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Une analyse du travail du Togo, je vous écris ... (DTJVE) sous le titre " Journal d'un Français "

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Par   •  26 Janvier 2015  •  Fiche de lecture  •  3 655 Mots (15 Pages)  •  927 Vues

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Du Togo, je vous écris … : de l’autopsie d’une société togolaise cadavérique à l’histoire de la lutte pour la liberté

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Par Jean Emmanuel GNAGNON, Université de Lomé

Ecrire, écrire, écrire ! Comment écrire le Togo ? Cette question, anodine, puisse-t-elle paraître, a provoqué une sorte de poussée germinative dans mon esprit dès l’abord de l’œuvre Du Togo, je vous écris… (DTJVE) sous titrée Journal d’une Française déçue. Ecrirait-on le Togo par souci d’écrire, par besoin d’écrire ou par devoir d’écrire ?

Quand en 1998, Ahmadou Kourouma publiait En attendant le vote des bêtes sauvages , roman dont Comi Toulabor disait être « un clonage presque parfait de la vie politique togolaise » , le régime du général GNASSINGBE Eyadema venait d’échapper bel au renversement populaire et « remportait » les présidentielles de cette même année; mais, on découvre des centaines de cadavres en haute mer et sur des plages au Togo et au Bénin. Et, si nous voulons faire économie des événements politiques désastreux orchestrés par le régiment d’Eyadema dans les années avant 98, le cours politique après cette date consacrera les crimes et les malversations des caciques du Général-tyran jusqu’à la mort de ce dernier en 2005. Face à un tel paysage politique débridé où les misérables populations sont encore les seules à payer l’impondérable tribut d’une crise socio-économique chronique, écrire peut devenir un devoir sacré…

Ecrire par devoir de mémoire :le genre diariste

Ainsi que le précise le sous-titre de l’œuvre, DTJVE est le journal d’une Française « de gauche », Jehanne, confrontée au prisme des contrastes sociopolitiques d’une société togolaise en pleine déliquescence où se révèlent désenchantements postcoloniaux sur fond de dictature clanique d’Eyadema. Il n’est donc point surprenant que Hilaire Dossouvi Logo ait introduit et actualisé ce roman dont il a rappelé que l’auteure est une amie, une sœur de lutte pourquoi pas. En effet, Jehanne, qui a écrit son œuvre dans le filigrane de chaque instant, soucieuse de conserver le présent et l’actuel pour mémoire, ne s’est pas simplement prélassée de raconter ; mais, chaque mot, chaque fait, chaque événement traduisent un mécontentement, un jugement ou une inextinguible frustration qui menace d’une implosion .

Cette pratique littéraire d’une écriture de l’immédiateté fonde le genre diariste. Elle permettrait à l’écrivain de dévoiler un Moi impersonnel et extraverti dénudé de toute intention individualiste, appréhendé dans la substance d’un indéfini recommencement et d’une ouverture à l’universel. L’œuvre du diariste, toute soumise à la fluctuation du quotidien et aux inflexions intérieures du Moi, peut être considérée comme un témoignage historique et sociologique au sein duquel se bousculent les réminiscences toujours actuelles d’une époque. Si le journal est l’écriture intermittente de tous les jours, Maurice Blanchot fait comprendre que l’œuvre littéraire qui en naît implique, elle, un sujet impersonnel s’ouvrant à autrui par une sorte d’enthousiasme émanant de soi.

Dans DTJVE, l’intention de l’auteure étant juste de comprendre, chaque instant présent, si évanescent soit-il, ne doit pas être abandonné à l’oubli : il est nécessaire pour appréhender, mieux que tout, l’Autre dans toutes ses contradictions, pour révéler un destin. Dans la réalité, Jehanne nous livre un Moi déchiré, désespéré, à la quête de la justice et de la liberté. De plus, tous les faits, même jusqu’au plus contingents, relatés dans DTJVE nous donnent de rentrer dans les méandres inextricables d’une société togolaise en désagrégation. De toute évidence, c’est à partir de 1998, année qui marque l’apogée de la dictature d’Eyadema, que le tissu social togolais a atteint sa phase terminale de déliquescence. En 2001, c’est une calamiteuse société que Jehanne découvre. Et, il est hors de question que toute la réalité sinistre d’une telle communauté humaine passe inaperçue aux yeux de l’Histoire.

Si « tous les faits relatés dans ce Journal sont vrais », qu’il s’agisse de l’exploitation des agents de sécurité, de la paupérisation de la population, de la trahison des leaders politiques, du simulacre de procès d’Agboyibo, ou de la grève des étudiants de l’Université de Lomé et de la manipulation des étudiants par les partis politiques, l’œuvre diariste de Jehanne s’entend beaucoup plus comme un devoir sacré de mémoire qui ouvre la voie au droit de savoir pour la postérité. Pour l’auteure, tout doit être dévoilé de sa propre vie, même le fait le plus anodin est significatif d’une manière ou d’une autre. Aussi Jehanne ouvre-t-elle chaque note quotidienne par une marque déictique : elle donne la date en mentionnant le jour, le mois et l’année (Mardi 4 septembre 2001, par exemple). Mais, de Décembre 2000 à Juillet 2001, la note est faite mensuellement. On peut constater que le besoin de conserver de Jehanne s’est visiblement accru à partir de Juillet 2001 la note devient alors presque journalière. Cette insistance déictique apparaît dans l’œuvre comme la hantise de l’effacement par le temps. Toute la trame de DTJVE nous est livrée dans une fragmentation temporelle, rythmée par la scansion du passage des jours, et saisissable essentiellement comme une forme ouverte marquée par l’interruption : tout le récit se déroule entre Décembre 2000 et Lundi 15 octobre 2001. Le récit diariste étant voué à l’inachèvement, à l’interruption, puis à la clôture, le journal de Jehanne se limite à montrer, dans une verve purement réaliste, juste un épisode non moins révélateur du sempiternel règne d’Eyadema. Mais cette frange d’événements liés au Moi intime de l’auteure, donne une perception syncrétique du problème togolais. A cela, Jehanne ne peut être indifférente.

Ainsi toute son écriture réaliste dément-elle toute neutralité face au malheur d’autrui. Même si à la page 9 de l’œuvre, elle déclare que son « but n’est pas de dénoncer, mais de comprendre », DTJVE reste une critique acerbe du cynisme de la Françafrique, de la du parjure des leaders politiques togolais ainsi que de la passivité délétère du peuple.

Une écriture réaliste…Un point de vue

Comment juger du réalisme du journal de Jehanne ? Et de sa neutralité ? Montrons au prime abord que DTJVE est un calquage subtil de la réalité. Comme Hilaire Dossouvi

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