Étude du conte Candide de Voltaire

Candide - Voltaire

STRUCTURE DU CONTE

Introduction :

« Cela n’a pas de plan », écrivait Grimm à propos de Candide. La construction en épisode successifs semble lui donner raison. Le conte a une forme ouverte, il tente de contenir tous les possibles du monde. A l’inverse, d’autres critiques ont dégagé de l’ensemble une structure. Pierre Brunel, dans Histoire de la littérature française (Bordas, 1972), propose ainsi de voir trois grands moments qui symbolisent trois tentations de l’esprit : de part et d’autre de l’épisode d’Eldorado, image d’un idéal inaccessible, Candide subit dans la première partie la tentation des chimères qui résume le château de Thunder-ten-tronckh, avant de se résoudre à accepter l’idéal limité du jardin de Propontide ».

L’autonomie relative des différentes séquences, l’inégalité de leur développement n’empêchent pas en effet Candide d’être un ensemble ordonné. Dispersé au début du récit, le groupe des personnages se retrouve à la fin. Il est même élargi à quelques autres.

I) Mise en place des aventures de Candide (chapitre 1)

Le conte débute par une exposition rapide (chapitre 1). Candide est le disciple de Pangloss, un philosophe dont le système optimiste a séduit toute la maison de monsieur le baron. Amoureux de sa fille, la belle Cunégonde, notre héros est chassé du « meilleur des châteaux » pour avoir voulu la séduire.

On remarque dès les premiers mots la présence du narrateur. Il fait le portrait de Candide et commence : « Il avait le jugement assez droit, avec l'esprit le plus simple; c'est, je crois, pour cette raison qu'on le nommait Candide. » Tout au long du récit, la fiction est ainsi dénoncée plus ou moins implicitement. On notera aussi l’opposition entre ce qui va suivre, une vie à l’aventure, et cet univers immobile. Le château, de façon rassurante, abrite un groupe fermé, régi par des relations sociales de type féodal, organisé autour de la belle Cunégonde et justifié par les théories de Pangloss. Il a les magies du paradis perdu de la Bible, du monde de l’enfance dont on sort en croquant la pomme, en faisant son éducation.

II) Candide et l’anabaptiste (chapitre 2 à 6)

Enrôlé de force, bâtonné, Candide assiste, caché, à la bataille que se livrent avec acharnement Bulgares et Abares. Horrifié par cette boucherie, il s’échappe en Hollande, où il mendie en vain jusqu’à ce qu’il rencontre Jacques, un bon anabaptiste (chapitres 2 et 3). On notera que les anabaptistes refusent de donner quelque valeur que ce soit au sacrement du baptême des jeunes enfants. Ils prônaient par ailleurs le partage des biens et engageaient les membres de leur communauté à renouveler cette cérémonie à l’âge adulte. Bien que Jacques soit un personnage positif dans Candide, Voltaire craint leur fanatisme.

Peu après, il retrouvera Pangloss dans un état plus pitoyable que le sien. Celui-ci apprend à Candide la triste fin des habitants du château (chapitre 4). Le maître et son élève, accompagnés du bon anabaptiste, s’embarque pour Lisbonne, Candide et Pangloss sont ensuite condamnés pour leur paroles imprudentes, jugées impies par l’Inquisition. Le premier sera fessé, le second pendu (chapitre 5 et 6).

De ces quelques chapitres, on peut dégager une cellule narrative essentielle de Candide. Livré à lui-même, le héros est victime des événements jusqu’au moment où il rencontre un personnage disposé avec bienveillance à son égard. Agissant de concert contre les obstacles, ils retrouvent un membre de groupe initial. Celui-ci raconte alors ce qu’il a vécu depuis la séparation au chapitre 1. Mais le héros ne tarde pas à se retrouver seul, membre du groupe initial et adjuvant disparaissant soudain. Un schéma rend compte de cette « structure actantielle » :

- héros livré à lui-même ;

- rencontre d’un adjuvant, c'est-à-dire d’un personnage bienveillant dont l’action sera bénéfique ;

- lutte contre des obstacles ;

- retrouvailles

- récit en « flash-back » (avec retour en arrière) du personnage retrouvé ;

- solitude du héros

Ce découpage séquentiel se vérifie dans les autres épisodes. Plus ou moins compliqué par la suite, il est le ressort de l’action ; il permet en outre par son mécanisme de réintroduire les personnages perdus de vue et d’en intégrer de nouveaux, avant leur regroupement final.

III) Candide et la vielle (chapitre 7 à 13)

Zébré de coups, Candide se voit sauvé et guéri par une mystérieuse vielle (chapitre 7). Grâce à elle, il retrouve non sans surprise Cunégonde qui lui raconte son incroyable aventure (chapitre 8). Les retrouvailles sont malheureusement écourtées par l’arrivée successive de deux hommes, le Juif Issachar et le grand inquisiteur, amants de Cunégonde. Ceux-ci n’apprécient aucunement la présence de Candide qui, après avoir tué de sang-froid ces trouble-fête, s’enfuit avec Cunégonde et la vielle. Tous les trois s’embarquent en hâte pour l’Amérique et espèrent trouver sur cette nouvelle terre une vérification des théories de Pangloss (chapitre 9 et 10).

Suit l’histoire de la vielle (chapitre 11 et 12). La cellule narrative se complique de nouveau. L’adjuvant de la séquence raconte à son tour son histoire. Les récits des chapitres 11 et 12 ont néanmoins un statut différent de celui du récit de Cunégonde. Tous sont des retours en arrière. Mais alors que celui de Cunégonde se borne à relater son existence depuis la séparation au chapitre 1 jusqu’au moment présent, la vielle, elle, parle de sa vie tout entière, depuis le jour de sa naissance. Elle instruit le lecteur d’un temps antérieur au début même de Candide. C’est un cas unique dans le conte. Cette confession autobiographique située presque à la moitié du livre constitue comme une mise en abyme, un récit dans le récit.

Reflétant l’intrigue générale, cet ensemble narratif redouble et résume la fiction de Candide. Il en dénonce aussi les conventions, à la façon du narrateur qui, au début du chapitre 1, marquait le récit de sa présence. La vielle rappelle qu’il « [est] d’usage, dans un vaisseau de conter des histoires pour se désennuyer ». Entre cette aventure

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