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Marivaux-analyse linéaire

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Par   •  12 Décembre 2021  •  Commentaire de texte  •  2 939 Mots (12 Pages)  •  559 Vues

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Introduction

Marivaux a commencé sa carrière en tant que journaliste. Il collabore au Nouveau Mercure où s’expriment les Modernes. Il publient divers périodiques qui reflètent sa sympathie pour l’esprit nouveau qu’on peut percevoir également dans ses pièces. Alors que ses prédécesseurs immédiats tâchent de prolonger la tradition du comique de Molière, Marivaux impose une nouvelle forme de comédie : un style naturel et une peinture pénétrante de la psychologie et du sentiment.

L’extrait que nous allons étudier se situe au moment de l’apparition du personnage de Trivelin dans la scène 2 et comprend la tirade de Trivelin à la page 164 ainsi que les deux répliques (celle d’Arlequin et celle de Trivelin) qui suivent à la page 165.

Dans une île utopique Iphicrate, jeune seigneur, et son valet Arlequin viennent d’échapper à un naufrage. Lorsque le maître révèle imprudemment que l’île est habitée par d’anciens esclaves révoltés, Arlequin devient insolent  et refuse de servir  davantage. Iphicrate le poursuit, l’épée à la main, mais il est retenu par l’arrivée de Trivelin. Les anciens esclaves, devenus « philosophes » n’ont plus de haine ni de rancune, mais la volonté de corriger les cœurs barbares.

La tirade de Trivelin occupe presque tout l’extrait. Elle tache de présenter l’histoire violente de l’île et son évolution actuelle ; la transformation de la vengeance en correction, voire guérison. La réplique d’Arlequin qui intervient après sert à renforcer l’idée de correction et à donner un effet comique de la communication. La réplique de Trivelin se présente comme une clôture qui résume la situation des maîtres esclaves et leur seule issue : guérir et apprendre la vie. Un apprentissage qui est essentiel dans l’œuvre de Marivaux.

Pour étudier cet extrait nous allons essayer de voir « En quoi il représente le fonctionnement de toute la pièce et quel est le rôle de Trivelin ? »

On peut distinguer trois mouvements dans cet extrait 

I. De la  première ligne jusqu’à la ligne 11 : La présentation de l’utopie : un passé violent

II. Puis de la ligne 11 jusqu’à la ligne 24 : L’idée de la correction

III. Et le dernier mouvement qui comprend le reste de la tirade et les deux répliques : Un métadiscours portant sur la pièce et le genre même de la comédie ?

Développement

I. La présentation de l’utopie : un passé violent

ligne 1 : Les premiers mots de Trivelin ouvriront une sorte de cycle qui retrouve son écho dans sa dernière réplique. Avec « Ne m’interrompez point » on peut voir la volonté du personnage à insister sur la clôture, sur le refus d’issu. L’apostrophe « mes enfants » renforcé par le sens d’appartenance du déterminant possessif « mes » met en position supérieure Trivelin. On retrouve ici aussi l’idée de Trivelin metteur en scène, celui qui va poser l’action et celui qui va guider l’action jusqu’à son dénouement.

Ligne 2/3 : À la ligne 2 on observe une sorte d’ellipse, de sous-entendu ou de manque d’information. Après la phrase « Je pense que vous savez qui nous sommes » on attend une reprise comme « Nous sommes » plus une explication, mais cela ne vient pas. Le propos de Trivelin se dirige directement vers l’histoire de l’île. Après l’introduction de la communauté dont l’existence est présentée comme évidente et comme une suite logique d’une société illogique et injuste (avec la conjonction « donc » qui souligne la suite logique + « vous savez qui nous sommes »), le personnage évoque l’histoire violente de l’île : dans la temporelle (« quand nos pères ») on retrouve une sorte de périphrase à ce qui a été et à ce qui n’est plus. Avec l’apposition « irrités de la cruauté de leurs maîtres » Trivelin, malgré le détachement qu’il fait de la situation actuelle par rapport à celle qui a été, ne peut pas s’empêcher de justifier la réaction des valets (leurs pères) face à l’injustice et à la cruauté de la société. Mais quelle est exactement cette société ?

Ligne 4 : le nom de la Grèce est évoqué. Cette violence et injustice sont reliées avec une sorte d’Antiquité atemporelle. Cette Antiquité représentée par la Grèce, est opposée dans la même phrase à l’adverbe « ici ». Cette opposition géographique sera présente pendant toute la tirade de Trivelin : la société = là-bas ≠ l’île = ici.

Ligne 4/5 : le complément locatif détaché « dans le ressentiment des outrages qu’ils avaient reçus de leur patrons » rajoute une nuance poétique du propos de Trivelin qui tâche de présenter et à un certain degré de justifier la violence d’autrefois.

Ligne 6/9 : Entre la ligne 6 et la ligne 9 les spectateurs reçoivent l’explication du fonctionnement de l’île, qui a été retardé par la temporelle présentée en première afin d’insister sur les raisons et seulement ensuite sur le résultat.

Ligne 9 : On a un deuxième mouvement dans la présentation de l’île et de l’histoire. La proposition juxtaposée à la ligne 9 (« la vengeance avait dicté cette loi ») joue le rôle d’une explication mais à la fois un détachement de ce passé violent parce que 20 ans plus tard la vengeance a été remplacée par la raison. Et c’est sur cette raison que la suite se joue : il ne s’agit plus de vengeance mais de correction. Ce remplacement est renforcé par toutes les reprises anaphoriques qui se succèdent (« la raison l’abolit et en dicta une plus douce »). On a une triple reprise anaphorique du GN « cette loi » : l’/ en / une. Cette reprise verbale et la polyptote verbale (avait dicté – dicta) soulignent encore plus la symétrie mais aussi la distinction entre le passé et le présent.

II. La République et l’idée de la correction

Ligne 11 : À partir de la ligne 11 jusqu’à la ligne 24 on a une seule phrase. De même, une phrase résume toute la nouvelle philosophie de l’île. « Nous ne nous vengeons plus de vous, nous vous corrigeons ». On peut voir deux niveaux de distinctions et de contrastes dans cette phrase. Le premier est la distinction que Trivelin fait entre les habitants de l’île qui sont censés être les sauvages et les maîtres qui représentent la civilisation. On a une sorte de confrontation de deux mondes : celui de la République utopique et celui de la civilisation antique. Le premier corrigera le deuxième. Le deuxième niveau de distinction est l’opposition au niveau grammatical des deux pronoms personnelles qui alternent des emplois en sujet et en régime (nous = sujet / de vous = COI / nous = sujet / vous corrigeons = COD). L’exécuteur c’est les valets de l’île et ce sont les maîtres qui supporteront l’action.

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