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Paris - restaurant Lemeunier - Francis Ponge

Analyse sectorielle : Paris - restaurant Lemeunier - Francis Ponge. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  18 Février 2015  •  Analyse sectorielle  •  387 Mots (2 Pages)  •  5 115 Vues

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Paris - Restaurant Lemeunier - Francis Ponge

Rien de plus émouvant que le spectacle que donne, dans cet immense Restaurant Lemeunier, rue de la Chaussée d'Antin, la foule des employés et des vendeuses qui y déjeunent à midi.

La lumière et la musique y sont dispensées avec une prodigalité qui fait rêver. Des glaces biseautées, des dorures partout. L'on y entre à travers des plantes vertes par un passage plus sombre aux parois duquel quelques dîneurs déjà à l'étroit sont installés, et qui débouche dans une salle aux proportions énormes, à plusieurs balcons de pitchpin formant un seul étage en huit, où vous accueillent à la fois des bouffées d'odeurs tièdes, le tapage des fourchettes

et des assiettes choquées, les appels des serveuses et le bruit des conversations.

C'est une grande composition digne du Véronèse pour l'ambition et le volume, mais qu'il faudrait peindre tout entière dans l'esprit du fameux Bar de Manet.

Les personnages dominants y sont sans contredit d'abord le groupe des musiciens au nœud du huit, puis les caissières assises en surélévation derrière leurs banques, d'où leurs corsages clairs et obligatoirement gonflés tout entiers émergent, enfin de pitoyables caricatures de maîtres d'hôtel circulant avec une relative lenteur, mais obligés parfois à mettre la main à la pâte avec la même précipitation que les serveuses, non par l'impatience des dîneurs (peu habitués à l'exigence) mais par la fébrilité d'un zèle professionnel aiguillonné par le sentiment de l'incertitude des situations dans l'état actuel de l'offre et de la demande sur le marché du travail.

Ô monde des fadeurs et des fadaises, tu atteins ici à ta perfection! Toute une jeunesse inconsciente y singe quotidiennement cette frivolité tapageuse que les bourgeois se permettent huit ou dix fois par an, quand le père banquier ou la mère kleptomane ont réalisé quelque bénéfice supplémentaire vraiment inattendu, et veulent comme il faut étonner leurs voisins.

Cérémonieusement attifés, comme leurs parents à la campagne ne se montrent que le dimanche, les jeunes employés et leurs compagnes s'y plongent avec délices, en toute bonne foi chaque jour. Chacun tient à son assiette comme le bernard-l'hermite à sa coquille, tandis que le flot copieux de quelque valse viennoise dont la rumeur domine le cliquetis des valves de faïence, remue les estomacs et les cœurs.

Comme dans une grotte merveilleuse, je les vois tous parler et rire mais ne les entends pas.

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