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Modernité du vers, anti-modernité de la prose

Fiche : Modernité du vers, anti-modernité de la prose. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  14 Décembre 2017  •  Fiche  •  1 382 Mots (6 Pages)  •  444 Vues

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Modernité du vers, anti-modernité de la prose, le paradoxe de la poétique baudelairienne

 Sainte-Beuve dans l'article qui consacre à Baudelaire dans le constitutionnel du janvier parle du recueil comme "un singulier kiosque fait d'une originalité concertée et composite qui depuis quelque temps attire les regards à un point extrême romantique". Baudelaire ne serais donc ni moderne ni anti-moderne mais à la fois étrange et étranger exilé dans un lointain exotique. Valez explique au contraire les ambiguïtés cultivée de Baudelaire par son incapacité à se débarrasser de ses vieux réflexes catholiques, il réservera au poète tout juste mort un réquisitoire d'une violence inouïe dans le numéro de son journal la rue datée de 7 septembre 1867, Baudelaire y apparait comme un mixte raté "du prêtre", de la vieille femme et du cabotin. "C'était surtout un cabotin, Valez précise encore, il avait cette sournoiserie de séminariste et le tempérament d'un clérical, il avait tout juste du mauvais prêtre qui dévorait d'appétit caché, tricherait avec sa conscience, et tâcherait de satisfaire à la fois sa foi divine et sa curiosité malsaine." Cette fois Baudelaire était pire qu'un anti-moderne, un réactionnaire frustré, jouant au moderne pour se faire peur à lui-même, tout autant pour effrayer le lecteur. En fait les commentaires des contemporains, une fois qu'on décide d'en négliger les partis pris, la condescendance affectée et la malveillance s'expriment même une perplexité qu'on peut traduire en ces termes : Baudelaire était-il un moderne, un observateur éclairé et passionné du monde en pleine mutation qui était le sien ou au contraire un artiste fondamentalement classique et anti-moderne tourné vers un état esthétique dont il redoutait les fondements inéluctables, viscéralement hostile à ce qu'il nomme dès 1860 la méricanisation du monde qui juste soumis à la recherche exclusive du bien-être matériel. Car la préoccupation de Baudelaire est autant esthétique qu'idéologique, pour que l'alternative soit exacte, il ne faudrait pas opposer l'anti-moderne au moderne, mais plus précisément un classicisme anti-moderne à un romantisme moderne. Cependant le classicisme qui renvoie au XVIIe siècle des classiques scolaires regardant encore quelque chose d'étriqué et d'étroitement nationaliste.  Hors la querelle entre les anciens et les modernes qui prend précisément sa source sous la règne de Louis XIV, on sait très bien que la pire des touches de l'art européen reste l'antiquité ; cette antiquité dont les classiques ont fait leur modèle vénéré mais qui en plein XVIIe siècle brille à nouveau de l'éclat extraordinaire d'une jeunesse mystérieusement retrouvée. C'est pourquoi l'analyse à la fois la plus simple, la plus lumineuse et la plus profonde je l'ai trouvée au tout début de ma recherche baudelairienne au détour d'un volume Les Hommes de bonne volonté de Jules Romain, Les Amours enfantins publié en 1932 : Jacques Fagnon et Jalez discutent dans la nocturne de politique, et Jalez, admirateur de Baudelaire s'efforce d'expliquer sa passion à son camarade. Jalez écarte de quelques formules présentes de baudelairisme de l'époque, cette complaisance à l'égard de l'univers furieux qui faisant alors Baudelaire à la mode ; je cite, nombreux admirateurs de Baudelaire que je rencontre me dégoute, pas seulement à la façon dont ils en parlent, non pas leur manière d'être, la conception de la vie qu'ils faitent chez eux, mais leur regard qui les rend un peu maniaque. Ce qui retient l'attention de Jalez, c'est non le style ou la forme, ses mots sont trop faibles, mais l'extraordinaire impression de densité, de puissance que la maîtrise artistique du vers donne le mot au poème, je cite, l'élan qui vient, c'est densité incomparable, mais il est trop servie et hors du propos. exactement chacun de ses vers, Verlez parle ici de La Chevelure, premier effet d'une série de décharge de sens, intense et rapproché, tout l'espace du vers est occupé, bondé immédiatement, il n'y a plus la moindre absence de sens ou ce qui revient quand même, on n'est pas obligé d'attendre qu'une seule source de sens, qu'une seule explosion de sens finissent par occuper tout l'espace du vers auprès d'une dilatation excessive comme il arrive souvent, il faut bien le dire, chez Hugo et le miracle, c'est que ce résultat soit obtenu sans disparate et sans trace d'obscurité, au contraire, le vers crève de significations lumineuses. D'une autre manière Jalez termine en mettant directement relation, cette intensité maitrisée de la poésie de Baudelaire avec la connaissance intime du latin et de ses ressorts aussi bien syntaxiques que lexicaux, je cite encore, en d'autre terme, je me demanderais sérieusement si Baudelaire n'est pas le premier qui retrouvait dans les temps modernes une certaine intensité admirable dont on ne peut pas avoir l'idée si l'on n'a pas, comme toi et moi, fait du latin. Cette imprégnation latine avec la supériorité qui est alors habituelle de reconnaitre à la langue matriciale du français relève du mythe collectif ou de la réalité linguistique. Mais l'alternatif est clair, d'un côté il aurait le Baudelaire moderne, cette modernité à la fin du XIX siècle et encore en 1932 liée à son exploration des zones obscures et de la psychologie et de la sexualité mais il pourra devenir dans la tradition en France après la seconde Guerre mondiale, celle de la face cachée, du second empire, de la société bourgeoise, et du consumérisme capitaliste, de l'autre, se tiendrait d'un Baudelaire, sinon anti-moderne, du moins foncièrement opposé au monde du flux et de l'éphémère où il baigne, réactualisant de poème en poème, les vertus essentielles, la compacité, la force de signification, l'absolu et lumineuse cohérence du vers. Hors Jules Romain acclamant choisir son camps et là son erreur, non ce qu'il trompe de camps mais parce qu'il n'y a pas lieu de choisir un camps pour déserter l'autre, car le miracle baudelairien est celui de Jules Romain, le miracle consiste à réunir les deux camps, à concilier la plongée dans l'homme et la société moderne et l'élaboration d'une forme qui se veut d'emblée intemporelle et incorruptible, un granite entouré d'une vague épouvante selon la formule de Spleen, en somme à annuler artistiquement l'antinomie du moderne et de l'anti-moderne. D'une part, le moderne et l'anti-moderne sont consubstantiel l'un à l'autre dans l'oeuvre baudelairienne ; d'autre part, cette consubstantialité est intimement liée à la forme poétique elle-même et au rôle paradoxal que l'écrivain lui assigne pour mener à bien son projet littéraire. Il est autant plus nécessaire, me semble-t-il, d'insister en ouverture sur ses enjeux proprement esthétiques pour reprendre la vieille distinction scolaire, et la critique me semble depuis des décennie s'attacher exclusivement au fond au détriment de la forme en fait depuis qu'il se détournait du Fleur du mal pour s'intéresser au Spleen de Paris. La critique a raison et tort à la fois : elle a la raison parce qu'il est en effet au coeur de tout texte de Baudelaire un mythe très reconnaissable de fascination et de répulsion à l'égard de la mutation de la société occidentale : la consumérisme, la technologie, la culture médiatique, les innovations matière d'illustration, la photographie, l'urbanisme, etc. . Il voit ainsi grandir en lui à mesure que les années passent et que sa lassitude augmente d'une sorte d'effarement obsessionnel qui dans ses notes intimes est exprimé avec une violence et une trivialité très saisissante ; cette anti-modernité est donc une donnée structurelle qui concerne aussi bien la psychologie de l'homme que la poétique de l'oeuvre. Mais la critique a tort de situer ici la singularité de Baudelaire tout simplement parce que cette attitude idéologique est pour l'époque une absolue banalité. Il n'est pas intellectuel ni écrivain qui a moins d'avoir fait à l'hégence au libéralisme de la monarchie juillet, les manifestés son désenchantement, son désillusionnement, sa colère, sa tristesse, tout ce mot soit de Balzac, soit de Baudelaire, à l'égard d'une révolution sociale où il ne reconnaît plus aucune de ses valeurs ni de ses espérances. Pour le dire d'une formule on découvre alors la brutalité qu'occasionne toujours la révolution a réalité du capitalisme industriel avec tout l'éventail de ses conséquences culturelles tantôt séduisantes tantôt inquiétantes, et le choc est rude. Nous ne sommes pas encore sortis de ce choc. Autour de 1830 puis de 1848 ce mal du siècle s'est traduis par les trois grandes idéologies entre lesquelles se sont partagées tous les anti-libéraux, le progressisme qui fait confiance au progrès d'un démocratie et d'histoire pour corriger

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