Œuvres littéraires dans le rôle d'agitateurs d'idées

Les textes littéraires constituent les productions des écrivains. Ceux-ci sont avant tout des hommes ancrés dans leur époque. En raison de leur sensibilité, ils peuvent participer étroitement aux évènements importants de leur temps et de la société. Aussi, il n'est pas étonnant de les voir mettre leur art au service d'une cause politique ou de courants de pensée. Même si les textes littéraires sont d'une grande variété et ont de multiples formes d'argumentation, ils sont tous l'expression des sentiments et des convictions de leurs auteurs et peuvent permettre de mettre l'art littéraire au service de causes politiques ou de courants de pensée. C'est ce que nous appelons la littérature engagée. Ainsi, quel que soit le but qu'elle poursuit, la littérature peut contribuer à l'amélioration de la société et des individus qui la composent, en développant le sens esthétique, l'esprit critique ou tout simplement la connaissance de soi.

La question est de savoir si les textes littéraires peuvent réellement et directement influencer le corps social, changer les hommes et la société toute entière ? Que l'œuvre soit ou pas engagée, inconsciemment ou pas, elle peut nous permettre d'apprendre à réfléchir sur notre vie, sur le monde qui nous entoure et sur nous-mêmes. Redonner à l'individu une place prépondérante dans la société et dans son monde est déjà, indirectement, participer à l'amélioration de cette société. Il est cependant légitime de se demander si les textes littéraires sont dans leur rôle, en particulier si, malgré la variété de leurs formes d'argumentation, ils constituent réellement un moyen efficace pour transformer le monde.

Dans un premier temps, nous nous efforcerons de montrer comment les œuvres littéraires se veulent un moyen d'inciter les hommes à une prise de conscience, de ce qu'ils sont, de la société dans laquelle ils vivent, etc. Ensuite, nous montrerons que ces ouvrages contribuent activement à faire passer un message qui peut se limiter à une information, à la dénonciation et au combat des maux et vices de la société. Même si certaines écrivains sont partagés sur le rôle de la littérature et refusent l'idée d'une œuvre utile, et cela au nom de la beauté de l'art.

Avant toute chose, les écrivains invitent leurs lecteurs à une prise de conscience...

Après la période du Moyen-âge, c'est la fin de l'époque de l'obscurantisme, de l'inquisition et des autodafés notamment, des idées autoritaires, des impératifs religieux. On voit alors poindre l'époque des grandes découvertes et de la philosophie des Lumières. Il est alors nécessaire d'aider l'homme à prendre connaissance et conscience du monde dans lequel il évolue. Face à cette époque de déclin de la société, le discours humaniste vient présenter et diffuser sa foi en l'Homme. Ce courant culturel, qui se développe en France à partir de la Renaissance, renoue avec les civilisations antiques gréco-latines, en proposant un modèle de vie, d'écriture et de pensée. Les écrivains humanistes manifestent un vif appétit de savoir. L'homme est considéré comme étant en possession de grandes capacités intellectuelles, emporté par sa recherche permanente du savoir. Rabelais est l'un des principaux représentants de ce mouvement humaniste français. Ses œuvres, comme Pantagruel et Gargantua tiennent à la fois du conte, avec leurs personnages de géants, de la parodie comique (celle de l'épopée et du roman de chevalerie) ; elles préfigurent le roman réaliste et satirique. Rabelais y développe des idées en faveur de la tolérance, de la paix et de la foi dans les hommes. Tout comme Érasme, ils ont une vision désormais différente du monde et en informent les lecteurs : l'homme peut prendre plus de place dans la pensée, dans les arts. De même, Montaigne dans ses Essais, réhabilite une idée de l'homme, qui se voit attribuer de nombreuses qualités. La philosophie des Lumières se développe au XVIII° siècle. Ce vaste mouvement a pour ambition de lutter contre les ténèbres de l'ignorance par la diffusion du savoir. Les œuvres sont l'expression d'un esprit idéaliste, d'une conscience préoccupée par l'amour du bien, du beau, du vrai, par le rêve d'un monde de justice. L'Encyclopédie, dirigée par Diderot et d'Alembert, est le symbole de cette volonté d'informer les citoyens et de rassembler toutes les connaissances disponibles. Les philosophes, tels Voltaire et Diderot, sont confiants dans la capacité des hommes à évoluer. Voltaire revendique un désir général de liberté, il lutte contre l'intolérance, la cruauté et la guerre. Ses Lettres philosophiques sont autant d'informations contre les mauvaises réformes politiques et sociales qui oppriment le « peuple ». Il milite pour un monde meilleur avec son Traité sur la tolérance et ses contes (comme Candide). Rousseau manifeste, lui, un souci d'égalité et de justice sociale. L'homme doit apprendre à se connaître et à s'aimer pour mieux comprendre les autres et la société. Il ne faut rien imposer, mais laisser se développer la curiosité. Selon Condorcet, dans ses Mémoires sur l'instruction publique, l'instruction doit être rendue attrayante car il est difficile d'apprendre des choses, surtout si on en ignore l'utilité. L'instruction est dès lors un devoir social à l'égard des citoyens. La société doit au peuple une instruction publique : c'est le seul moyen de rendre réelle l'égalité des droits et de perfectionner l'espèce humaine, sans cependant chercher à dicter ce que doit croire chaque individu. Après le Moyen-âge, les œuvres littéraires visent à permettre à chaque homme de trouver la place qui lui revient dans la société. En cela, l'homme de lettres a un rôle important à jouer. Les philosophes des Lumières contestent les fondements de l'Ancien régime au nom de l'information des citoyens, de la tolérance et du progrès (ce dernier devant apporter le bonheur à l'humanité). Ils revendiquent les libertés fondamentales basées sur le droit naturel. Pour véhiculer ces idées et démontrer que la société est en constante évolution, les écrivains varient les formes et les supports de leurs œuvres : dans ses pièces de théâtre, Molière dépeint par exemple les usages de la société de son temps et en montre les travers. La pièce Tartuffe est une critique de l'hypocrisie des faux dévots, la comédie Les

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