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Madame Bovary est-il un roman réaliste ?

Dissertation : Madame Bovary est-il un roman réaliste ?. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  20 Avril 2016  •  Dissertation  •  2 158 Mots (9 Pages)  •  1 793 Vues

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Autour de 1850, une nouvelle sensibilité, autant littéraire que picturale se dessine : il s’agit du réalisme. Tandis que Champfleury écrit Monsieur de Boisdhyver, Courbet déclenche un véritable scandale avec son tableau Un enterrement à Ornans, nottament parce qu’un chien vient entacher le caractère sacré d’une inhumation. C’est dans ces conditions que l’histoire personnelle de Flaubert avec Madame Bovary vas rejoindre les tendances d’une certaine élite de son temps. Cependant, comment comprendre le paradoxe « J’exècre ce qu’on est convenu d’appeler le réalisme bien qu’on m’en fasse l’un des pontifes », écrit par Flaubert lui même dans une lettre à l’intention de son amie George Sand ? Les contemporains du grand mouvement du réalisme ne virent d’abord que cet aspect réaliste chez Flaubert, mais les lectures modernes, qui placent Flaubert au Pinacle de la littérature, saluent plutôt le poète dans le plus grand des prosateurs. Madame Bovary est-il oui ou non un roman réaliste ?

Flaubert semble être un auteur réaliste pour plusieurs raisons. En effet, Madame Bovary apparait dans un contexte culturelle très précis : le réalisme, qui nait d’une réaction au romantisme initié par des écrivains comme Victor Hugo ou Chateaubriand et des peintres comme Delacroix. De plus, le sujet de ce roman est inspiré d’un fait divers : l’histoire d’un ancien élève de son père, Eugène Delamare, médecin a Ry, dont la femme infidèle avait fini par s’empoisonner, et qui lui même était mort de chagrin. Flaubert s’inspire de cette aventure réelle avec une exactitude presque « scientifique » qu’il hérite surement de sa jeunesse passé dans un milieu médical (l’Hotêl-Dieu de Rouen), où l’observation rigoureuse des phénomènes était de règle. Sous le nom de Yonville, c’est la bourgade de Ry qui nous est minutieusement décrite, dans sa platitude banale : la pharmacie, l’auberge du Lion d’Or, la diligence l’Hirondelle, ont en effet réellement existé. Même vérité dans les personnages : Bovary est le portrait a peu près exact de Delamare, et Mme Bovary ressemble par bien des traits à Mme Delamare, d’autres sont bien plus composites mais également tirés du réel : il a fallu emprunter a plusieurs pharmaciens pour composer un « Homais ». Enfin, quand il n’est plus soutenu par le fait divers, le romancier crée l’impression de réalité par des détails qu’il observa lui même : Flaubert assista à des scènes semblables à la noce paysanne qu’il nous décrit, ou à l’inauguration du Comice agricole. Ainsi le réalisme de Flaubert apparaît aussi bien dans le tableau d’une luxueuse soirée que dans la description d’un intérieur sordide ou dans l’évocation des derniers moments d’Emma Bovary torturée par le poison. L’aspect réaliste de Flaubert se manifeste de plus dans les description spatio-temporel des villes de Tostes, Yonville ou Rouen. En effet, les décors apparaissent plus vrai que nature, on a une description documentaire, quasiment sociologique qui crée un effet d’illusion réaliste. Le titre du roman n’est pas non plus sans sous entendu de la part de l’auteur. Celui-ci dénonce en effet la condition féminine au XIXème siècle. Le fait que le prénom de Mme Bovary n’apparaisse pas dans le titre suggère une perte d’indentité de la part d’Emma. En perdant son prénom, elle perd ce qui lui fait son identité propre, son individualité. Elle n’est plus que l’épouse de Charles. Rien ne la singularise, rien ne la distingue des autres, elle est définie uniquement par son statut d’épouse de Charles Bovary ( « Madame » Bovary). C’est un moyen pour Flaubert d’attirer, dès le titre, l’attention du lecteur sur un aspect qu’il juge essentiel de son roman : le drame de la femme mal mariée et poussée par la monotonie du mariage à l’adultère.

Nous l’avons vu, Flaubert apparait à première vue comme un auteur réaliste. Cependant, celui-ci vas bien au delà d’une écriture de type réaliste, nottament par son dualisme psychologique, à la fois misanthrope et artiste et responsable du dépassement du réalisme dans deux directions (« Il y a en moi, littérairement parlant, deux bonhommes distincts : un qui est épris de gueulades, de lyrisme, de grands vols d’aigle, de toutes les sonorités de la phrase et des sommets de l’idée ; un autre qui creuse et qui fouille le vrai tant qu’il peut, qui aime à accuser le petit fait aussi puissament que le grand, qui voudrait vous faire sentir presque matériellement les choses qu’il reproduit »). Le premier aspect de ce dualisme psychologique est donc la férocité dénonciatrice qui le pousse à la dérision (on n’est donc plus dans le réalisme mais la caricature, la satire, la critique politique...). On retrouve cette dérision nottament dans la description de la casquette de Charles au tout début du roman et qui renvoie à l’univers de la bétise humaine. L’épisode de la noce en milieu paysans au chapitre 4, que l’on peut comparer à celle de Gervaise dans l’Assomoir de Zola, est aussi une satire de la bétise paysanne, bourgeoise, et sentimentale, de part l’écriture corosive, caustique de Flaubert qui rend mal à l’aise lors de la description vestimentaire des adolescentes. Enfin, l’épisode de la caisse-machine infernale, dans le chapitre XI de la deuxième partie du roman, qui supplicie le pauvre Hippolyte et son pied bot au lieu de le soigner, montre une fois de plus ce dépassement du réalisme de la part de Flaubert avec sa tendance à exagérer les choses de manière sadique. On voit que Flaubert éprouve une satisfaction presque perverse toutes les fois qu’il peut écraser un personnage sous le poids de sa propre inanité. Plus encore que la terminologie, c’est le style qui devient instrument de caricature et de parodie. Et, derrière ces techniques obliques d’intervention, l’on devine l’indignation permanente de l’auteur. A vrai dire, sa colère implicite (souvent artificiellement entretenue), semble bien une source d’inspiration, comme il le confessera d’ailleur devant Edmond de Goncourt « Non, c’est l’indignation seule qui me soutient !... Quand je ne serais plus indigné, je tomberais à plat ? ». L’ironie flaubertienne joue ainsi au dépend de ses protagonistes. Le second aspect de ce dualisme psychologique présent chez Flaubert est la poésie pure, la quête du « beau » dans une écriture sublimée, picturale, qui se retrouve nottament dans la narration omnisciente ( chapitre X, partie II : « elle arrivait essouflée, les joues roses, et exaltant de toute sa personne un frais parfum de sève, de verdure et de grand air... comme une auréole de topaze tout autour de sa figure »). On remarque qu’il est manifeste que Flaubert écrit pour son plaisir

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