Présentation du roman Bonjour Tristesse de Françoise Sagan

On a beaucoup parlé de Françoise Sagan, la fidèle mitterrandienne, la rebelle signataire du Manifeste des 343 salopes, celle qui a offert ses droits d’auteur polonais à Solidarnosc ou encore celle qui, au volant de son Aston Martin, se plante gravement en 1957. On a moins parlé de cette jeune bourgeoise de 17 ans qui nous offre un des romans psychologiques les plus modernes des années 50.

Françoise Quoirez, de son vrai nom, est née en 1935 dans le Lot. Troisième enfant d’une famille industrielle aisée, ses parents lui passent tous ses caprices ; sa grande sœur la décrira à son biographe comme « une enfant pourrie-gâtée (…) qui a joui toute sa vie d’une totale impunité » mais ce qu’elle oublie de préciser, c’est l’immense talent de Sagan doublé d’une indépendance rare pour une femme de son époque. En effet, durant l’été 53, elle rédige son premier roman « Bonjour Tristesse » dont le titre est tout droit tirée de l’érudition de notre auteur et de son amour d’Eluard. Elle obtient cette année là le « Prix de la critique » d’un jury de connaisseurs – entre autres Georges Bataille et Marcel Arland tout de même ! – et les compliments de François Mauriac lui-même qui qualifiera cette récompense de méritée pour un « charmant petit monstre de dix-huit ans dont le mérité littéraire éclate dès la première page ».

Dans la France du Président Coty – Jean si tu nous lis ! – le roman fait scandale dans une classe sociale qui juge sa propre jeunesse comme décadente. Toujours sûre d’elle, Sagan trace sa route et vit sous perfusion d’adrénaline, constamment dans le mouvement, dans l’évolution, dans le combat. Alors que les mauvaises langues parlent d’un roman de cul, Françoise leur répond que c’est un roman d’humanité, un roman dont l’égoïsme et l’inconscience de la jeune narratrice conduira au suicide d’un être cher. Françoise n’a jamais fait dans la soie. Françoise, chère lectrice, c’est la femme que tu es aujourd’hui !

« Bonjour Tristesse » – « Adieu Innocence »

« Bonjour Tristesse » date donc de 1953 et raconte l’été oisif d’une jeune fille de 17 ans et de son père dans une maison louée pour l’occasion sur la côte d’Azur. Cécile, la narratrice, est issue d’une famille bourgeoise dont le père, veuf depuis une quinzaine d’années, se pose en chef de famille « relax take it easy ». Elle mène la grande vie aux côtés de son charmant coureur de jupons de padre, se rôtit les cuisseaux dans une crique méditerranéenne abandonnée par les touristes, méprise la dernière conquête de son père, aussi belle que niaise (Elsa) et se tape un jeune puceau (Cyril) qu’elle mènera en bateau pendant son été. C’est alors qu’une nouvelle invitée débarque – Anne – ancienne amie de sa défunte mère ; belle du haut de sa froide quarantaine, mondaine raisonnable et résonnée, pourvoyeuse d’une éducation « comme il faut », elle vient foutre le bordel dans l’oisiveté familiale du binôme « père-fille » et menace leur joyeuse insouciance. Voilà pour le topo.

En ouvrant les premières pages, je me demande ce que je viens chercher dans ce court ouvrage d’environ 150 pages, rédigé par une enfant snob et choyée, par une future femme active et indépendante, par un jeune monstre aux mains

...