Une cage de bêtes féroces

Une cage de bêtes féroces

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Emile Zola

Dans cet apologue, paru en 1867, Zola met en scène deux animaux échappés d'un zoo, un lion et une hyène, qui n'ont rien de sauvage, et à qui l'auteur prête des caractéristiques bien humaines, pour offrir un regard autre, nouveau, sur la société et les moeurs des hommes. Comme dans le texte sur les caprices de la mode dans lequel Montesquieu prend la liberté de dénoncer les travers de la société superficielle de son temps à travers le prisme de deux étrangers, ou encore comme dans les fables de La Fontaine... C'est une manière originale et ludique pour les auteurs de parler de leurs pairs, et c'est également une solution pour échapper à la censure et aux foudres de leurs contemporains.

I - Dans la première partie du texte, les animaux sont très semblables aux hommes, ils sont personnifiés:

[pic 2] D'abord, leur nom porte une majuscule: "un Lion et une Hyène".

[pic 3] Ensuite, ces animaux ont des plaisirs bien humains: un repas copieux suivi d'une ballade sous la fraîcheur des marroniers.

Ils apprécient la promenade et la dégustent "avec lenteur".

[pic 4] Par ailleurs, ils ont des caractéristiques bien humaines:

l'auteur les qualifie de "braves gens", qui connaissent les "politesses d'usage" et les relations d'"amitié"; la lassitude est humaine et ces animaux, las de leur promenade sont curieux de découvrir d'autres horizons et parlent de "contenter un caprice" et d'"amusement" et ont même la capacité de rire.

• A contrario, l'auteur présente les hommes commen des bêtes féroces:

[pic 5] En premier lieu, ce sont des êtres cruels: ils enferment des créatures qui rêvent de battre la savane avec les leurs, par caprice, pour leur amusement. Ici, nous pourrions poser la question concernant l'enfermement des animaux: le divertissement vaut-il le sacrifice? Condamnés à la solitude, à l'exil, à l'enfermement,  pour le plaisir des sociétés européennes.

Cela n'est pas sans rappeler le chapitre 19 de Candide ou l'optimisme de Voltaire, qui, dénonçant l'esclavagisme, fait dire à un esclave malheureux, prisonnier, exilé, mutilé: "C’est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe."

[pic 6] Par ailleurs, les humains sont qualifiés par les deux animaux d'"imbéciles" et de "bêtes". Croyant observer les animaux dans leur cage, les hommes ignorent qu'en réalité ils ne leur sont pas supérieurs et que ce sont eux qui sont l'objet de l'étonnement et du mépris des animaux.

Seulement, l'homme a tendance à croire en sa supériorité, il est orgueilleux, égoiste, méprisant et borné. Sa vision de lui-même et du monde est pourtant biaisée, mais sans recul, point de réforme...

[pic 7] Enfin, l'habitat de l'homme "civilisé" nous est présenté comme un endroit hostile, effrayant, une cage monstrueuse dans une jungle impitoyable, au point que le Lion est obligé de rassurer la Hyène épouvantée: Paris "rugit", sa clameur est "sourde et menaçante", pareille à "des hurlements de fureur et des râles d'agonie".

L'image de la Hyène hésitant à pénétrer dans le chaos parisien est surprenant et prête à sourire: "Bon dieu! murmura la Hyène, ils s'égorgent pour sûr dans leur cage".

Quant au Lion, sain d'esprit et sage, ne peut que s'imaginer un dompteur féroce torturant toutes ces âmes.

Les hommes sont présentés comme des bêtes furieuses qui laissent échapper dès le réveil leur profonde souffrance, leurs frustrations, leurs dispersions, et leur violence: "Ils doivent se mordre d'une belle façon", se réjouit le Lion. L'homme est un loup pour l'homme et s'enferme dans ses préjugés; il se croit libre et pourtant Zola nous révèle que le grand Paris est une cage aux fauves!

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