Mémoires d'une âme -Les contemplations

Dissertation Poésie

Pensez-vous qu’un poème touche davantage ses lecteurs lorsqu’il évoque une expérience vécue ?

Lamartine, dans les Méditations poétiques, évoque la mort d’une femme aimée comme Eluard dans Capitale de la douleur. Cela montre que de nombreux poètes parlent de leur vie personnelle dans leurs recueils. Victor Hugo utilise, dans sa préface des Contemplations, l'expression “mémoire d’une âme” pour caractériser cette démarche. Selon lui, son ouvrage a pour but de partager son cheminement intérieur à travers l’évocation de sa vie. Il est donc intéressant de se demander si un poète touche davantage ses lecteurs lorsqu’il évoque une expérience vécue. Le groupe nominal “expérience vécue” montre que les œuvres de Victor Hugo exposent des moments de sa vie, puis le verbe “toucher” souligne son lyrisme par l’expression de ses sentiments personnels. Cela signifie : un poème lyrique évoquant la vie personnelle du poète, et donc, de ses émotions intimes, est-il particulièrement émouvant pour le lecteur ? Pour répondre à la question posée, nous verrons tout d’abord que Les Contemplations est un recueil très touchant puisqu’il est centré sur la mort prématurée de la fille du poète. Cependant, nous verrons ensuite que cet ouvrage nous touche tout autant par les réflexions plus générales de Victor Hugo sur le sens de la vie.

Les Contemplations nous touche beaucoup, car ce recueil est centré sur la mort prématurée de la fille du poète.

Tout d’abord, l’évocation de la mort de Léopoldine est mise en valeur dans le recueil pour émouvoir le lecteur. En effet, la division en deux parties de l’ouvrage intitulées “Autrefois” et “Aujourd’hui” correspond au décès brutal de cette enfant par la noyade. Cette séparation s’effectue avec un poème sans texte portant la date de ce jour tragique comme titre. Victor Hugo annonce dès sa préface que la mort divise son livre avec une citation bien connue: “Autrefois, Aujourd’hui. Un abîme les sépare, le tombeau.” Aussi, la présence de Léopoldine est importante dans le recueil, tout comme elle l’était pour le poète. La mémoire de sa fille et l’hommage qui lui est rendu dans tout l’ouvrage apparaît à travers le premier poème du livre premier intitulé “A ma fille”, écrit en octobre 1842 avant la mort de sa précieuse progéniture et dans lequel Victor Hugo s’adresse à elle en lui donnant des conseils de piété et de soumission à l’ordre divin, ainsi que dans le dernier poème du livre six, "À celle qui est restée en France” écrit à la Toussaint 1855 pendant l’exil du poète, triste de ne pouvoir se rendre sur la tombe en cette période de commémoration. Également, le dernier poème du livre quatre rend hommage par son titre et son contenu à “Charles Vacquerie”, le mari de Léopoldine mort en essayant de sauver sa douce bien-aimée. Le poète y offre des louanges à destination son défunt gendre afin de le remercier, avant d’interpeller le couple avec l’espoir que tous deux soient au paradis. De plus, les 6 livres qui constituent le recueil évoquent l’évolution dramatique de la vie de Victor Hugo : de l'insouciance de la jeunesse dans les deux premiers livres, “Aurore” qui décrit le bonheur de l’enfance mêlé à des souvenirs plus récents, et “L’âme en fleur” exaltant l’amour pour Juliette Drouet et associant la nature à cette ferveur amoureuse, jusqu’ à cette mort qui a bouleversé sa vie dans le quatrième livre "Pauca Meae", prolongé par le cinquième livre, “En marche”, sur la douleur de l’exil. La souffrance intime du poète est très touchante pour le lecteur, car elle correspond à une expérience qu’il a lui-même pu connaître.

L’expression poétique de la douleur est source d’émotions profondes en chacun d’entre nous puisque, comme l’écrit Musset dans Les Nuits, “Les plus désespérés sont les chants des plus beaux”.

Cependant, ce sont surtout les réflexions de Victor Hugo sur les drames de sa vie qui nous émeuvent. En effet, l’évolution de sa perception de l’amour et l’éclairage de son deuil sont particulièrement touchants. Il évoque, dans le premier livre, une nostalgie pour les amours innocentes et légères de la jeunesse avec “Vieille chanson du jeune temps”, où le poète raconte, d’une façon humoristique, une ballade amoureuse ratée de son adolescence, mais aussi avec “Elle était déchaussée...” où il narre une rencontre sensuelle avec une jeune fille en harmonie avec la nature sauvage et pure. Aussi, il exprime dans le livre quatre, le besoin urgent d’aimer avec “Crépuscule” car la vie est brève et le bonheur fragile. Mais il exprime également l’importance de l’union familiale qu’évoque “Quand nous habitions tous ensemble…”. Outre l’amour et le deuil, le poète réfléchit dans le livre quatre sur la violence de sa douleur liée à la perte de sa fille. “Oh je fus comme un fou” montre dans un premier temps la folie due à la souffrance du manque récent de son enfant. Il y transcrit ses hallucinations visuelles et auditives et sa révolte contre Dieu en s’adressant à tous les parents qui ont connu l’injustice de cette tragédie, élargissant ainsi son lyrisme à toute l’humanité souffrante. Puis dans un second temps, le poète évoque son acceptation progressive de l’absence de Léopoldine comme avec le poème “A Villequiers” qui marque résignation et soumission à la volonté divine malgré la souffrance.

Nous avons précédemment montré que les émotions, provoquées par le vécu du poète et transmises dans ces poèmes, peuvent expliquer le fait qu’ils soient particulièrement touchants pour le lecteur. Cependant, si l’identification aux sentiments de l’auteur est difficile, peut-on tout de même être touché par de simples vers ? Nous verrons donc que cela est possible grâce aux questionnements plus généraux et assimilables que le poète peut mettre en avant dans ses poèmes. C’est le cas dans Les Contemplations, où Victor Hugo nous touche également par ses réflexions philosophiques et sociales.

D’abord, le poète utilise un lyrisme universel pour évoquer ses réflexions sur le sens de la vie. En effet, nombreux sont les poèmes ne se référant pas à des expériences

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