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Faut-il Moduler Dans Le Temps L'application Des Revirements De Jurisprudence En Matière Sociale ?

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Par   •  18 Avril 2012  •  3 203 Mots (13 Pages)  •  2 985 Vues

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L’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH) adoptée à Rome en 1950 entend garantir le respect du droit à un procès équitable. Dans une plus large mesure, cette disposition a trait à la sécurité juridique- principe selon lequel les particuliers et les entreprises doivent pouvoir compter sur une stabilité minimale des règles de droits et des situations juridiques. Aussi, ce principe, oh combien fondamental, se heurte à la règle largement admise de la rétroactivité des revirements de jurisprudence.

En effet, lorsqu’un juge statut sur une affaire, sa décision concerne par essence des événements passés et révolus. Aussi, le jugement s’applique, c’est-à-dire se met en œuvre dans le passé, à une date antérieure à son accomplissement, ou à sa survenance. Cette rétroactivité devient problématique lorsque le juge opère un revirement de jurisprudence c’est-à- dire lorsqu’il change du tout au tout la solution précédemment retenue. Le justiciable aurait alors agit sous l’emprise d’une jurisprudence antérieure, et n’a pu prévoir cette solution nouvelle. Ainsi, le caractère rétroactif des revirements de jurisprudence serait contraire à la sécurité juridique. En ce sens, certains souhaiteraient une modulation dans le temps de l’application des revirements de jurisprudence. En d’autres termes, cela signifie que le juge, lorsqu’il change sa jurisprudence, doit décider d’appliquer ou non certaines des dispositions de son jugement, décider si la solution qu’il donne ne vaudra que pour l’avenir. Ces questions sont d’autant plus sensibles en matière sociale car touche à la vulnérabilité des citoyens et en particulier des salariés. En effet, le droit social comprend le droit au travail, le droit de la sécurité sociale, et le droit de l’aide sociale. Si les réticences face à au caractère rétroactif des revirements de jurisprudence sont fortes, il faut tout de même préciser que la jurisprudence constitue une source classique du droit du travail. La chambre sociale de la cour de cassation a à la fin du 19e définit les grandes orientations du droit du travail. Elle est devenue, en quelque sorte par défaut (comparativement aux autres pays) l’organe de l’Etat qui définit les orientations du droit du travail. Par exemple, c’est elle qui a décidé de valoriser le rôle du contrat de travail comme facteur de stabilité de la situation du salarié, ou encore qui a imposé à l’employeur, en cas de licenciement pour motif économique, une obligation générale de reclassement du salarié même si en 2008 les partenaires sociaux se sont accordés pour arrêter des orientations qui ont conduit à des réformes d’envergures.

Toutefois, concernant la rétroactivité, il faut ici revenir sur certains points. Tout d’abord, la règle de droits, nous le savons, présentent plusieurs critères : elle est générale, elle est abstraite mais elle est surtout évolutive. Aussi, l’interprétation des normes doit coïncider avec l’attente de la société à un moment donné. En ce sens, dans de nombreux arrêts et notamment un arrêt du 7 janvier 2003 qui refuse de paralyser l’application rétroactive du revirement de jurisprudence, la chambre sociale de la cour de cassation énonce que « la sécurité juridique, invoquée sur le fondement du droit à un procès équitable […], ne saurait consacrer un droit acquis à une jurisprudence immuable ». Par ailleurs, selon la célèbre expression de Montesquieu, le juge est « la bouche de la loi ». Or, si ce dernier s’octroie le pouvoir de moduler dans le temps les effets de ses revirements de jurisprudence en prévoyant par exemple qu’ils ne seront applicables qu’à compté du prochain jugement d’une affaire similaire, alors il devient créateur de norme.

Cependant, en matière sociale, le pas fut franchit dans un arrêt du 26 mai 2010 dans lequel la chambre sociale de la Haute juridiction judiciaire accepte une modulation, de son revirement de jurisprudence sur une question de procédure. De plus, un rapport coordonné par le professeur Nicolas Monfessis ; fort des expériences étrangères et des positions adoptées par la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) et de la cour européenne des droits de l’Homme (cour EDH) a conclu à la nécessité, lorsque les intérêts en cause le justifient, d’envisager de moduler dans le temps l’application des revirements de jurisprudence. Au vue de ces évolutions, nous pouvons nous interroger sur la nécessité de moduler l’application des revirements de jurisprudence.

Aussi, nous pouvons nous demander si la modulation dans le temps de l’application des revirements de jurisprudence n’est pas une meilleure solution pour assurer la sécurité juridique des salariés ? Autrement dit, il convient de savoir si nous devons consacrer le principe de la modulation dans les temps des revirements de jurisprudence en droit français.

Il apparait que la modulation se présente comme une réponse adaptée au vu des attentes non satisfaites des citoyens par l’état actuel du droit. Toutefois, il faut arriver à relever le pari d’une balance parfaite entre sécurité juridique et évolution du droit ; deux principes fondamentaux au cœur du débat. Il semble alors que la modulation des effets de jurisprudence doit être conditionnée pour pouvoir répondre de ces deux conditions (I). La reconnaissance de la modulation dans le temps des effets de jurisprudence en matière sociale est donc nécessaire, mais doit être conditionnée (II).

I- La modulation dans le temps des revirements de jurisprudence comme solution adéquate au regard de l’état du droit

La rétroactivité des revirements de jurisprudence est encore aujourd'hui le principe. Toutefois, il n’est pas sans susciter d’importantes critiques (A) notamment du fait de l’importance accrue du principe de sécurité juridique. Aussi à ces failles, la jurisprudence semble favorable à l’émergence du principe de modulation dans le temps des revirements de jurisprudence.

A- La critique du principe de la rétroactivité des revirements de jurisprudence

Les critiques quant au caractère rétroactif des revirements de jurisprudences ne sont pas récentes. En effet, en 1959, Pierre Voirin avait observé que les revirements affectaient « des actes que leurs auteurs sur la foi de la jurisprudence, avaient cru réguliers au moment où ils les ont conclus ». Mais une prise de conscience générale des effets néfastes des revirements de jurisprudence s’est fait jour dans une période toute récente. Ainsi, si les revirements de jurisprudence sont rétroactifs par essence (1), il n’en reste pas moins que des doutes persistent

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