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Philippe Jaccottet

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Par   •  26 Avril 2013  •  2 569 Mots (11 Pages)  •  1 146 Vues

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Philippe JACCOTTET

Explication linéaire

Fleurs, oiseaux, fruits, c’est vrai, je les ai conviés

Le thème de la mort occupe une place essentielle dans l’œuvre de Philippe Jaccottet. Dans ses premiers écrits, il l’exprimait de façon lyrique avec un certain effroi. Plus tard, dans Leçons et Chants d’en bas il l’aborde avec intimité, déchirement et un questionnement parfois morbide puisque ces poèmes évoquent le deuil de personnes qui lui ont été chères, son beau-père et sa mère.

C’est dans A la lumière d’hiver et particulièrement dans le premier poème que nous avons à étudier qu’il évoque sa propre mort ainsi que ses doutes sur la nature de son œuvre. Ecrit après la période de torpeur dans laquelle ces drames l’ont plongé, il y entretient un rapport flou entre sa mort physique et la mort de sa créativité. Il semblerait cependant que contrairement à ses deux premiers livres de deuil, A la lumière d’hiver amorce un renouveau, un espoir, un nouvel élan créatif après un repli sur lui forcé.

Dans cette anthologie, Philippe Jaccottet a choisi de conserver la totalité des poèmes de A la lumière d’hiver, un aveu presque qui nous indique qu’il s’agit sans doute de son œuvre maitresse.

Comment dans cette œuvre donc et précisément dans ce poème a-t-il réussi à « élever » ce qu’il a pu vivre de plus ténébreux pour en faire un enjeu majeur de son travail, de sa création, de sa quête ?

Le texte s’articule en trois strophes, en trois parties :

La première strophe peut être lue comme un constat, un retour sur ses premiers écrits et ce qu’il pensait être son propos.

Dans La deuxième strophe, il exprime sa résilience, sa volonté de parler encore, d’exister.

La troisième strophe est une forme de message, de cri vers le loin dans lequel il affirme sa persévérance mais aussi l’humilité qui le caractérise, son incapacité, son échec annoncé face à la force qui le pousse à écrire, peut-être la condition du poète.

Le premier vers sonne comme une confession, comme si il avait été pris en erreur, il semble reconnaître qu’il a failli, le ton employé et l’expression « c’est vrai » donne une couleur presqu’infantile au début du poème. Un enfant qui a mal agi et qui avoue. Il aurait donc commis une erreur, ou du moins il s’est fourvoyé dans des chemins qui, selon lui, n’étaient pas les bons… « C’est la fragilité même qui est la force », voilà comment il résume l’idée, les impressions qu’il a développé jusqu’ici. Effectivement, les motifs « fleurs », « oiseaux » et « fruits » étaient récurrents dans ses premiers écrits où il cherchait au travers d’éléments simples, au travers de la nature à être au plus près de l’humain, de ses indicibles perceptions, de ses sensations, de sa condition, où il cherchait à mettre en évidence ce qu’il y a d’invisible et d’inexplicable (comme dans le poème Oiseaux invisibles p. 187). Ces motifs forment par ailleurs mots pour mots le titre de la seconde partie de son recueil Airs, « oiseaux, fleurs et fruits ».

L’enfance résonne aussi dans l’utilisation du verbe « jongler ». Le jeu donc, l’insouciance à travers laquelle Jaccottet veut sans doute exprimer une humilité, une maladresse, une instabilité. Ce mot « jongler » peut aussi prendre une signification plus profonde puisqu’il exprime aussi la difficulté, la pénibilité du geste, la dextérité fragile qu’il faut sans cesse travailler. Il jongle inlassablement avec les mots, il les fait tourner comme le jongleur lance, saisi et relance ses balles, des balles qui finissent toujours par tomber. Philipe Jaccottet nous dit clairement qu’il est un poète qui cherche, qui recommence, qui remet sans cesse en question son écriture. Cette image est également une référence au moyen âge où le jongleur était le poète, une évocation du passé donc pour préciser que ses œuvres anciennes sont elles aussi maintenant bien loin. Philippe Jaccottet annonce bel et bien un renouveau. Il nous le dit cependant avec un ton plutôt léger « facile à dire » qui relève même de la moquerie, une certaine autodérision face à ses élans artistiques présomptueux, il a visiblement un certain recul qui annonce une rupture avec l’obscurité des poèmes précédents Leçons et Chants d’en bas.

Il passe ensuite de la première personne à l’indéfini « On » pour aborder une référence biblique et faire un parallèle avec son parcours. Le « On » peut sans doute prendre une valeur là encore de modestie, une astuce stylistique pour se détacher de son égo, pour regarder à contre coup l’« orgueil» qu’il a eu de vouloir bâtir. Il peut être aussi interprété là encore comme de l’autodérision, une volonté de réduire son statut de poète à celui d’un simple homme qui a voulu prendre « des grands airs d’artistes ». Il dit « on bâtissait » comme nous dirions familièrement « monsieur bâtissait ». Elie est un personnage biblique qui a réalisé de nombreux prodiges. Philippe Jaccottet veut-il dire qu’il a essayé lui aussi de réaliser des prodiges bien au delà de ce que l’homme peut accomplir ? Faut il entendre cette démesure là ? Elie est également le messie qui annonce la fin des temps, la référence devient plus claire, il annonce sa fin. La fin de cette époque mais aussi de façon plus cynique, la fin de sa créativité ; un sujet qui le tourmente dans la plupart des poèmes de ce recueil. Il y a à la fois dans ce parallèle une teneur caustique sur lui même, une autocritique de son ambition mais aussi le témoignage froid de sa peur de ne plus pouvoir écrire.

S’en suit un chant lexical aérien: « léger », « souffle », « air », « oiseaux ». Un thème qui lui est cher. Poète de l’invisible, de l’impalpable, du fantomatique, cet élément qui le fascine et l’inspire, l’air, est utilisé dans l’ensemble de ses poèmes, élément qui symbolise ses questions, ses impressions inexplicables, insaisissables comme sont ses mots, comme l’est son acte même d’écrire qu’il dit ne pas comprendre. Jaccottet est un poète de l’expérience, un poète qui a une quête et non un poète de l’anecdote ou de l’image, du concret. Il habite l’air dans sa poésie, l’air en suspend comme le sont ses mots, ses muses, l’air dans laquelle s’échappent l’esprit, le souffle, les mondes invisibles, la mort sa grande énigme. Il cherche avec l’invisible à montrer l’évidence. Là encore, il nous expose ses maladresses de poète

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