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Roland Barthes : Le Durable, L'instantané Et Le Transitoire Intransitif Du Sens

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Par   •  6 Juin 2015  •  3 061 Mots (13 Pages)  •  690 Vues

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Le corps-Barthes n’est jamais le même devant le monde, devant le visible. Ses « postures ontologiques » qui conditionnent ses attitudes devant le Sens varient en fonction des « espaces géo-logo-culturels »[1] où son corps se meut.

Mythologies, L’empire des signes et Incidents[2] sont quelques unes des manifestations de ces postures et d’un Barthes multiple.

Dans Mythologies ainsi que les trois premiers textes de Incidents, Barthes cherche le durable du sens ; dans L’Empire des signes, il découvre et fait sien l’instantanéité du sens ; enfin, dans « Au Maroc naguère… » (dernier texte de Incidents), le corps-Barthes refuse l’enracinement : il vit et saisit un état du transitoire intransitif du sens.

L’Occident : le durable

Mythologies est une démystification de la culture de masse dans la France des années 50. Barthes y procède à une interprétation critique de l'univers social des communications de masse, quelle que soit leur substance : objet, texte, image, comportement. Démystifier, chez Barthes, c'est "rendre compte en détail de la mystification qui transforme la culture petite-bourgeoise en nature universelle"[3]; démystifier, c'est mettre à nu l'Histoire/la culture qui se cache derrière la (fausse) Nature.

Dans ce sens, la lecture d'un texte (quelle que soit sa matière) ne peut plus se restreindre à une simple énumération de ses signifiants dénotatifs, elle doit chercher ses signifiés connotatifs et débusquer le système idéologique qui la sous-tend. Débusquer le mythe qui le fonde.

Ainsi, le mythe, tel que le définit Barthes, est aussi un système de communication et un mode de signification qui révèle les représentations mentales collectives. Car la société, dès qu'elle s'approprie un objet, elle le "mystifie" en l'investissant de valeurs qui découlent directement de "l'usage social". En ce sens, la mythologie ne peut avoir qu'un fondement historique.

Dans le mythe barthésien, "le sens est déjà complet, il postule un savoir, un passé, une mémoire, un ordre comparatif de faits, d'idées, de décisions"[4].

De ce fait, la réhabilitation du concept (ou signifié mythique) est, au fond, une réhabilitation de l'Histoire et de l'intention de signification-communication. Car le concept n'est pas abstrait mais "plein d'une situation".

Le concept fait intervenir une certaine connaissance du réel que le lecteur d’un texte ou d’une image ou du monde des objets mobilise et que l'émetteur individuel ou collectif programme. La forme constitue toujours un niveau de dénotation par rapport à quoi se construit la connotation. Et c'est cette connotation qui définit la fonction de déformation/distorsion du mythe: "Il distord l'histoire pour mieux la nier, il puise au culturel pour prétendre au naturel. Il sera ainsi le lieu privilégié de l'idéologie qui, culturelle par définition, ne peut survivre qu'en feignant le naturel"[5].

Même quand Barthes est le plus systématiste des sémiologues (comme dans Système de la mode), la critique idéologique reste ce fonds par rapport auquel les significations se définissent. Cette démarche s'explique : l'étude du processus de signification se réduit chez lui à l'étude des processus de connotation, lesquels font, inéluctablement, intervenir la Culture et l'Histoire comme procès direct ou indirect, intentionnel ou "spontané", de communication.

Ainsi, devant le monde, le visible et le « texte occidental», Barthes cherche le durable culturel et historique qui fait la durabilité de certains réseaux de significations. Cette posture on la retrouve, autrement écrite, dans les trois premiers textes d’Incidents. Le durable y est enracinement dans le Temps (individuel et collectif à la fois) c’est-à-dire dans l’Histoire et dans la Culture.

En effet, « La lumière du Sud-ouest » est une sorte de journal d’une revisite des lieux de l’enfance et de la jeunesse. Le sens est enraciné dans un durable géographique et historique : une sorte d’archéologie du « Village en France ». Dans cette géohistoire le sens est maîtrisé, logique, claire, unifié. L’enracinement est à chercher dans les composants et dans la composition. La typologie qu’il établit, même subjective, reste enracinée dans un réseau de sens supporté soit par ce fameux « accent » du Sud-ouest, soit par cette disponibilité/offrande de la terre-lumière (Barthes parle de la « qualité éminemment habitable » de cette lumière-espace[6]) ; disponibilité/offrande qui s’inscrit dans la durée, le Temps ; il existe un « temps du Sud-ouest »[7] ; soit encore par ce parcours, cette mobilité enchanteresse dans les lieux de mémoires « moire des lieux, des saisons, des temps, des lumières »[8]. Barthes procède ici à une lecture mémorieuse de son Sud-ouest : « Car, dit-il, « lire » un pays, c’est d’abord le percevoir selon le corps et la mémoire, selon la mémoire du corps. Je crois que c’est à ce vestibule du savoir et de l’analyse qu’est assigné l’écrivain »[9]. Barthes révèlant « [son] Sud-ouest » : parfaite adhésion au réel évoqué et parfaite adhérence du visible.

« Au Palace ce soir… », quant à lui, est la description d’un édifice-corps, d’une boite-spectacle : le Palace. Ce sont les mêmes aspects qui intéressent Barthes dans ce lieu : l’histoire (de l’art, de l’architecture) et la mobilité hédoniste du corps. La référence à Proust est explicite. L’histoire, le Temps, la Mémoire restent les filtres de cette connivence de Barthes avec l’espace. Filtres/fictions ou fictionnalisations culturelles de soi et du visible : « Voyageant de loin dans ma mémoire et venant embellir le Palace d’un dernier charme : celui qui nous vient des fictions de la culture »[10].

Justement, les « Soirées de Paris », sont des « fictions » racontant sous la forme d’un journal, les sorties parisiennes de Barthes en compagnie ou seul : ses aventures amoureuses avec ses amants et ses rencontres d’un jour.

Deux aspects frappent dans ce texte (par rapport au texte sur le Maroc) :

- le descriptif (comme dans les deux autres textes présentés) prend une importance capitale et visibilsante : la vision y est développée et développante ;

- la continuité diégétique : le texte raconte le « détail » : c’est-à dire cette entité menue, souvent infime mais nuancée, qui s’insinue dans une concaténation plus large au point d’épouser

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