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Dans Essais critiques, Roland Barthes écrit « la littérature est fondamentalement, constitutivement irréaliste ; la littérature, c’est l’irréel même [...] ».

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Par   •  18 Décembre 2020  •  Dissertation  •  3 136 Mots (13 Pages)  •  910 Vues

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Le dicton populaire veut que lorsqu’un événement exceptionnel et incongru survienne, la « réalité dépasse la fiction ». Cette séparation entre ce qui est réel de ce qui relève de l’imaginaire, si elle peut être appliquée à l’ensemble des Arts, prend tout son sens en littérature : en effet, et même si les temps anciens ont fondé leurs récits sur des traditions orales transmettant les informations de manière fugace, l’écriture a permis de partager ces mêmes informations sous forme figée, durable, exploitables par tous et non plus un unique auditoire susceptible de transformer le discours original. De facto, ce qui n’existe pas (ou plus) en tant que tel devient matériellement réel et s’inscrit dans le paradigme du plus grand nombre. Pourtant, dans Essais critiques, Roland Barthes affirme que « la littérature est fondamentalement, constitutivement irréaliste ; la littérature, c’est l’irréel même […] », plaçant ainsi l’écriture comme la plus irréelle des formes de retranscription de la réalité. Se pose par conséquent la question de déterminer si la réalité – c’est-à-dire un consensus humainement perceptible et concret autour duquel les hommes reconnaissent quelque chose comme ayant une existence et par opposition à l’imaginaire – peut véritablement être parfaitement retranscrite sous une forme finie. Dans un premier temps, donc, il convient de délimiter la frontière entre la littérature et le réel, et particulièrement à l’aune du genre qui s’affiche comme une représentation fidèle de la réalité : le Réalisme. Puis, une fois cette délimitation circonscrite, il semble opportun de jauger la mesure avec laquelle la réalité s’inscrit véritablement dans la littérature et, in fine, de juger du crédit que l’on peut accorder à celle-ci. Enfin, à l’aune de ces éléments et a contrario, il deviendra possible de déterminer sous quelle forme la littérature s’inscrit dans la réalité et ce qu’elle y apporte.

        

  1. Codes et différences (codes et différences réalité / littérature : les genres, etc.)

Chaque courant littéraire possède des codes selon lesquels il est reconnu : du récit historique au roman de gare, de l’uchronie futuriste au roman épistolaire, chaque œuvre répond à des codes caractéristiques. Parmi les multiples courants littéraires, desquels nous écarterons ceux s’affichant ouvertement hors de toute forme de réel, se dégage bien évidemment le Réalisme, mouvement dont l’objet même est de représenter la réalité – et par extension toute la société d’une époque donnée – le plus fidèlement possible, sans romantisme ni idéalisme. Ce courant littéraire, né de l’observation de grands conflits sociaux et politiques français du XIXème siècle, a pour objet de décrire le monde tel qu’il est et en toute objectivité et de donner au lecteur l’illusion du réel ; les auteurs réalistes s’attachent donc à décrire avec minutie le moindre détail, cherchant à reproduire la société dans laquelle ils vivent. Ainsi, nous retrouvons de longues descriptions dans de nombreux ouvrages : que ce soit dans de Zola dans son roman L'assommoir, en passant par Le Rouge et le noir de Stendhal avec la description de la ville de Verrières notamment, description extrêmement pointilleuse qui peut sembler trop longue, ou bien trop précise pour certains lecteurs. Il en est de même pour Flaubert avec son œuvre Trois Compte, Chateaubriand avec ses Mémoires d'outre-tombe ou encore avec La chambre double du Spleen de Paris composé de longues descriptions, il y a tout d'abord la description de ce qui l'entoure, de l'endroit où il est, on enchaine ensuite sur le portrait de "l'Idole", puis de ses propres sentiments.

De surcroit, cette volonté d’objectivité et de description du monde dans son entièreté pousse les auteurs réalistes à décrire la laideur crue de la société ou des situations, laissant de côté tout affect. Par exemple, les nombreuses apparitions et descriptions de la mort dans Les Hauts de Hurlevent. Des descriptions faites sans pincettes, de manières directes, sans métaphore. De même, l’auteur réaliste s’attache généralement à raconter des histoires vécues, et à donner aux personnages des sentiments vraisemblables qui seront exprimés au travers d’une écriture impersonnelle. Par exemple, nous pouvons remarquer cette écriture impersonnelle notamment dans Madame Bovary de Flaubert, en effet lors de la mort d'Héloïse, seul un court paragraphe très impersonnel par sa tournure et par l'utilisation du pronom personnel "elle" au lieu de son prénom. Ces différents éléments rendent sa mort comme insignifiante, comme négligeable et peu importante. Ce ton impersonnel est donc on ne peut plus visible puisque le lecteur ne ressent donc absolument rien lors de cette annonce. De même que Chateaubriand semble éviter au maximum de s'appesantir sur ses propres sentiments et préfère insister sur d'autre domaines moins subjectifs et plus réalistes "Je n'entretiens jamais les passants de mes intérêts, de mes desseins, de mes travaux, de mes idées, de mes attachements, de mes joies, de mes chagrins, persuadé de l'ennui profond que l'on cause aux autres en leur parlant de soi.". Afin de renforcer l’impression de réel, l’auteur s’appuie sur des documents spécialisés afin de donner à ses personnages le vocable adapté à leur condition sociale et à leur métier parfois technique.  Cette quête du réalisme et de la réalité pousse Balzac (dans sa préface de La Femme Supérieure) à dire que "le courage lui manque à dire qu'il est plus historien que romancier".

Si le Réalisme littéraire s’appuie donc sur des codes définis, à l’instar de tout autre courant, il ne semble pourtant pas être suffisant pour refléter la réalité puisque, afin de parfaire sa description du monde, Emile Zola fera évoluer le genre vers le Naturalisme en y incluant les sciences sociales "Un roman […] est simplement le procès-verbal de l'expérience, que le romancier répète sous les yeux du public […]Au bout, il y a la connaissance de l'homme, la connaissance scientifique, dans son action individuelle et sociale". En effet, pour Zola, l’Homme est déterminé par son hérédité et son milieu ; ces paramètres semblent par conséquent indispensables pour représenter encore plus fidèlement la réalité dans une conception plus grande encore. A ce titre, son œuvre majeure, Les Rougon-Macquart, est une fresque dépeignant en une vingtaine de volumes cinq générations de cette famille éponyme sous le Second Empire. Les romans retranscrivent ainsi encore plus fidèlement une réalité dont la faculté de se modifier et évoluer – socialement ou humainement – peut être suivie dans le temps par le lecteur. « Les Rougon-Macquart personnifient l’Empire », affirmera l’auteur. De même que, dans le roman La Fortune des Rougon, considéré comme l'origine de la saga Les Rougon-Macquart, c'est donc sans étonnement qu'on y retrouve quelques notions de sciences, notamment d'hérédité (Ursule ressemble bien plus à sa mère…) Avant lui, Honoré de Balzac s’était également attaché à décrire la société dans laquelle il évolue au travers de La Comédie Humaine, ensemble d’œuvres mettant en scène des personnages à la psychologie développée, symbole de l’importance des sciences humaines dans la description d’une réalité dans laquelle l’objectivité se doit de décrire la subjectivité. La littérature, même celle se voulant la plus réaliste possible au travers de l’insertion des sciences humaines, reste par conséquent figée dans un ensemble de règles et techniques établies supposées, dans le cas du Réalisme, représenter la réalité.

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