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Maus d'art spiegelman : un document historique

Analyse sectorielle : Maus d'art spiegelman : un document historique. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  21 Mai 2015  •  Analyse sectorielle  •  8 203 Mots (33 Pages)  •  1 001 Vues

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MAUS D’ART SPIEGELMAN : UN DOCUMENT HISTORIQUE ?

Note : toutes les références à Maus dans cet article se rapportent à l’édition Flammarion de janvier 1998 : Maus: tome 1 et tome 2 (Edition intégrale reliée)

I] Caressons le cercle et il deviendra vicieux ou comment résoudre la quadrature…

Nous ne reviendrons pas, d’autant que ce n’est pas notre sujet, sur le débat qui oppose, à notre avis de manière stérile, la BD à la Littérature , nous nous attarderons par contre sur les délicates relations qu’entretiennent l’Histoire et la Fiction.

Les deux domaines a priori s’opposent parce que le premier serait, au moins en théorie, celui de l’objectivité et le second celui de la subjectivité. Tout enseignant de Lettres-Histoire qui se respecte devrait en savoir quelque chose : aborde-t-on un texte littéraire de la même manière qu’un document historique ? Se pose-t-on, doit-on se poser, les mêmes questions ? Non, évidemment, excusez-nous d’enfoncer ces portes déjà ouvertes… Cependant, dans nos allers-retours entre l’un et l’autre, fait-on toujours aussi nettement la part des choses ? Et nos élèves, à fortiori, qui nous demandent souvent, et pas forcément de manière provocante, tout simplement parce que notre « changement de casquette » n’est que symbolique : “ M’sieur (M’dame) c’est de l’histoire ou du français qu’on fait là ? ”.

Dans nos pratiques bivalentes il nous arrive effectivement, peut-être plus souvent que nécessaire d’ailleurs, d’étudier parallèlement Rhinocéros d’Eugène Ionesco et le Totalitarisme en Terminale Bac Pro, d’aborder la Résistance et la collaboration à l’aune de Meurtre pour mémoire de Didier Daeninckx ? À force de vouloir faire des liens entre Littérature et Histoire sous prétexte que l’une se serait emparée de l’autre, ne nous éloignons-nous pas de la didactique propre à nos deux disciplines d’enseignement ? Ne jetons-nous pas ainsi un peu plus de confusion dans les cerveaux parfois embrumés de nos adolescents ? La question se pose avec encore plus d’acuité quand il s’agit d’un épisode de l’histoire aussi sensible et indescriptible / indicible que celui de la Shoah, écoutons à ce propos ce qu’en dit Martin Winckler : « En relisant Maus, et en le présentant comme je le fais dans le paragraphe précédent, je pense bien entendu à La vie est belle de Roberto Benigni. C’est aussi l’histoire d’un père et d’un fils, et on dirait l’image en négatif de ce que raconte Spiegelman. Dans le film, le père protège son fils, tourne les nazis en dérision et meurt pour que son enfant survive. L’enfant survit et retrouve sa mère. Benigni et son co-scénariste ont-ils lu Maus ? Je me souviens des réactions de certains devant le succès du film. Certaines voix se sont élevées contre ce qu’elles considéraient comme une " trop belle représentation de l’holocauste". Si La vie est belle n’est pas crédible, Maus l’est-il ? Qui a le droit de parler des camps ? Qui a le droit d’écrire à ce sujet ? Une fiction vaut-elle moins qu’un témoignage ? »

Nous pouvons trouver de bonnes raisons de défendre notre bivalence au-delà des simples considérations matérielles liées au fonctionnement de notre institution, il n’en restera pas moins que les disciplines enseignées sont différentes, voire divergentes, tant dans les moyens à mettre en œuvre que dans leurs fins respectives et que la bivalence ne les sert pas autant qu’on voudrait bien s’en persuader si l’on prend l’angle proprement didactique et épistémologique des Lettres ou de l’Histoire… Qui de nous contestera le fait que, selon la formation universitaire reçue avant de passer le concours, on se “ sentira ” plus “ historien ”, “ géographe ” ou “ littéraire ” ? Qui niera dés lors que cela détermine plus qu’on ne le croit notre façon d’enseigner ? Ce qui n’empêche personne, cela dit, d’exercer honnêtement un métier pour lequel nous nous sommes reconstruits une identité… bivalente. Cet aspect de notre formation doit faire partie de notre réflexion.

À une époque où l’on a coutume de dire que tout se brouille et se confond, nos enseignements des Lettres et de l’Histoire-Géographie en LP n’a-t-il pas comme finalité, parmi d’autres, de donner des repères : c’est notamment pour cette raison que l’histoire et la géographie ont été réintroduits au cycle CAP. Ces questions impliquent un certain nombre de précautions quant au statut même des documents que nous mettons en face de nos élèves, pour autant doit-on exclure la fiction de nos cours d’Histoire car c’est la question principale que nous nous posons ici et ce, particulièrement, à propos du témoignage ?

Nous voudrions avancer dans cette réflexion avec l’idée que tout témoignage peut s’apparenter par bien des points de vue à une fiction puisque tout témoignage est une interprétation du réel dans sa nature fondamentalement subjective, quand bien même le témoin est “ direct ” (tout témoin est porteur d’une vérité… parmi d’autres : voir « Le témoignage : réflexion pour une pratique raisonnée du témoignage en classe »). La fiction pourrait même à bien des égards se révéler plus véridique qu’un témoignage stricto-sensu : Emile Zola en chef de file du naturalisme n’apporte-t-il pas un témoignage plus juste que ses contemporains sur son époque en se débarrassant volontairement de toute subjectivité ? Ca se discute en tous cas, au moins autant que les rapports compliqués qu’entretiennent la Mémoire et l’Histoire…

Nous pensons qu’il est utile, si ce n’est indispensable, que l’enseignant se pose des questions pour exercer une pratique raisonnée. Mais, in fine, la question fondamentale qu’il doit se poser c’est celle du sens, autrement dit : dans quelles mesures (et comment) telle ou telle œuvre de fiction peut-elle, par sa qualité intrinsèque, sa pertinence, aider mes élèves à comprendre l’Histoire ? Ou encore : en quoi telle ou telle fiction permet-elle les conditions d’une réflexion historique ? (la réciproque devrait d’ailleurs être envisagée : Comment l’Histoire peut-elle ouvrir des pistes de lecture d’une œuvre de fiction ?).

Et c’est ainsi, et seulement ainsi, qu’on peut résoudre la quadrature du cercle, il ne s’agit pas d’opposer les disciplines mais de les rendre complémentaires grâce à la seule chose qu’elles ont en commun : leurs finalités (construire le citoyen, lui permettre d’acquérir un recul critique…).

II] Maus : un document impossible ?

Dés le départ de notre réflexion à propos de l’exploitation pédagogique éventuelle de Maus, les problèmes

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