en cause la régularité des décisions rendues ?

        Les juges du Conseil d’État répondent par la négative à cette interrogation et rejettent le pourvoi du requérant. Ils estiment que la procédure est régulière d’après la motivation suivante. D’une part, puisque le rapporteur public a mis à la disposition des parties le sens de ses conclusions, ce qui est obligatoire. D’autre part, du fait qu’il n’est pas contraint de les informer des motifs de ses conclusions.

        Le problème de droit soulevé par ce recours permet, à la juridiction suprême de l’ordre administratif, de préciser encore le rôle du rapporteur public. En fait, depuis l’arrêt Kress contre France rendu en 2001 par la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH), le cadre juridique de cette entité essentielle au procès administratif français a évolué au fil d’avancées normatives et jurisprudentielles. Quant à la décision étudiée, les juges rappellent les prérogatives du rapporteur public, mais avant tout ils clarifient la portée du décret du 7 juin 2009 qui codifie notamment la communication, aux parties, du « sens des conclusions » avant le jugement de l’affaire.

        Pour la commenter, il convient de mettre en évidence la justesse remarquable du Conseil d’État pour se conformer aux évolutions normatives et jurisprudentielles (I). En outre, la liberté prise par les juges pour interpréter les normes doit être discutée (II).

  1. I. La rigueur du Conseil d’État

        Remarquable de précision et d’exhaustivité dans cette décision, le Conseil d’État expose l’ensemble des règles qui entourent l’action du rapporteur public (A) et qui découlent notamment de l’appréciation du déroulé du procès administratif français par les juges européens en 2001. Aussi, il applique stricto sensu une norme assez récente encadrant la communication du sens des conclusions (B).

  1. A. Le rappel strict du cadre du rapporteur public

        Cette sous-partie permet surtout d’éclairer chaque élément du motif en leur assignant des origines précises. D’une part, les juges rappellent deux principes qui figuraient déjà dans les normes administratives avant l’arrêt Kress – que celui-ci avait jugé bons – de manière très précise, en citant explicitement des dispositions et implicitement des acquis jurisprudentiels. D’abord, le fait que « les conclusions du rapporteur public n’ont à faire l’objet d’une communication préalable des parties » puisque cette partie du procès n’est « pas soumise au principe du caractère contradictoire » est un principe posé par la décision dite « Esclatine » de 1998. Ce rappel est complété par celui, « à peine d’irrégularité de la décision », du principe selon lequel l’on doit laisser débattre les parties si le rapporteur public « envisage de modifier sa position ». Cette règle découle quant à elle d’un décret de 1992. Il est essentiel dans cette décision de souligner l’exhaustivité du juge administratif et l’effort consenti pour lisser la jurisprudence.

        D’autre part, dans sa motivation, le Conseil d’État maintient sa rigueur pour exposer des règles acquises en réaction à la jurisprudence européenne. D’un côté, il se charge de citer les articles R.732-2 et R.733-3 du Code de Justice Administrative (CJA), qui disposent que le rapporteur public « n’assiste pas au délibéré » dans les procès en tribunaux administratifs, cours administratives d’appel et sur la demande d’une partie en Conseil d’État. C’est un pléonasme et une drôle de coïncidence que de préciser ainsi la « théorie des apparences » tout en agissant avec un formalisme poussé. Cette justesse technique se met au service du motif de la décision, qui tend à souligner l’absence de toute irrégularité. D’un autre côté, sans citer d’articles mais en s’appuyant sur la jurisprudence de l’arrêt dit « M. et Mme Leniau » rendu par le Conseil d’État en 2002, les magistrats évoquent « la possibilité [pour les parties] de présenter des observations » à la suite du « prononcé lors de la séance publique » des conclusions par le rapporteur public.

        Il convient donc de remarquer à quel point le juge administratif procède avec logique en expliquant chaque étape du procès qui concerne le rapporteur public, et en les éclairant par des principes acquis. Toutefois, l’importance de la décision réside dans l’application juridique relative au sens des conclusions.


  1. B. L’énonciation stricte de la communication du sens des conclusions

        L’importance, dans cette décision, de préciser le rôle de la communication du sens des conclusions est ressentie dans le nombre de considérant qui y est consacré, à savoir quatre. En fait, c’est le premier arrêt à appliquer concrètement l’article 711-3 du CJA issu du décret de 2009, qui dispose que le sens des conclusions du rapporteur public doit être communiqué à toutes les parties avant l’audience. Il convient d’abord de relever que, pour ne laisser aucun doute à l’appréciation, le Conseil d’État cite dans son entièreté l’article concerné au considérant 3. Les juges usent même de guillemets pour montrer que leur interprétation reste à l’écart. Le fait, de manière générale, de viser un article montre l’effort du juge administratif à être le plus juste possible vis-à-vis des normes textuelles, surtout qu’il l’est à trois reprises et dans des considérant différents.

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